Israël et le Hamas vont droit à la catastrophe en se lançant dans un jeu dangereux
Avec l’AP au volant et l’Egypte à l'arrière, Israël, propulsé par le vent arrière du golfe persique, met le Hamas au défi de déclencher une nouvelle guerre

Le gouvernement israélien, l’Autorité palestinienne (AP) et, dans une moindre mesure, le gouvernement égyptien se sont enfermés dans un jeu dangereux avec le Hamas, qui a entraîné les deux millions de malheureux résidents de la bande de Gaza dans cette histoire. Cette course à la mort est alimentée par une combinaison de conflits palestiniens internes, de diverses politiques israéliennes, de changements militaires sur le terrain et d’un siège diplomatique dans le Golfe. Une collision catastrophique semble de plus en plus probable.
Pourtant, en intervenant à la Knesset lundi, le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, a indiqué qu’il n’était pas perturbé par cette situation, notant que l’année écoulée était la plus calme à la frontière avec Gaza depuis 1967 et que, bien qu’il y ait eu des manifestations récemment le long de la clôture de sécurité, elles n’ont pas attirées d’énormes foules mais qu’elles étaient composées « d’agents du Hamas qui ont été amenés là-bas ».
Il a également appelé à mettre en place une stratégie au sujet du Hamas et Gaza dans laquelle Israël « ne cligne pas [des yeux] et ne s’écarte pas [de sa voie].»
En raison de l’évolution de la situation ces derniers mois, le groupe terroriste est, à bien des égards, en difficulté.
Les personnes qu’il contrôle dans la bande de Gaza sont de plus en plus lasses des conditions de vie dans l’enclave côtière, où l’électricité est intermittente et les eaux usées polluent la mer environnante, parce qu’il n’y a pas de courant pour mettre en place des installations de traitement des eaux usées.

Parallèlement, les travaux devraient commencer dans les prochaines semaines pour construire une barrière frontalière souterraine du côté israélien, qui vise à paralyser la capacité du Hamas à envoyer des hommes armés dans le pays grâce à ses tunnels, l’une des principales armes du groupe terroriste.
Et l’un des principaux bienfaiteurs du Hamas, le Qatar, fait face à sa propre crise, et il est donc peu susceptible de participer financièrement et de l’aider dans un proche avenir. Son voisin, l’Arabie saoudite et de nombreux anciens alliés ont coupé les liens avec la petite nation riche en pétrole la semaine dernière pour un certain nombre de raisons, y compris son soutien à des groupes terroristes, dont le Hamas.
Mais alors que tout semble s’effondrer pour le Hamas, le groupe est en pleine forme militaire, ayant complètement reconstruit son arsenal et son infrastructure au cours des trois années écoulées depuis sa guerre de 2014 contre Israël, selon les estimations israéliennes.
On dit que leurs rangs ont gonflé et qu’il compte maintenant 27 000 combattants, dont près d’un dixième sont des commandos. Et le groupe aurait également investi fortement dans des capacités navales et aériennes depuis le dernier conflit à Gaza.

Pourtant, Amos Gilad, ancien responsable du ministère de la Défense, a déclaré mercredi qu’il était convaincu qu’Israël avait suffisamment dissuadé le Hamas d’entrer dans un conflit.
« Ils ont compris que leur prochaine attaque contre Israël pourrait mettre fin au ‘Hamastan’, le gouvernement du Hamas à Gaza », a-t-il déclaré, lors d’une conférence téléphonique organisée par The Israel Project.
Gilad a néanmoins conseillé à Israël de s’employer à prévenir une crise humanitaire dans la bande de Gaza car « une crise humanitaire amène le chaos, et nous devons l’éviter. »
Une lutte pour l’électricité
Dimanche, le cabinet de sécurité israélien a approuvé la demande du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de réduire de moitié la quantité d’électricité déjà insignifiante que reçoit l’enclave côtière. Les heures d’alimentation en électricité à Gaza seront probablement réduites d’environ six heures par jour à deux à quatre heures par jour.
Bien que la mesure ait été approuvée, elle n’a pas encore été mise en œuvre, car certains aspects techniques doivent encore être revus. Quand et si cette décision sera mise en œuvre, elle mettra encore plus de pression sur les hôpitaux de la bande de Gaza et sur les Palestiniens de la classe moyenne, qui sont forcés d’alimenter leurs maisons et leurs entreprises avec des générateurs personnels (lorsqu’ils peuvent se le permettre, car avec un taux de chômage estimé d’environ 40 %, ils sont peu à pouvoir s’en payer un).

Abbas est en mesure de demander une telle chose à Israël parce que, alors que le Hamas prélève des impôts aux Gazaouis, il refuse de payer les environ 125 mégawatts/heure d’électricité qui entrent dans le territoire en provenance d’Israël, obligeant l’AP – sa rivale – à payer la facture. Historiquement, l’AP a fait précisément cela, même si les résidents de la bande de Gaza n’ont plus d’électricité 24h/24 depuis que le Hamas a pris le pouvoir il y a 10 ans.
Avec l’AP payant les factures, le Hamas, inondé de liquidités et qui n’a pas à faire face à ses responsabilités, a pu investir son argent dans des tunnels défensifs et d’attaque, ainsi que dans un nouvel arsenal de roquettes, d’obus de mortiers et de drones à utiliser contre Israël.
Mais cette année, Abbas a adopté une stratégie plus agressive. Il a refusé de payer les taxes sur le carburant qui alimente la centrale électrique de la bande de Gaza et de couvrir les 40 millions de shekels par mois que coûte l’électricité de Gaza, acceptant de ne payer que 20 millions de shekels par mois pour alimenter le territoire.

En avril, lorsque Abbas a d’abord demandé qu’Israël cesse de fournir en électricité la bande de Gaza en raison des dettes accumulées, cela a mené à un léger conflit querelle dans le gouvernement israélien. Le ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, s’est opposé à cette idée, en affirmant qu’il n’avait pas « l’habitude de prendre ses ordres de l’Autorité palestinienne, directement ou indirectement, sur des questions relevant de mon autorité ». Il a fallu deux mois, mais le gouvernement israélien a pris une décision.
Lors de la réunion du cabinet de dimanche, les militaires ont mis en garde contre le fait que cette décision pourrait inciter le Hamas à attaquer Israël, mais ils auraient néanmoins soutenu la décision de réduire l’électricité à Gaza au motif que cela était préférable à un conflit avec l’Autorité palestinienne sur ce sujet.
Mettons de côté un instant les raisonnements diplomatiques et politiques qui ont motivé la décision du gouvernement, à un niveau purement économique : si une nouvelle réduction de l’électricité à Gaza devient le catalyseur d’une autre guerre, Israël se révèlerait être sage et dépensier.

Les millions que cela coûterait à Israël de fournir Gaza en électricité sembleraient minime par rapport aux milliards qu’une opération militaire à grande échelle finirait par coûter au pays en termes de matériel, de salaire des réservistes, de paiement d’assurance pour les bâtiments et les infrastructures endommagés par le Hamas, de journées de travail perdues, de la baisse du tourisme et – cela va sans dire – en terme de vies humaines.
Même si elle est impliquée dans une moindre mesure, l’Égypte fait également partie de la crise de l’électricité, car elle fournit à Gaza une vingtaine de mégawatt/heure à travers deux lignes électriques depuis Rafah. Lundi, sentant apparemment le désespoir du Hamas, le Caire a proposé d’augmenter le flux, à condition que le groupe terroriste accepte certaines conditions, selon le journal arabe Asharq al-Awsat, basé à Londres.
Selon ces conditions, le Hamas devait remettre 17 hommes recherchés par l’Egypte pour des accusations de terrorisme, cesser de transporter des armes dans le Sinaï, mettre en place une protection supplémentaire à la frontière égyptienne et informer Le Caire des mouvement des terroristes vers Gaza à travers son réseau de tunnel souterrain.
Sur la question de l’électricité, la balle est vraiment dans le camp du Hamas. Le groupe a ses propres fonds, qui pourraient être utilisés pour régler ses dettes et assurer un approvisionnement constant en électricité d’Israël et en carburant diesel dans la bande de Gaza pour permettre à la centrale locale de fournir aux résidents l’électricité nécessaire. À ce jour, cependant, il refuse de payer.
Un dernier tour de piste pour les tunnels
Cependant, le jeu de la mort n’est pas alimenté par la seule pénurie en électricité.
À partir de cet été, le ministère de la Défense commencera à construire une barrière souterraine conçue pour contrer la menace terroriste du Hamas : des hommes armés qui utilisent les tunnels d’attaque pour entrer en Israël.

La barrière s’étendra sur 60 kilomètres à la frontière avec Gaza. Il faudra plusieurs mois pour terminer les travaux, qui coûteront trois milliards de shekels, et un autre milliard de shekels sera investi dans d’autres projets pour renforcer les défenses israéliennes contre la menace souterraine.
Le chef d’état-major de l’armée, Gadi Eizenkot, a également révélé à la Knesset au début de cette année que l’armée dispose de capacités qui lui permettent de cibler les tunnels par voies aériennes.

Alors que le Hamas était autrefois connu pour son arsenal de roquette, avec lequel il s’acharne sur la ville de Sderot et une grande partie du sud d’Israël depuis près d’une décennie, mais depuis, il s’est de plus en plus tourné vers des tunnels comme moyen de menacer Israël.
Lors d’un discours l’année dernière, Ismail Haniyeh, qui dirige à présent le bureau politique du Hamas, a promis que le groupe vivrait par « le fusil et le tunnel. »

Le réseau des tunnels du Hamas traverserait toute la bande de Gaza et entrerait en territoire israélien, ce qui lui donne une véritable forteresse souterraine pour mener des attaques contre les forces de sécurité et les civils israéliens.
La barrière souterraine le long de la frontière ne devrait pas avoir d’impact sur le système de tunnels interne à Gaza, elle vise à neutraliser la menace des tunnels qui entrent sur le territoire israélien.
Au fur et à mesure que les travaux de la barrière avanceront, le Hamas pourrait entrevoir un scénario : « utiliser ou perdre » ses tunnels frontaliers, et pourrait se sentir obliger d’envoyer des combattants pour mener des attaques terroristes tant qu’ils le peuvent encore.
L’élargissement du gouffre dans le monde arabe
Même si le Hamas s’est déjà retrouvé au bord du gouffre sur les fronts militaire et financier, la différence cette fois-ci est que son soutien étranger est en péril.
Lundi dernier, un groupe de pays musulmans sunnites, mené par l’Arabie saoudite, a annoncé qu’il rompait ses relations diplomatiques avec le Qatar, et a fermé toutes les frontières avec le pays en raison du soutien de l’émirat au terrorisme et à d’autres actions qui déstabilisent la région.
Le Qatar est depuis longtemps une source de consternation pour Israël.
« D’une part, c’est un ami des Américains. D’autre part, c’est un ami des Iraniens. Parfois, c’est avec les Saoudiens. Parfois, ce n’est pas avec les Saoudiens », a expliqué Eldad Shavit, ancien cadre des renseignements militaires et du bureau du Premier ministre.
Alors que le Moyen Orient est divisé le long de la faille chiite-sunnite (peut-être plus précisément, la faille Iranienne-Saoudienne), le Qatar semble être un joker.
Ainsi, au début de la semaine dernière, apparemment encouragée par les mots de soutien du président américain Donald Trump lors de son voyage à Ryad le mois dernier, l’Arabie saoudite a réuni un groupe de pays, dont les Émirats arabes unis, l’Égypte et le Bahreïn, pour imposer sa loi au Qatar et le pousser à rentrer dans la ligne de la coalition sunnite.
Ryad a une influence considérable sur Doha, plus que les autres pays de la coalition sunnite. Entourant le Qatar sur trois côtés, l’Arabie saoudite contrôle les frontières terrestres à travers lesquelles entrent 40 % de son approvisionnement alimentaire.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a exigé que le Qatar cesse de soutenir le Hamas et les Frères musulmans s’il voulait une reprise des liens avec ses anciens alliés.

Le Qatar, dit-on, ne finance pas ouvertement ou directement le groupe terroriste, mais il l’aide de façon indirecte, en accueillant ses dirigeants et en soutenant financièrement le peuple de Gaza afin que le Hamas puisse se concentrer sur sa stratégie militaire.
Il y a déjà eu des rumeurs selon lesquelles le Qatar était prêt à expulser certains responsables du Hamas du pays, mais de là à savoir dans quelle mesure les Qataris finiront par céder fait encore l’objet d’un débat.
« Je ne vois pas [le responsable du Hamas Khaled] Meshaal être chassé du Qatar », a indiqué Shavit, qui est maintenant membre du l’INSS (Institute for National Security Studies) de l’université de Tel Aviv.
Avec beaucoup de choses en jeu, selon Shavit, il s’attend à ce que le Qatar capitule rapidement et accède aux demandes des pays sunnites.
Mais la crise diplomatique risque d’avoir un double effet sur le Hamas :
Au fur et à mesure que cette rupture des relations se poursuit, le Qatar – bien qu’il soit un pays riche – serait probablement plus enclin à garder son argent pour lui, pour nourrir ses citoyens et maintenir ses entreprises à flot, plutôt que de l’envoyer à Gaza.
Cela rendrait plus difficile pour le Hamas de maintenir le contentement des Gazaouis. Et, si Doha finit par céder à à la pression, cela réduira son soutien le plus apparent au groupe terroriste, ce qui nuira directement au Hamas.
« Toute cette pression sur le Hamas, venant d’Egypte ou du Qatar […] les met sur cette voie, pour prendre une décision », a déclaré Shavit.
Alors, quelle sera cette décision ? Est-ce que le jeu de la mort se terminera en un horrible naufrage, la quatrième manche des combats dans l’enclave côtière assaillie et malmenée ?
Israël est, semble-t-il, prêt à prendre le pari et à rester dans la course, en comptant sur le Hamas pour qu’il cligne des yeux et se détourne de son chemin.
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