Jadis instrument des antisémites, le Talmud revient en Russie
Le texte central de la tradition rabbinique est à nouveau en cours de traduction, grâce à une maison d'édition juive basée à Moscou

JTA – Il y a un siècle, des passages du Talmud avaient été traduits en russe pour être utilisés comme preuve dans le procès-spectacle antisémite contre Menachem Mendel Beilis, un Juif accusé – et finalement acquitté – du meurtre d’un enfant chrétien.
Le parquet dans ce procès de 1915, qui avait été décrié dans le monde entier pour sa ressemblance avec les accusations médiévales de crime rituel, avait selectionné des citations du Talmud, un texte central de la tradition juive, pour faire valoir que Beilis avait tué le garçon à des fins religieuses.
Maintenant, le Talmud est à nouveau traduit en russe. Mais cette fois, cela est fait en intégralité et avec des annotations savantes dans le cadre du plan ambitieux d’une maison d’édition juive basée à Moscou, afin de rendre le texte plus accessible à un public de 260 millions de russophones à travers le monde.
Après plusieurs années de travail, la maison d’édition Knizhniki a publié cette année la traduction russe annotée de 2 des 63 traités du Talmud. Knizhniki et un associé ont commandé la traduction à une équipe de plusieurs dizaines d’érudits, dont la plupart vivent en Israël, a dit à JTA Boruch Gorin, le responsable du projet chez Knizhniki et un proche collaborateur du grand rabbin de Russie Berel Lazar.

Le Talmud, un vaste recueil contenant plus de 5 400 pages dans l’original en hébreu et en araméen, a été pendant des siècles la pierre angulaire de l’enseignement rabbinique. Il contient les enseignements et les opinions de centaines de rabbins sur de nombreux sujets, notamment la loi juive, l’éthique, la philosophie, les coutumes et l’histoire.
Pourtant les Juifs religieux – une petite minorité parmi les 500 000 Juifs qui composent les communautés juives en grande partie non-pratiquants de l’ex-Union soviétique – ne sont pas le lectorat que Gorin avait en tête quand il a lancé le projet de traduction, a-t-il confié.
« Les Juifs pieux n’ont pas besoin de cette traduction, ils vivent et respirent déjà le Talmud dans sa langue d’origine, » dit-il.
En revanche, le projet de traduction a été fait à l’intention des intellectuels russes, notamment les non-Juifs. Gorin espère imprimer environ quatre traités par an et compléter l’ensemble du projet en une dizaine d’années.
« La Russie ne fait pas exception dans l’intérêt ravivé dans le monde pour la spiritualité et la religion», dit Gorin. « Pourtant, le texte fondamental du judaïsme était resté inaccessible à l’intelligentsia russe, y compris aux nombreux Juifs qui font partie de celle-ci, en raison de la langue. C’est ce blocage que le projet souhaite lever ».
Le projet de traduction du Talmud – dont l’étude à l’époque communiste était interdite dans la pratique – n’est pas une entreprise à but lucratif et a été lancée grâce à des dons, a ajouté Gorin. Mais avec 1 200 magasins vendant le Talmud et d’autres textes juifs traduits dans la seule Russie, il a insisté que l’entrepise avait une valeur commerciale et était déjà rentable.

La traduction du Talmud est le dernier ajout à une série en vogue que Knizhniki a lancée il y a huit ans appelée « Bibliothèque de textes juifs » qui comprend plus de 250 000 volumes de textes juifs formateurs, dont le Chumash – les cinq livres de Moïse qui forment le texte nucléaire de la loi et de la foi juives – et certains écrits de Maïmonide.
Malgré un prix relativement élevé d’environ 50 dollars par volume – environ un dixième du salaire mensuel moyen en Russie – la série est devenue la catégorie best-seller de Knizhniki à la surprise de ceux-là mêmes qui ont décidé de son lancement.
« Nous imprimions et, de façon prévisible vendions tout à fait bien, des livres de fiction juive, de littérature d’Israël et d’ailleurs lorsque nous avons lancé la série des Ecritures juives, » se souvient Gorin. « La demande pour la série des Ecritures est venue aussi bien de non-Juifs que de Juifs, et nous a imprimé des deuxième, troisième et quatrième éditions, donc je crois que cela est une structure d’entreprise viable. »
Le monde de la fiction est un marché bondé, dit-il. En revanche, « offrir les Ecritures juives annotées en russe, conformément aux normes de l’édition scientifique, est quelque chose d’unique. »
L’intérêt pour les Ecritures juives en Russie est élevé en raison de « la compréhension que même la culture juive laïque de l’analyse et du débat provient de principes talmudiques », explique Gorin. Et compte tenu du rôle central des philosophes juifs dans la littérature et la pensée russes, « il est aussi une partie de la culture russe par procuration. »
La série de la traduction en russe du Talmud porte l’acronyme Bet, qui est la deuxième lettre de l’alphabet hébreu après Alef.
Gorin, un rabbin du mouvement Habad Loubavitch, a dit que c’est un nom approprié pour le projet des Ecritures, qui vient après l’ouverture de dizaines de synagogues et d’écoles juives par son mouvement à travers l’ex-Union soviétique après l’effondrement du communisme.
« La phase Alef de la renaissance juive de la Russie est plus ou moins terminée», a déclaré Gorin, qui est aussi le président du principal musée juif de Moscou et rédacteur en chef de son hébdomadaire juif intellectuel L’Chaim. La traduction du Talmud, dit-il, « nous permet de passer à la phase Bet. »
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