Kim et Trump louent un sommet historique, mais pas de percée majeure
Les négociations entre les deux pays vont démarrer "au plus tôt", selon le document final commun
Les deux chefs d’Etat deviennent les tous premiers leaders américain et nord-coréen en exercice à se rencontrer, à se serrer la main et à tenter de négocier la fin d’une impasse sur le nucléaire vieille de plusieurs décennies
Donald Trump et Kim Jong Un ont affiché leur entente pour « tourner la page du passé » mardi lors d’un sommet historique qui a abouti à la signature d’un document commun, mais sans percée majeure sur l’arsenal nucléaire de la Corée du Nord.
Interrogé sur cet enjeu crucial après des décennies de tensions autour des ambitions atomiques de la Corée du Nord, le président américain a assuré que le « processus » de dénucléarisation pourrait désormais commencer « très rapidement ».
Mais la formulation de la déclaration commune reste assez vague, y compris en termes de calendrier.
Elle reprend de précédents engagements de Pyongyang, jamais mis en oeuvre, sans préciser que la dénucléarisation doit être « vérifiable et irréversible », comme le réclamaient les Etats-Unis avant le sommet de Singapour.
« Kim Jong Un a réaffirmé son engagement ferme et inébranlable en faveur d’une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne », est-il écrit dans ce texte, que les deux hommes s’engagent à mettre en oeuvre « dans sa totalité » et « très rapidement ».
Selon Vipin Narang, professeur au Massachusetts Institute of Technology, « la Corée du Nord n’a rien promis de plus qu’au cours des 25 dernières années ».
« A ce stade, il n’y a aucune raison de penser que ce sommet débouche sur quelque chose de plus concret que cela sur le front du désarmement », a-t-il dit à l’AFP.
Analystes et historiens rappellent à l’unisson que le régime de Pyongyang est passé maître dans l’art des promesses non tenues. En 1994 puis en 2005, des accords avaient été conclus mais aucun d’entre eux n’a jamais été réellement appliqué.
Poignée de mains inédite
La rencontre, la première entre un président américain en exercice et un leader nord-coréen, a été marquée par les poignées de mains appuyées entre les deux hommes, une image inimaginable il y a encore quelques mois lorsqu’ils échangeaient menaces et invectives.
Kim Jong Un a estimé avoir « tourné la page du passé » après avoir surmonté de « nombreux obstacles » pour arriver à cette rencontre qui est « un bon prélude à la paix ». Donald Trump a salué lui la « relation très spéciale » établie avec l’homme fort de Pyongyang, qui règne sur son pays d’une main de fer comme son père et son grand-père avant lui.
Tout sourire, le président américain a aussi estimé que cette « rencontre fantastique » s’était déroulée « mieux que quiconque aurait pu imaginer », permettant de faire « beaucoup de progrès ».
Donald Trump a prodigué à Kim Jong Un des superlatifs et des marques d’attention appuyées, et s’est dit prêt à l’inviter à la Maison Blanche.
« C’est une énorme victoire pour Kim Jong Un, qui a fait un véritable coup avec son face-à-face avec le président », relève Michael Kovrig, de l’International Crisis Group (ICG) à Washington, soulignant que son père comme son grand-père « en avaient rêvé ».
« Pour les Etats-Unis comme la communauté internationale, c’est un point de départ positif pour des négociations qui devraient être longues et difficiles », ajoute-t-il.
Ces négociations, menées côté américain par le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, acteur-clé de la relance du dialogue avec la Corée du Nord, vont démarrer « au plus tôt », selon le document commun.
La Chine, principal partenaire de Pyongyang, a aussitôt salué le début d’une « nouvelle histoire », tout en appelant son voisin à une « dénucléarisation totale ».
Trump et Kim se sont entretenus pendant près de cinq heures, d’abord lors d’un tête-à-tête d’une quarantaine de minutes, suivi d’une réunion de travail, puis un déjeuner.
Au menu, savant mélange de mets occidentaux et asiatiques : cocktail de crevettes, porc croustillant sauce aigre-douce et tarte tropézienne.
Arrivé au pouvoir sans la moindre expérience diplomatique, Donald Trump a pris de grands risques en faisant le pari, il y a trois mois, d’un sommet avec Kim Jong Un avec lequel il a échangé menaces et insultes pendant des mois.
Un peu plus de 500 jours après son arrivée à la Maison Blanche, il jouait l’un des moments les plus importants de sa présidence sur la scène internationale, où il s’est mis nombre de dirigeants à dos, y compris parmi les alliés des Etats-Unis.
La décontraction de Kim
Kim Jong Un, qui n’avait jusqu’à cette année jamais effectué la moindre visite officielle à l’étranger, est apparu très décontracté depuis son arrivée à Singapour. Lundi soir, le dirigeant nord-coréen, à la tête de l’un des pays les plus fermés au monde, s’est offert une spectaculaire sortie nocturne, visitant, visiblement ravi, les hauts lieux touristiques de la ville.
L’arsenal nucléaire nord-coréen a valu à Pyongyang une impressionnante série de sanctions de l’ONU au fil des ans.
Pour convaincre la Corée du Nord d’y renoncer alors que le régime Kim y a toujours vu une forme d’assurance-vie, le président Trump s’est formellement et personnellement engagé dans le document conjoint à apporter des « garanties de sécurité » – elles seront « uniques » et « différentes » de celles proposées jusqu’ici, avait promis lundi Mike Pompeo.
« La mise en scène de ce sommet, des poignées de main aux drapeaux jusqu’au décor, ressemble en tous points à celle d’une rencontre entre deux Etats souverains avec des relations diplomatiques normales », a tweeté l’analyste Ankit Panda. « L’effet de légitimation pour le régime de Corée du Nord est indéniable ».