La convalescence d’un médecin réserviste blessé à Gaza
C’est à l’hôpital Soroka qui l’emploie que le Dr Yoav Bichovsky, 47 ans, réserviste volontaire dès le 7 octobre, a été soigné par ses équipes après une attaque au lance-grenades à Khan Younès
Le Dr Yoav Bichovsky, chef de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Soroka de Beer Sheva, était méconnaissable lorsqu’il a été admis dans son propre hôpital après plusieurs mois de service de réserve comme médecin de combat.
Le médecin âgé de 47 ans s’était porté volontaire, le 7 octobre dernier, suite à l’attaque sans précédent du groupe terroriste du Hamas sur le sud d’Israël, lorsque des milliers de terroristes venus de Gaza ont envahi le pays pour y tuer 1 200 personnes, faire 251 otages et déclencher la guerre actuelle dans la bande de Gaza.
Il a fait de nombreux allers-retours entre Gaza et son service à l’hôpital jusqu’au 31 mars dernier, date à laquelle il a été grièvement blessé à Khan Younès, dans le sud de Gaza, par un tir de lance-grenades contre son véhicule, qui a également blessé deux autres soldats. Cela faisait alors trois jours qu’il se trouvait déployé à Khan Younès.
A son arrivée à l’hôpital, inconscient et souffrant d’une blessure à la tête, on a pris ses empreintes digitales pour les entrer dans la base de données d’identification militaire, mais pour une raison inconnue, il n’a pas été possible de l’identifier.
Personne, au sein de son propre service, ne l’a alors reconnu.
« Extérieurement, cela peut paraître très étrange, mais il faut bien avoir en tête que lorsqu’un blessé arrive, il est parfois très difficile de l’identifier dans les premières minutes voire les premières heures. Je n’entrerai pas dans les détails, mais c’est parfois difficile », explique à la Douzième chaine Amit Frenkel, un collègue de Bichovsky.
Un des collègues de Bichovsky a fini par le reconnaître, et les autres membres de l’équipe après lui. Ils ont décidé d’en informer l’épouse de Bichovsky, sans attendre que l’armée le fasse.
« Nous avons longuement hésité », se rappelle Frenkel. « L’expression israélienne, ‘frapper à la porte’ – c’est devenu une expression terrible, effrayante. Nous en avons parlé un jour en sortant du travail et nous avons conclu qu’il fallait l’appeler. »
C’est donc dehors, devant l’hôpital, que les médecins ont appelé la femme de Bichovsky – Esther – et lui ont expliqué la situation, lui disant que sa vie n’était pas, selon eux, en danger.
« Cette nuit-là, on s’est demandé si c’était une bonne chose que ce soit nous qui lui prodiguions les soins », confie à la Douzième chaîne le professeur Moti Klein, de l’unité de Bichovsky. « Mais imaginer qu’il soit pris en charge ailleurs s’est avéré plus difficile que de le faire nous-mêmes. »
« On vit constamment avec ce qui s’est passé depuis le 7 [octobre]. Et là, cela nous touche de plus prés encore, dans notre famille », explique Alex Fichman, lui aussi collègue de Bichovsky à Soroka. « Notre problème, c’est que que nous en savions trop. »
« Nous savons à quel point une blessure à la tête est grave, à quel point les conséquences peuvent être graves par la suite, et il nous était très pénible de savoir Yoav dans cette unité, dans un lit », ajoute Michal Zada, infirmière du service de soins intensifs.
« J’ai demandé qui serait capable – mentalement – de le soigner, sans craquer. Il y avait des infirmières qui disaient que c’était trop dur, qu’elles craignaient de ne pas pouvoir s’empêcher de pleurer », poursuit-elle à l’antenne de la Douzième chaine.
Reprendre conscience
Plusieurs semaines plus tard, Bichovsky a fini par donner des signes de réaction. Les médecins s’inquiétaient de savoir s’il serait le même après cela, et ils en plaisantaient entre eux en disant que « Yoav était tellement intelligent qu’il pourrait aisément perdre un peu de ses facultés », confie Frenkel.
Selon le Dr Adam Saparov – le premier de ses collègues à l’avoir identifié -, Bichovsky a repris conscience le 5 mai, soit 35 jours après son arrivée à l’hôpital suite à son transport depuis Gaza.
« C’était très étrange au début », confie Bichovsky à la Douzième chaîne à propos de son retour à un état conscient. « On est un peu comme une poupée », sans trop de réactions, surtout manipulé par autrui.
« C’est vraiment une excellente équipe », dit-il au sujet de ses collègues. « Ils me répétaient constamment : ‘Vous savez bien, je suis l’infirmière, je suis le médecin, je suis le thérapeute, tout va bien’. »
Bichovsky a commencé un programme de rééducation intensive de six mois au centre de réadaptation de l’hôpital Loewenstein, axé sur la parole, la motricité et d’autres fonctions de base. Il fait des progrès rapides.
Il parle dorénavant dans une sorte de murmure car l’une de ses cordes vocales est restée paralysée suite à l’attaque au lance-grenade. Mais il est plein d’espoir pour l’avenir, prêt à « rentrer chez lui, remanger normalement, faire des choses normales. Jouer son rôle de père. »
Interrogé sur son intention de reprendre ou non ses fonctions au sein de l’unité de soins intensifs – comme médecin cette fois –, il n’hésite pas un instant : « Oui », dit-il. C’est un travail incroyable. C’est une vie incroyable. »