La CPI reporte la décision sur l’enquête sur Israël et le Hamas
La procureure n'a pas respecté la procédure en soumettant un document de plus de 30 pages ; Netanyahu tentera d'obtenir le soutien des dirigeants du monde contre La Haye
Les juges de Cour pénale internationale (CPI) à La Haye ont rejeté une demande visant à statuer sur la possibilité d’ouvrir une enquête contre Israël et le Hamas pour d’éventuels crimes de guerre, en raison de problèmes techniques liés au volume du document.
Ce changement signifie qu’une décision du panel de trois juges sera retardée, mais il est peu probable qu’elle ait un impact significatif sur l’affaire d’une façon ou d’une autre.
La procureure générale de la CPI, Fatou Bensouda, avait statué le mois dernier qu’il existait une « base raisonnable » pour ouvrir une enquête sur les crimes de guerre présumés dans le cadre des actions militaires israéliennes dans la bande de Gaza ainsi que sur la construction dans les implantations israéliennes en Cisjordanie.
Elle demandait également à la Cour de déterminer si elle disposait de la compétence territoriale nécessaire avant de poursuivre la procédure.
Sa demande à la cour, qui dépassait la limite de 30 pages, était accompagnée d’une demande d’extension de la limite du volume du document de 30 à 110 pages, citant « les circonstances factuelles et juridiques uniques et complexes dans cette situation ».
Dans un jugement rendu mardi, les juges ont approuvé la demande d’extension du volume du document, mais ont déclaré qu’il était « inapproprié » de demander ladite extension en même temps que la présentation du document de 110 pages, invitant Bensouda à retravailler la requête.
« Une partie ou un participant n’est formellement autorisé à déposer un document dépassant la limite de pages fixée dans le Règlement de la Cour seulement si une chambre a autorisé la modification du nombre limite de pages », peut-on lire dans une déclaration de la CPI.
Les juges auront 120 jours pour statuer après avoir reçu la nouvelle demande.
L’expert en droit international Nick Kaufman a écrit sur Twitter que la décision était une « gifle » pour Bensouda.
Cette décision est intervenue alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu se préparait à intensifier sa campagne contre la CPI et Bensouda, en prévoyant de se rallier le soutien des dirigeants réunis à Jérusalem pour un grand événement de commémoration de la Shoah.
Israël, qui n’est pas membre de la CPI, a déclaré que la Cour n’était pas compétente et a accusé Bensouda d’être animée par l’antisémitisme.
Dans une interview avec la chaîne chrétienne TBN diffusée mardi, Netanyahu a félicité le président américain Donald Trump pour avoir critiqué la CPI et a appelé d’autres dirigeants à faire de même.
« Je pense que tout le monde devrait s’élever contre cela », a-t-il commenté, selon des extraits publiés par son bureau. « J’invite tous vos téléspectateurs à faire de même et à demander des actions concrètes, des sanctions contre la cour internationale, ses fonctionnaires, ses procureurs, tout le monde ».
« Ils attaquent de front les démocraties, à la fois sur le droit des démocraties à se défendre et sur le droit d’Israël, le droit du peuple juif, à vivre dans sa patrie ancestrale, la Terre d’Israël », a-t-il dénoncé.
Il n’y a pas eu de réaction immédiate de la part de Bensouda. Mais elle a récemment déclaré au Times of Israël que l’accuser d’antisémitisme était « particulièrement regrettable » et « injustifié ».
« Avec mon bureau, je m’acquitte du mandat que nous confère le Statut de Rome avec la plus grande indépendance, objectivité, équité et intégrité professionnelle. Nous continuerons de nous acquitter de nos responsabilités comme l’exige le Statut de Rome sans crainte ni complaisance », avait-elle ajouté.
Les critiques israéliens avaient également reproché à la procureure d’avoir cherché à obtenir une réponse des juges de la juridiction avant de lancer l’affaire, la considérant comme de sa responsabilité.
Mais en s’adressant au Times of Israël, elle a défendu cette démarche comme étant la plus prudente.
« Je crois qu’il est de loin préférable et responsable qu’il soit entendu et décidé maintenant, avant l’ouverture d’une enquête, plutôt qu’après plusieurs années d’enquêtes coûteuses, après que des preuves et des témoignages ont été recueillis, que des accusations ont été portées, pour savoir ensuite si la position de l’Accusation était correcte. »
Pour l’instant, il n’y a pas eu de réaction israélienne ou palestinienne à la décision de la CPI mardi.
L’examen préliminaire par la CPI a été lancé en 2015 après que l’AP a signé le Statut de Rome et accepté officiellement la compétence de la Cour sur son territoire. Elle se penche sur la construction israélienne au-delà de la Ligne verte, sur la guerre de Gaza de 2014 et sur les manifestations frontalières de la Marche du retour à Gaza qui ont débuté en mars 2018.
Israël fait valoir que la Palestine n’est pas un État souverain malgré la signature du Statut de Rome et ne peut donc pas faire appel à la CPI.
Mardi aux Nations unies, l’ambassadeur de l’Autorité palestinienne Riyad Mansour a accusé Israël de piétiner la Charte des Nations unies, les résolutions de l’ONU « et toutes les dispositions pertinentes du droit international ».
« Comme tous les criminels de guerre, même le spectre d’une enquête de la CPI n’a pas dissuadé les responsables du gouvernement israélien et les commandants militaires, qui continuent à défier ouvertement le Conseil de sécurité et la communauté internationale dans son ensemble », a-t-il déclaré au Conseil de sécurité des Nations unies.
L’envoyé palestinien a souligné qu’il existait « une responsabilité et une obligation urgentes et partagées pour le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, la CPI et tous les États » de faire respecter l’État de droit.