Fatou Bensouda : l’accusation d’antisémitisme de Netanyahu est « regrettable »
La juge de la CPI, qui déplore la diffamation, dit se souvenir "avec émotion" de son voyage de 1998 en Israël et espère pouvoir y retourner
La procureure en chef de la Cour pénale internationale (CPI) a riposté cette semaine au Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui l’a accusée le mois dernier de « pur antisémitisme » pour avoir cherché à enquêter sur des crimes de guerre présumés qui auraient été commis à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
« C’est une accusation particulièrement regrettable et sans fondement », a déploré Fatou Bensouda auprès du Times of Israel dans une longue interview.
« Avec mon bureau, je m’acquitte du mandat que nous confère le Statut de Rome avec la plus grande indépendance, objectivité, équité et intégrité professionnelle. Nous continuerons de nous acquitter de nos responsabilités comme l’exige le Statut de Rome sans crainte ni complaisance », a-t-elle ajouté.
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Le Statut de Rome est le document fondateur de la CPI, qui définit le travail de la Cour.
Le 20 décembre, la magistrate a annoncé avoir établi « une base raisonnable pour procéder à une enquête sur la situation en Palestine ». Dans sa déclaration, qui a fait suite à un examen préliminaire de cinq ans, elle a déterminé que des responsables israéliens, ainsi que des groupes armés palestiniens, avaient peut-être commis des crimes de guerre dans les zones revendiquées par les Palestiniens.
En réponse, Netanyahu a accusé La Haye de « pur antisémitisme ».
« On dit que les Juifs n’ont pas le droit de vivre dans le pays des Juifs, dans la Terre d’Israël. Eh bien, nous disons, honte à vous », avait déclaré Netanyahu lors d’une cérémonie d’allumage de Hanoukka le 22 décembre au mur Occidental à Jérusalem. « La lumière de la vérité s’allume ici et nous vous vaincrons, tout comme nous avons vaincu d’autres antisémites dans l’histoire. »
D’autres responsables politiques de haut-rang ont également condamné le tribunal et sa procureure suite à sa décision. Certains journalistes israéliens ont publié des articles mettant en lumière son passé de haut fonctionnaire au sein du gouvernement gambien, où elle a servi sous un dictateur brutal, dans le but manifeste de salir sa réputation.
Dans notre entretien, Fatou Bensouda a déploré les efforts déployés visant à « déformer ou dénaturer » son travail de procureur de la CPI en lançant de fausses accusations et/ou en attaquant sa crédibilité. « Cela était bien sûr prévu, car c’est une tactique standard pour discréditer quelqu’un qui porte une accusation ou adopte une position contraire », a-t-elle commenté.
« Dans une salle d’audience, c’est peut-être comme si un avocat essayait de diffamer un témoin pour miner sa crédibilité. »
Celle qui a été ministre de la Justice de l’ancien dictateur gambien Yahya Jammeh entre 1998 et 2000 insiste sur le fait qu’à l’époque, elle a servi son pays natal « honorablement et avec la plus grande intégrité » et a fait preuve d’un « engagement sincère et inébranlable envers la loi, et l’égalité aux yeux de la loi ».
Elle a été « consternée et choquée » d’entendre parler des graves atteintes aux droits humains commises par le régime qu’elle servait et qui sont maintenant révélées au grand jour grâce à la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations de la Gambie, a-t-elle assuré.
Elle serait heureuse de témoigner devant la commission, si son mandat de procureur de la CPI le lui permet, a-t-elle ajouté. « Je n’ai rien à cacher, et j’ai la conscience tranquille ».
« Permettez-moi également de réaffirmer ici que je suis, avec mon personnel dévoué et professionnel, fermement attaché au mandat que nous confère le Statut de Rome. Quoi qu’il en soit. Nous ne nous laisserons pas distraire ou entraver dans notre travail par une campagne de désinformation visant à saper notre travail ».
Dans une salle d’audience, c’est peut-être comme si un avocat essayait de diffamer un témoin pour miner sa crédibilité.
Malgré ses réserves apparentes sur la façon dont les responsables politiques israéliens et certains journalistes l’ont dépeinte depuis l’annonce du mois dernier, Mme Bensouda a parlé positivement d’un voyage en Israël en 1998.
Au cours de cette visite, Fatou Bensouda a participé à un séminaire pour les femmes leaders du monde entier organisé par Mashav, l’Agence de coopération internationale pour le développement du ministère des Affaires étrangères, à Haïfa.
« J’ai participé à cette conférence dans le cadre de mes fonctions antérieures au sein du gouvernement gambien. Je me souviens avec plaisir de cette visite et des importantes discussions sur l’autonomisation des femmes », a-t-elle déclaré.
Elle a ajouté qu’elle espère avoir une autre occasion de se rendre en Israël.
Et de souligner : « il n’y a pas de suspects à ce stade (qu’ils soient israéliens ou palestiniens) et assurément … aucun mandat d’arrêt n’a été délivré par le tribunal”.
Elle répondait probablement à un rapport publié dans le quotidien Israel Hayom qui citait des ministres de haut rang à Jérusalem qui étaient « profondément préoccupés » par le fait que la CPI pourrait bientôt commencer à émettre des mandats d’arrêt secrets contre des fonctionnaires qu’elle considère comme des suspects.
Dans l’interview, qui a été réalisée par courriel, Bensouda s’est donnée beaucoup de mal pour défendre sa décision visant à demander une enquête criminelle sur les crimes de guerre perpétrés en « Palestine ».
Cherchant à démanteler l’un des points clés du gouvernement israélien contre une enquête – à savoir que la « Palestine » n’est pas un État souverain qui pourrait transférer sa juridiction territoriale à La Haye – la procureure a insisté sur le fait qu’elle n’a fait que déterminer que la Palestine est un État au sens du Statut de Rome.
Après que l’Assemblée générale des Nations unies a voté en 2012 en faveur de l’octroi à la « Palestine » du statut d’État non membre, cette entité pourrait adhérer à de nombreux traités, dont le Statut de Rome auquel est soumise la CPI, a-t-elle rappelé.
En janvier 2015, « l’État de Palestine” a déposé les instruments d’adhésion auprès du secrétaire général de l’ONU, devenant ainsi officiellement membre de la CPI.
« Je soutiens que le Statut de Rome ne fait aucune distinction entre les États parties et je ne crois pas que je devrais moi-même en faire une dans l’ouverture d’une enquête sur le territoire de la Palestine », a indiqué Mme Bensouda. « Il serait étrange de permettre à la Palestine de se joindre à la Cour, mais de lui refuser la conséquence naturelle de son adhésion, qui est d’exercer la compétence de la Cour sur son territoire. »
Elle a souligné que la question de la compétence est cependant délicate, raison pour laquelle elle a demandé à une chambre préliminaire de la CPI de se prononcer sur la question dans un délai de 120 jours, avant d’entamer une enquête.
« Pour moi, c’est la ligne de conduite responsable en tant que procureur. L’approche est sobre. Nous reconnaissons l’existence de questions juridiques et factuelles complexes et nous soumettons volontairement notre position sur l’étendue de la compétence territoriale de la cour à un examen judiciaire », a-t-elle expliqué. « De plus, nous invitons les juges de la cour à entendre les parties concernées avant de prendre une décision motivée pour régler cette question maintenant, avant d’aller plus loin ».
La procureure a hésité à discuter de la façon dont elle réagirait si les trois juges de la chambre préliminaire étaient en désaccord avec elle et décidaient que le tribunal n’avait pas compétence pour instruire l’affaire. Mais elle a exprimé l’espoir d’avoir des « interactions constructives » avec les responsables israéliens et palestiniens.
Ce qui suit est une transcription complète de l’interview.
Times of Israel : Quelques heures seulement avant que vous ne publiiez votre décision de lancer une enquête sur « la situation en Palestine », le procureur général israélien avait publié un avis écrit détaillé sur les raisons pour lesquelles la cour n’était pas compétente dans cette affaire. Des sources à Jérusalem disent que votre bureau savait que le procureur général travaillait sur ce document, mais que vous n’avez fait aucun effort pour vous y intéresser. Au contraire, votre bureau a décidé de se précipiter pour conclure l’enquête préliminaire sans examiner pleinement tous les arguments avancés par le gouvernement israélien. Que répondez-vous à ces
accusations ?
Fatou Bensouda : Ce n’est pas exact. Depuis l’ouverture de l’examen préliminaire de la situation en Palestine, le Bureau du procureur a entretenu des contacts réguliers, significatifs et complets avec les autorités israéliennes pendant près de cinq ans.
Cela a également inclus des discussions avec les représentants, entre autres, du Bureau du procureur général d’Israël et du ministère des Affaires étrangères. La position et les arguments avancés par les représentants d’Israël sur la compétence territoriale de la Cour pénale internationale (CPI) ont été exposés à de multiples reprises au Bureau au cours de ces cinq années. Nous avons soigneusement examiné et évalué ces avis pour parvenir à une décision finale.
Israël [et la Palestine] avait été prévenu à l’avance de la date à laquelle nous allions déposer notre demande. En fin de compte, comme vous le savez, le mémorandum du Bureau du procureur général et le document de synthèse du ministère des Affaires étrangères ont été publiés le jour où nous avons déposé notre propre requête devant le juge de la Cour.
Après avoir examiné les deux documents, nous avons été convaincus qu’ils correspondaient effectivement aux principaux éléments qui nous avaient été communiqués précédemment et qu’en tant que tels, ils reflétaient ce que nous considérions comme la position du gouvernement israélien telle qu’elle était énoncée dans notre demande.
En outre, dès le jour ouvré suivant, nous avons nous-mêmes déposé auprès des juges de la CPI le mémorandum du Bureau du procureur général et le document de synthèse.
Ce faisant, nous avons déclaré aux juges qu’il nous semblait « nécessaire de verser ces documents au dossier pour qu’ils soient complets afin de permettre à la chambre d’examiner correctement tous les points de vue qui pourraient l’aider à trancher » et nous avons réaffirmé notre opinion selon laquelle « le fait d’avoir un processus ouvert et participatif pour régler cette question garantira une exposition complète de l’éventail des points de vue pertinents, facilitera l’appréciation et l’évaluation appropriées de la chambre et, ce qui est important, aidera considérablement celle-ci à trancher la question ».
J’ai estimé qu’il était primordial que la Chambre préliminaire de la cour soit en mesure d’examiner correctement toutes les opinions qui pourraient l’aider à se prononcer, y compris celles d’Israël. En vertu du règlement de la Cour (article 59 du Règlement de procédure et de preuve), la Palestine, du fait de sa saisine, aura également le droit de présenter des observations, de même que les victimes palestiniennes et israéliennes, et nous espérons également qu’il y aura un amicus curiae – sous réserve bien entendu de la procédure sur laquelle les juges devront se prononcer (conformément à l’article 58).
Le gouvernement israélien a réagi par des critiques amères à votre décision de lancer une enquête. Qu’avez-vous ressenti lorsque le Premier ministre Benjamin Netanyahu vous a accusé de « pur antisémitisme » ?
C’est une accusation particulièrement regrettable qui est sans fondement.
Avec mon Bureau, je m’acquitte du mandat que nous confère le Statut de Rome avec la plus grande indépendance, objectivité, équité et intégrité professionnelle. Nous continuerons de nous acquitter de nos responsabilités comme l’exige le Statut de Rome, sans crainte ni complaisance.
L’enquête n’a pas encore été lancée.
Chaque fois que le Bureau du procureur ouvre une enquête, il le fait en toute indépendance et impartialité. Le bureau ne cible pas les individus et sera guidé uniquement par les preuves qu’il recueille de façon indépendante dans le cadre de ses enquêtes. En conséquence, il n’y a pas de suspects à ce stade (qu’ils soient israéliens ou palestiniens) et bien sûr (puisque aucune enquête n’a encore été ouverte) aucun mandat d’arrêt n’a été délivré par la Cour.
Comme je l’ai clairement indiqué dans ma déclaration du 20 décembre 2019, je suis convaincue que i) des crimes de guerre ont été ou sont en train d’être commis en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza (pour plus de détails, voir les paragraphes 94 à 96) ; ii) les affaires qui pourraient découler de la situation seraient recevables ; et iii) il n’y a pas de raisons sérieuses de penser qu’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice.
Je me suis toutefois abstenue d’ouvrir une enquête tant qu’une question fondamentale n’est pas réglée, à savoir l’étendue de la compétence territoriale du tribunal dans cette situation.
Pour être claire, sur la base d’une évaluation approfondie effectuée par mon Bureau, je pense, en tant que procureure, que la cour est effectivement compétente et que la portée de sa compétence territoriale s’étend à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et à Gaza.
Mais nous sommes également pleinement conscients de la controverse qui entoure cette question et du fait qu’elle sera la première à être portée devant la Cour pénale internationale. J’ai donc demandé une décision judiciaire sur cette question juridictionnelle spécifique.
C’est la question clé dont la cour est saisie actuellement. Certains peuvent me critiquer pour avoir demandé cette décision, mais ce n’est pas une question que je peux éviter : cette question sera inévitablement soulevée dans le cadre d’un litige devant la cour.
Je crois qu’il est de loin préférable et responsable qu’il soit entendu et décidé maintenant, avant l’ouverture d’une enquête, plutôt qu’après plusieurs années d’enquête coûteuses, après que des preuves et des témoignages ont été recueillis, que des accusations ont été portées, pour savoir ensuite si la position de l’Accusation était correcte.
Pour moi, c’est la ligne de conduite responsable en tant que procureur. L’approche est sobre. Nous reconnaissons l’existence de questions juridiques et factuelles complexes et nous soumettons volontairement notre position sur l’étendue de la compétence territoriale de la cour à un examen judiciaire. De plus, nous invitons les juges de la CPI à entendre les parties concernées avant de prendre une décision motivée pour régler cette question maintenant, avant de poursuivre.
Il convient également de souligner que nous avons régulièrement rencontré des représentants des autorités palestiniennes et israéliennes tout au long de l’examen préliminaire de cette situation. Ces échanges ont été constructifs et utiles pour l’évaluation indépendante par mon bureau des critères statutaires prévus par le Statut de Rome.
J’espère que ces interactions constructives pourront se poursuivre avec les autorités d’Israël et de Palestine, et nous nous réjouissons également de collaborer avec les médias, le cas échéant, pour veiller à ce que des informations exactes concernant le travail de mon bureau et les procédures de la CPI soient mises à disposition dans l’intérêt du public.
La CPI ne fait rien face aux guerres en cours, aux massacres et aux violations massives des droits humains en Iran, en Syrie, en Turquie, au Venezuela, en Corée du Nord et ailleurs, mais cherche ensuite à poursuivre Israël, une démocratie occidentale dotée d’un système judiciaire indépendant. À la lumière de ce fait, pouvez-vous comprendre pourquoi de nombreux Israéliens estiment que l’enquête de la Cour sur Israël/Palestine est politiquement biaisée et sélective ?
Cette accusation semble aussi, malheureusement, découler d’un manque d’information et de compréhension des activités du tribunal ainsi que du fonctionnement de sa compétence.
En vertu du Statut de Rome, nous ne pouvons enquêter que sur les crimes commis sur le territoire ou par les ressortissants des États parties à la Cour. Dans de nombreuses situations dans le monde (y compris dans un certain nombre d’États que vous avez mentionnés), la Cour ne peut pas réagir car elle n’a tout simplement pas compétence.
Cette absence de compétence ne peut être surmontée que si (i) l’État concerné devient un État partie ou accepte autrement la compétence de la cour sur une base ad hoc ou (ii) le Conseil de sécurité des Nations Unies renvoie la situation en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, comme il l’a fait dans le cas du Darfour, du Soudan et de la Libye, par exemple, mais ne l’a pas fait dans le cas de la Syrie.
Et même lorsque nous avons compétence et que nous constatons que des crimes relevant du Statut de Rome ont pu être commis, cela ne signifie pas que nous enquêtons automatiquement. Avant cela, nous devons établir si les autorités concernées mènent (ou ont mené) de véritables enquêtes et/ou poursuites concernant les mêmes affaires potentielles sur lesquelles nous avons l’intention de nous concentrer.
La CPI est un tribunal de dernier recours. Si le système national s’occupe des crimes que nous examinons, la cour n’intervient pas. C’est ce que nous appelons le principe de complémentarité, qui est au cœur de la CPI. Mon bureau honore ce principe conformément au Statut de Rome et à la jurisprudence en la matière.
En outre, la Cour n’examine pas exclusivement des allégations liées à la situation en Palestine : comme vous le savez, nous enquêtons sur de multiples situations sur différents continents, et il en va de même pour les autres examens préliminaires.
A cet égard, en réponse à votre question, le Venezuela est un État partie au Statut de Rome, et mon bureau a travaillé avec diligence pour compléter son évaluation de cette situation. Alors que l’examen préliminaire de la situation en Palestine s’est ouvert en 2015, la situation au Venezuela a été ouverte en 2018. Deux situations différentes avec des échéances différentes.
Une comparaison directe peut donc être trop simpliste et ne pas tenir compte des faits, des circonstances et de nos processus. Pour de plus amples informations sur notre examen préliminaire concernant la situation au Venezuela, je suis heureuse de vous renvoyer à ce qui est publiquement disponible et peut être intéressant pour vos lecteurs : voir ici.
Nous menons également nos activités de manière objective et indépendante. Certaines informations semblent suggérer que nous sommes motivés par l’idéologie.
Ces affirmations sont à nouveau infondées et regrettables, et semblent ignorer que [mon] bureau a refusé à plusieurs reprises, par exemple, d’ouvrir une enquête sur le comportement présumé de l’armée israélienne dans le contexte de l’incident du Mavi Marmara (sous pavillon des Comores) pour manque de gravité (une question juridique spécifique), malgré la demande de réexamen par la Chambre préliminaire – un fait qui démontre que nous prenons chaque décision objectivement, sur le fond, de manière indépendante et impartiale.
Examinons plus en détail le contenu de votre déclaration du 20 décembre sur votre intention de lancer une enquête sur les crimes de guerre commis en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza. Tout d’abord, la question de la juridiction. Vous citez diverses résolutions de l’ONU comme base de votre position selon laquelle la Palestine est effectivement un État pouvant transférer la juridiction pénale à la cour. Comment pouvez-vous prétendre que votre évaluation est indépendante et impartiale lorsqu’elle s’appuie sur les décisions d’organes politiques, y compris ceux qui ont un parti pris avéré contre Israël (comme le Conseil des droits de l’homme de l’ONU), afin de parvenir à des conclusions de droit ? Comment pouvez-vous, en tant que procureure pénal, faire référence aux décisions contestées des organes politiques en tant que « éléments de fait » ?
Ces déclarations ne reflètent pas exactement ma demande dans laquelle j’ai conclu que la Palestine est un État aux fins de l’exercice de la compétence de la cour – c’est-à-dire aux seules fins du Statut de Rome.
Si je fais référence aux résolutions de l’ONU, c’est principalement parce que c’est la voie par laquelle une entité peut devenir partie à notre traité. Dans notre système, le Secrétaire général de l’ONU (en tant que dépositaire) est chargé de recevoir les instruments d’adhésion au Statut de la CPI. Et ce faisant, le Secrétaire général de l’ONU suit la pratique de l’Assemblée générale des Nations unies qui détermine si une entité a la compétence pour adhérer à ce traité. C’est pourquoi la résolution 67/19 de l’Assemblée générale des Nations Unies est si importante.
Comme vous le savez, lorsque le 29 novembre 2012, l’AGNU a adopté la résolution 67/19 accordant à la Palestine le statut “[d’]État observateur non membre” à l’ONU (avec une majorité de 138 voix en faveur, 9 voix contre et 41 abstentions), la Palestine a pu adhérer à de nombreux traités, dont le Statut de la CPI.
Dans ma demande, je fais valoir que le Statut de Rome ne fait aucune distinction entre les États parties et je ne pense pas que je devrais moi-même faire une distinction avec l’ouverture d’une enquête sur le territoire de la Palestine. Il serait étrange de permettre à la Palestine d’adhérer à la cour, mais de lui refuser la conséquence naturelle de son adhésion, qui est d’exercer la compétence de la cour sur son territoire.
Cependant, et dans la mesure où la Chambre préliminaire peut ne pas être d’accord avec cette position et considère qu’il est nécessaire d’examiner de plus près si la Palestine devrait être traitée différemment des autres États parties de la CPI en raison du contexte unique, j’ai fait valoir que la Palestine devrait toujours être considérée comme un État aux fins du Statut de la CPI : C’est-à-dire que je ne demande pas aux juges de déterminer si la Palestine est un État aux fins du droit international en général, mais je soutiens que, dans les circonstances, il y a suffisamment d’indices de la qualité d’État pour permettre le fonctionnement ordinaire du Statut de la CPI. Ils sont exposés dans la requête que j’ai présentée aux juges.
Compte tenu de ces éléments et d’autres facteurs pertinents, tels que l’objet et le but du Statut de Rome et le fait que 138 États au moins ont reconnu la Palestine, j’ai conclu que la Palestine est un État aux fins du Statut de la CPI.
À cet égard, il est incorrect de suggérer que je me suis uniquement appuyée sur le Conseil des droits de l’homme pour parvenir à cette conclusion. Ma présente demande – et mon bureau l’a analysée comme étant pertinente – l’évaluation effectuée par un certain nombre d’organes compétents et informés, tels que la Cour internationale de justice, l’Assemblée générale des Nations unies, le Conseil de sécurité des Nations unies, le Secrétaire général et plusieurs coordonnateurs, rapporteurs et comités des Nations unies.
Leurs conclusions ont été approuvées par de nombreux experts extérieurs, qui ont estimé que la construction et l’expansion des implantations ainsi que la barrière et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international. Je suis consciente – et j’ai pris en considération – les récentes déclarations américaines contraires, que je cite également, bien que cela n’ait pas modifié mon analyse.
En dernier lieu, mon bureau effectue sa propre évaluation professionnelle indépendante des critères prévus par la loi. Nous effectuons des renvois et une évaluation approfondie des documents produits dans le cadre du processus d’examen préliminaire.
Dans le cas de la situation de la Palestine, nous étions en possession d’une quantité incroyable de matériel qui nous a été fourni par toutes les parties. Le temps qu’il nous a fallu pour finaliser notre évaluation d’examen préliminaire s’explique en partie par le volume de matériel que nous avons dû traiter et examiner attentivement.
Une lecture attentive et objective de ma demande devant les juges du tribunal, datée du 20 décembre 2019, démontre le soin et la profondeur de l’évaluation de mon bureau : voir ici.
Comment expliquez-vous l’apparente contradiction entre votre position selon laquelle il existe un État palestinien souverain (qui peut déléguer sa juridiction pénale à La Haye) et la position, tenue par les Palestiniens, selon laquelle ils sont sous occupation israélienne ? Comment la Palestine peut-elle être à la fois occupée et souveraine ?
Dans ma demande, j’adopte la position juridique soigneusement réfléchie – qui est conforme à l’opinion prédominante de la communauté internationale – selon laquelle Israël continue d’occuper la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et Gaza.
Toutefois, pour les raisons qui y sont exposées, je n’ai pas considéré que ce facteur empêche l’exercice de la compétence du tribunal. Comme cet argument sera soulevé dans le cadre d’un litige, et qu’il est d’ailleurs abordé dans le mémorandum du bureau du procureur général [israélien], il serait inapproprié pour moi de faire d’autres commentaires à ce stade. Nous examinerons plus avant cet argument dans nos observations écrites.
Les questions présentées et analysées dans ma demande sont complexes et ont fait l’objet d’analyses et de débats depuis de nombreuses années. C’est précisément la raison pour laquelle nous souhaitons qu’elles soient résolues par les juges de la CPI.
Nous avons eu des contacts réguliers avec des représentants des autorités palestiniennes et israéliennes. Cet engagement a été significatif et substantiel
Il est regrettable que des extraits de ma demande semblent avoir été trop simplifiés ou mal compris.
Je vous renvoie également à mes réponses ci-dessus concernant le fait que la Palestine est un État partie aux fins du Statut de Rome.
Pourquoi cherchez-vous à enquêter sur les implantations israéliennes comme pouvant constituer des crimes de guerre, alors que vous ne semblez pas du tout inquiète des implantations turques dans le nord de Chypre ou des implantations russes en Crimée ? A Chypre comme en Ukraine, il est beaucoup plus facile de décider de la compétence de la cour que dans le cas de la Palestine ?
Cette question repose sur un certain nombre de suppositions.
Il est bien connu que nous avons reçu un certain nombre de communications concernant la partie nord de Chypre. Notre évaluation de cette situation se poursuit. J’ai l’intention de publier mes conclusions sur cet examen préliminaire dans le courant de l’année. La Crimée fait également partie du champ d’application de l’examen préliminaire en cours concernant l’Ukraine, qui est bien avancé.
Le rapport sur les examens préliminaires que votre bureau a publié au début de décembre cite l’Autorité palestinienne qui encourage les actes de violence en versant des allocations aux terroristes. Comment se fait-il que votre déclaration de 112 pages publiée deux semaines plus tard n’en fasse pas mention ?
Le rapport d’examen préliminaire annuel sert à faire le point sur nos activités. Il résume habituellement les types d’allégations que nous avons reçues au cours de la période visée par le rapport.
Dans ce contexte, le rapport de décembre 2019 indiquait que [mon] bureau avait « reçu des accusations » selon lesquelles i) les services de sécurité et de renseignement palestiniens en Cisjordanie ont commis le crime contre l’humanité que constituent la torture et les actes connexes contre des civils détenus dans des centres de détention sous leur contrôle ; et ii) l’Autorité palestinienne a encouragé la commission d’actes de violence et lui a fourni des incitations financières en versant des allocations aux familles de Palestiniens ayant été impliqués, en particulier, dans des attaques contre des citoyens israéliens, et que, dans ces circonstances, le versement de ces allocations peut donner lieu à des crimes visés par le Statut de Rome.
Nous avons noté que « ces crimes ainsi que tout autre crime présumé qui pourrait se produire à l’avenir nécessitent une étude plus approfondie ».
Ma demande aux juges ne prend pas position sur ces allégations et se limite plutôt à un aperçu des crimes présumés pour lesquels nous estimons, à ce stade, qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’ils ont été commis. Ainsi, au paragraphe 94 de ma demande, je donne un aperçu résumé de mes conclusions juridiques. J’explique que j’ai conclu qu’il existe une base raisonnable pour croire que des membres du Hamas et des groupes armés palestiniens ont commis des crimes de guerre spécifiques.
Par ailleurs, je déclare expressément que « les crimes identifiés ci-dessus ne sont qu’indicatifs. Une fois que le Procureur aura procédé en vertu de l’article 53(1), son enquête ne sera pas limitée aux seuls crimes spécifiques qui ont servi de base à son évaluation au stade de l’examen préliminaire.
L’accusation pourra élargir ou modifier l’enquête en ce qui concerne les actes identifiés ci-dessus ou d’autres actes, incidents, groupes ou personnes présumés et/ou adopter des qualifications juridiques différentes, pour autant que les cas identifiés pour l’accusation soient suffisamment liés à la situation ». (voir par. 98 à 100).
Ici, je dois encore souligner que la demande se limite uniquement à la question de l’étendue de la compétence territoriale du tribunal. Je n’ai pas voulu intentionnellement détourner l’attention de l’objet de cette procédure, qui est déjà complexe. C’est pourquoi je me suis contentée de donner un aperçu de mes conclusions, suffisant pour démontrer que la question dont les juges sont saisis est concrètement liée à la portée des enquêtes futures.
Dans le cadre de toute enquête future, si elle est ouverte, les crimes présumés découlant de la situation seront évalués et il y sera donné suite conformément à nos obligations en vertu du Statut de Rome et à notre politique de sélection et de hiérarchisation des affaires, qui est accessible au public ici.
Est-il vrai que, comme l’a récemment rapporté la Treizième chaîne, vous avez refusé de rencontrer une délégation d’ONG israéliennes ayant demandé à plusieurs reprises d’être reçue alors que vous rencontrez régulièrement des ONG palestiniennes, y compris quelques jours seulement avant d’annoncer votre décision d’ouvrir une enquête ?
Cela peut être dû à une confusion avec la réunion annuelle de l’Assemblée des États parties (AEP) au Statut de Rome, à laquelle les États et de nombreuses organisations de la société civile assistent et qui a eu lieu deux semaines avant notre dépôt. Mon bureau a eu des contacts avec de nombreux États et ONG à l’AEP, mais il n’a pas connaissance d’un refus spécifique de rencontrer une ONG israélienne, et je vous serais reconnaissante de bien vouloir fournir des informations complémentaires à ce sujet.
Comme nous l’avons mentionné, nous avons eu des contacts réguliers avec des représentants des autorités palestiniennes et israéliennes tout au long du processus d’examen préliminaire de la situation en Palestine. Cette participation a été significative et substantielle, ainsi que constructive et utile pour l’évaluation indépendante par le Bureau des critères statutaires du Statut de Rome.
J’espère que cette interaction constructive pourra se poursuivre.
Je réitère le fait que mon bureau s’acquitte de son mandat avec le plus grand engagement, indépendance et objectivité.
Comment expliquez-vous que l’analyse historique du conflit israélo-palestinien dans votre déclaration du 20 décembre ne mentionne pas le terrorisme palestinien, mais décrit plutôt une situation dans laquelle il n’y a pas de victimes israéliennes ?
Le but de l’aperçu contextuel et historique était d’exposer de manière concise différents événements historiques qui peuvent être instructifs et pertinents pour la détermination par le juge de l’étendue de la compétence territoriale du tribunal dans la situation de la Palestine.
En ce qui concerne les victimes israéliennes de la violence des Palestiniens, je constate expressément que les membres du Hamas et des groupes armés palestiniens ont commis les crimes de guerre consistant à diriger intentionnellement des attaques contre des civils et des biens de caractère civil ; à utiliser des personnes protégées comme boucliers ; à priver délibérément des personnes protégées de leur droit à un procès équitable et régulier et à les tuer délibérément ; et à torturer ou traiter de manière inhumaine et/ou porter atteinte à la dignité de la personne.
S’il y a d’autres faits historiques que d’autres considèrent importants à exposer, je me félicite qu’ils soient présentés aux juges. C’est pourquoi j’ai encouragé un processus judiciaire ouvert et participatif afin de permettre aux parties intéressées de faire part de leurs observations aux juges.
Nous sommes un bureau du procureur. Notre mandat est légal. Dans tous les cas, nous rédigeons nos soumissions et nos plaidoiries avec soin et de façon clinique, en fonction de l’objectif visé.
Saeb Erekat, de l’OLP, a déclaré publiquement que le comité palestinien chargé de la CPI était composé de toutes les parties palestiniennes, y compris le Hamas et le Front populaire de libération de la Palestine. Est-ce que vous ou des membres de votre bureau avez rencontré des représentants du Hamas ou du FPLP ? Quelle est votre politique en ce qui concerne les relations avec les membres d’organisations internationalement reconnues comme terroristes ?
Le point de contact et de communication officiel avec [mon] bureau dans le contexte de la situation en Palestine est avec l’Autorité palestinienne. Nous sommes également en contact direct avec les autorités israéliennes.
Mon bureau n’a rencontré aucune personne identifiée comme représentant le Hamas ou le FPLP.
Il convient toutefois de souligner un point général. Encore une fois, nous sommes un bureau du procureur ayant une politique de porte ouverte et qui rencontre différents groupes et acteurs dans le seul but d’exécuter son mandat en vertu du Statut de Rome.
Le bureau a une politique stricte et même l’obligation de s’assurer qu’il s’acquitte de ses fonctions avec indépendance et objectivité dans tous les cas. C’est ce que mon bureau représente, et ce sont les normes selon lesquelles il fonctionne et s’acquitte de ses responsabilités juridiques.
Vous cherchez également à enquêter sur le Hamas pour des crimes de guerre présumés. Les critiques soutiennent que cela a été fait pour donner une apparence d’équilibre, mais qu’une telle équation met sur un pied d’égalité morale une démocratie occidentale qui cherche à éviter de nuire à des non-combattants non impliqués et une organisation terroriste brutale qui cible délibérément des civils. Comment réagissez-vous à cela ?
Je ne peux pas contrôler ce que certains individus peuvent percevoir ou s’ils souhaitent spéculer sur nos motifs sans preuve ni fondement.
Le fondement de nos conclusions est de savoir si nous pensons que certains crimes de guerre ont été commis : ce faisant, comme l’exige le Statut de la CPI, cela ne devrait pas donner lieu à des spéculations sur des arrière-pensées.
Certains ont tenté de déformer mon travail en lançant de fausses accusations et/ou en attaquant ma crédibilité. Cela était bien sûr prévu
Il y a par exemple aussi des allégations non fondées selon lesquelles notre demande porte exclusivement sur des crimes présumés attribués à Israël. Comme vous le savez, cela est également incorrect sur le plan des faits et semble être soit mal informé, soit viser à miner la perception de notre travail.
J’invite vos lecteurs à lire attentivement notre demande devant les juges de la CPI, datée du 20 décembre 2019.
Nous assumons les responsabilités qui nous incombent en vertu du Statut de Rome en faisant preuve d’intégrité professionnelle et de la plus grande objectivité dans l’application du cadre juridique du Statut de Rome et du droit des conflits armés.
C’est aux trois juges de la chambre préliminaire qu’il appartiendra maintenant de décider si une enquête sur la « situation en Palestine » doit être ouverte. S’ils ne sont pas d’accord avec vous et décident que la cour n’est pas compétente dans cette affaire, allez-vous abandonner ou allez-vous faire appel de leur décision ?
Je ne veux pas spéculer sur le résultat final de la décision des juges. Ils sont actuellement saisis de l’affaire et j’espère que ces procédures deviendront des procédures inclusives où les différents points de vue seront entendus et exposés, ce qui aidera le processus et les juges à prendre une décision éclairée et juridiquement fondée. Lorsque la décision sera rendue, je l’analyserai et prendrai les mesures que je jugerai nécessaires.
Votre mandat de neuf ans en tant que procureur se termine l’année prochaine, ce qui signifie que l’affaire Israël/Palestine pourrait être jugée bien après que vous ayez quitté le tribunal. Vous attendez-vous à ce que votre successeur, quel qu’il soit, adopter les mêmes positions (concernant, par exemple, l’État palestinien et la nécessité d’ouvrir une enquête) ou pourrait-il décider de changer la politique du bureau et de laisser tomber l’affaire ?
J’ai demandé aux juges de la cour de rendre leur décision en réponse à ma demande bien avant la fin de mon mandat de procureur – en fait, je les ai invités à le faire dans un délai de 120 jours, sous réserve d’ajustements pour permettre la participation d’autres personnes. Si une enquête est ouverte, je prévois qu’elle le sera pendant mon mandat.
Nous avons un processus d’examen interne vigoureux, notamment grâce au travail du Comité exécutif du bureau. Notre prise de décision est fondée sur une évaluation minutieuse de nos obligations statutaires telles qu’elles s’appliquent à toute situation examinée par le bureau. Ce travail, comme nous l’avons mentionné, est effectué avec un engagement ferme à l’égard de notre mandat en vertu du Statut et de l’exécution de ce mandat sans crainte ni complaisance.
Je suis convaincue que mon successeur assurera la continuité des normes professionnelles du Bureau dans l’exercice de ses fonctions en vertu du Statut de Rome.
Permettez-moi de vous poser quelques questions personnelles. Avant de rejoindre la CPI, vous étiez une haute fonctionnaire du gouvernement du dictateur gambien Yahya Jammeh. Entre 1998 et 2000, vous étiez sa principale conseillère juridique – la ministre de la Justice d’un régime injuste. En repensant à cette étape de votre vie, regrettez-vous d’avoir travaillé pour et avec Jammeh ? Pourquoi n’avez-vous jamais dénoncé les injustices commises par votre ancien patron ?
Je constate en général que certains ont tenté de déformer ou de dénaturer mon travail de procureur concernant la situation en Palestine en lançant de fausses accusations et/ou en attaquant ma crédibilité. Cela était bien sûr prévu, car il s’agit d’une tactique standard pour discréditer quelqu’un qui porte une accusation ou adopte une position contraire.
Dans le contexte d’une salle d’audience, c’est un peu comme si un avocat essayait de diffamer un témoin pour miner sa crédibilité.
Ces tentatives et ces diversions ne changent toutefois rien au fait que je m’acquitte (avec mon Bureau) de mon mandat de manière indépendante et objective, conformément au Statut de la CPI.
Je n’ai rien à cacher et j’ai la conscience tranquille
En Gambie, j’ai servi mon pays et le peuple gambien avec honneur et avec la plus grande intégrité. J’ai fait preuve d’un engagement sincère et inébranlable envers la loi et l’égalité devant la loi.
Dans le cadre de mes fonctions publiques, je me suis efforcée de promouvoir l’égalité des sexes, de renforcer la profession juridique et d’accroître l’accès aux tribunaux pour les Gambiens ordinaires. Je me suis également appliquée à renforcer la force de la loi dans le pays. Mes efforts à cet égard font partie du bilan public.
J’ai quitté mon poste de procureur général à la suite de différends avec l’ancien président gambien Jammeh en 2000 (j’ai été en fonction pendant deux ans à ce titre, de 1998 à 2000). C’est mon intégrité professionnelle qui était à l’origine de ces différends.
J’ai été consternée et choquée d’entendre, avec le public, les violations des droits humains attribuées à l’ancien président Jammeh qui sont maintenant révélées et signalées après la fin de son règne.
Je me suis donnée beaucoup de mal pour expliquer publiquement, y compris aux médias gambiens, les paramètres juridiques de ma compétence en tant que Procureur de la CPI, comme le stipule le Statut de Rome, tout en réaffirmant que je m’acquitterai de mon mandat sans crainte ni complaisance partout où ma compétence est établie, que ce soit en Gambie ou ailleurs.
Selon au moins deux personnes ayant témoigné devant la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations de Gambie, vous avez été, pendant votre mandat de procureure, impliquée dans des affaires au cours desquelles des accusés ont été illégalement torturés. Certains en Israël ont déclaré qu’une personne qui a pu être impliquée, même passivement, dans des atteintes aux droits humains, n’a pas le droit moral de poursuivre des Israéliens. Comment répondez-vous à de telles accusations ?
J’ai catégoriquement nié ces fausses accusations et insinuations.
Dans le cas des deux témoins auxquels vous faites référence, il convient de souligner qu’une fois que j’ai reçu les dossiers en question tels qu’ils ont été préparés, entre autres, par la police gambienne en ma qualité de directrice adjointe du ministère public, c’est sur la base de mon évaluation indépendante et professionnelle de l’affaire et de mes recommandations finales que les charges retenues dans cette affaire contre les deux personnes et d’autres ont été abandonnées. Je vous invite à consulter les dossiers de l’affaire et à prendre contact avec le ministère gambien de la Justice.
D’autres témoignages devant la Commission gambienne Vérité, Réconciliation et Réparations attestent de l’approche de principe adoptée et appliquée lorsque je servais la Gambie à différents titres.
Si mon mandat actuel auprès de la CPI et les responsabilités et limitations qui y sont liées le permettent, je n’hésiterais pas à me présenter devant la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations de la Gambie pour répondre aux allégations fausses et trompeuses formulées contre moi en mon absence et sans que je sois entendue. Je n’ai rien à cacher et j’ai la conscience tranquille.
Permettez-moi également de réaffirmer ici que, avec mon personnel dévoué et professionnel, je suis fermement attachée au mandat que nous confère le Statut de Rome. Quoi qu’il en soit. Nous ne nous laisserons pas distraire ni entraver dans notre travail par une campagne de désinformation à l’ordre du jour visant à saper notre travail.
Nous espérons que grâce à un engagement ouvert, civil et franc avec les médias et les autres parties prenantes, le travail crucial de la cour pour faire progresser la responsabilité des crimes les plus graves du monde relevant de sa compétence sera mieux compris et soutenu.
Comme l’a rapporté pour la première fois le Times of Israel la semaine dernière, vous avez assisté à une conférence parrainée par le gouvernement en Israël en 1998. Quels souvenirs gardez-vous de cette visite ? Y êtes-vous revenue depuis ? Si non, aimeriez-vous visiter Israël à nouveau ?
J’ai participé à cette conférence dans le cadre de mes fonctions antérieures au sein du gouvernement de la Gambie. Je me souviens avec affection de cette visite et des importantes discussions sur l’autonomisation des femmes. J’espère avoir l’occasion de me rendre à nouveau en Israël.
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