« La Diaspora des cendres » : Une œuvre radiophonique sur l’histoire de la Shoah
L’œuvre du documentariste français William Karel, qui dure 1h45, présente ainsi sans interruption ni commentaire l’inaudible, exprimé autant par bourreaux que victimes de la Shoah
« La Diaspora des cendres » est une œuvre radiophonique du documentariste français William Karel, réalisée par Sophie-Aude Picon, diffusée le mois dernier sur France Culture. Elle est désormais disponible en replay.
Dans ce projet, défini comme « exceptionnel et majeur » par le journal Le Monde, M. Karel a réuni des textes sur la Shoah qu’il a fait lire à des comédiens de prestige – Mathieu Amalric, Valérie Dréville, François Marthouret, Elsa Lepoivre et Denis Podalydès.
Ces textes proviennent de sources diverses et variées : journaux intimes, billets jetés des trains par les déportés, lettres de prisonniers juifs, de Sonderkommandos, de SS, circulaires ministérielles, notes de service des responsables d’Auschwitz, réclamations à propos de problèmes techniques, lettres de soldats allemands à leur famille, documents cachés par les survivants des ghettos, extraits de livres, coupures de presse de revues communautaires, lettres de Juifs à leurs familles à l’étranger…
L’œuvre, qui dure 1h45, présente ainsi sans interruption ni commentaire l’inaudible, exprimé autant par bourreaux que victimes. Elle croise et confronte les récits, racontant cette terrible période de l’Histoire, des lois de Nuremberg de 1935 à la fin de la guerre et la libération des camps en 1945.
« Il n’y a ni commentaire, ni témoin, ni historien », présente William Karel. « Uniquement les voix de comédiennes et comédiens lisant des textes, en les croisant, en les opposant – ceux des victimes et ceux des bourreaux. »
« Ces matériaux arrachés au temps et à la disparition, montés les uns après les autres sans commentaire ni analyse, nous plongent brutalement dans l’histoire de la Shoah, abonde l’écrivain et dramaturge Guillaume Poix, conseiller artistique sur le programme. « Sans les images qui peut-être tétanisent ou aveuglent, mais avec et par les mots seuls. À la radio, l’attention qu’on leur porte est décuplée. »
« Lorsque William Karel m’a écrit parce qu’il souhaitait me parler d’un projet qu’il ne concevait, à ce moment, que pour la radio, j’ai senti, avant même d’en connaître tous les contours, que nous allions mettre en œuvre un projet qui ferait date », a expliqué Sandrine Treiner, directrice de France Culture.
« J’ai écouté ce grand cinéaste me raconter comment il avait retracé, patiemment, méticuleusement, fiévreusement aussi, fragment par fragment, cette histoire de la Shoah, collective et pourtant, ligne à ligne, à la première personne du singulier, pour constituer un immense récit, à vrai dire, inépuisable, un texte unique composé de milliers de bribes de textes, de toutes origines. William Karel avait entrepris de composer un récit possiblement infini, en ce sens qu’il ne connaîtrait pas de fin, à moins de parvenir à intégrer au corps du manuscrit toutes les traces que la mémoire et l’Histoire avaient semées sur le chemin de la catastrophe. En nous le confiant, il acceptait par là-même de lui donner un terme – au moins provisoire. »
« Grâce au travail de William Karel, au tressage de témoignages de toutes origines, nous avons pu enregistrer cette ‘Diaspora des cendres’, paroles éparses écrites par des anonymes ou par des noms qui résonnent en nous, ce patchwork dont les pièces composent un souvenir commun, pour partager une fois encore, cette mémoire qui nous unit et nous divise », a expliqué la réalisatrice Sophie-Aude Picon. « Nous avons tenté de faire que l’inouï soit audible, écoutable, essayé de ne jamais tomber dans la complaisance ou le pathétique, et cherché la juste distance pour vous donner à entendre ces voix, dans leur singularité et leur humanité, leur cruauté et leur humilité, pour qu’elles continuent à habiter la mémoire des vivants. »
« La Diaspora des cendres » sera également un film documentaire, diffusé sur LCP.
Ancien reporter-photographe, William Karel a passé une dizaine d’années dans un kibboutz en Israël pendant sa jeunesse. Il réalise des films documentaires depuis 1988. Il a reçu le prix Europa en 2003 pour l’ensemble de son œuvre. Il a notamment co-réalisé les documentaires
« Albums d’Auschwitz » (2011) et « Israël-Palestine, une terre deux fois promise » (2017), et à la série documentaire « Jusqu’au dernier : La destruction des Juifs d’Europe » (2014).