La guerre sans fin
Après plus de 18 mois d'efforts livrés par Israël pour détruire le Hamas à Gaza et garantir le retour des otages, la terrible vérité est qu'aucun de ces objectifs n'est encore sur le point d'être atteint
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

L’armée israélienne, comme l’a signalé cette semaine, depuis Rafah, notre correspondant militaire Emanuel Fabian, aimerait croire que des fissures commencent à apparaître dans la mainmise du Hamas sur Gaza. L’arrêt de l’acheminement de l’aide humanitaire au sein de l’enclave, un arrêt qui a été décidé par Israël, implique qu’il y a moins de choses à voler et à vendre pour le groupe terroriste. De plus, la gouvernance civile du Hamas est affaiblie dans la mesure où Tsahal prend précisément pour cible de ses attaques les forces de police et les bureaucrates de l’organisation. Les manifestations intermittentes des Palestiniens de la bande, qui dénoncent le Hamas, témoignent d’une volonté et d’une certaine capacité des locaux à défier ouvertement les autorités terroristes.
Mais les militaires savent pertinemment que le Hamas n’est pas proche de l’effondrement et qu’il est encore en mesure de recruter des milliers, voire des dizaines de milliers d’hommes armés supplémentaires – et ils savent que malgré certaines informations contradictoires, il est encore en mesure de les payer. Ils savent que le groupe terroriste, qui n’est plus une armée organisée mais qui reste une force de guérilla très dangereuse, ne va certainement pas déposer les armes.
En ce qui concerne Tsahal, l’espoir est que la pression militaire actuelle, qui est relativement limitée mais qui reste constante, poussera le Hamas à conclure un nouvel accord grâce auquel certains otages – pas tous – recouvreraient la liberté en échange d’une reprise de la trêve. Un cessez-le-feu au cours duquel le Hamas chercherait, c’est évident, à reconstruire ses capacités militaires et civiles.

Mais la campagne militaire qui a été relancée le mois dernier, après l’échec de l’accord en trois phases qui avait été mis au point au mois de janvier, ne se déroule pas en vase clos.
Au sein du gouvernement israélien, Bezalel Smotrich, le leader du parti Hatzionout HaDatit d’extrême droite, lance des appels en faveur d’une action militaire beaucoup plus large – sur le fond, un retour rapide à la campagne de haute intensité qui avait caractérisé les premiers mois du conflit. Ce qui mettrait à rude épreuve les soldats actuellement au sein de Tsahal et les forces qui servent dans la réserve, dont les effectifs sont déjà grandement sollicités, et ce qui mettrait la vie des otages encore plus en danger. Dans le même temps, au niveau mondial, les pressions se font de plus en plus fortes pour que l’acheminement des aides humanitaires reprenne dans la bande au fur et à mesure où les stocks s’épuisent – les responsables israéliens n’ayant pas encore élaboré de mécanisme permettant d’éviter que le Hamas ne reprenne la main sur les contenus des livraisons.
Graduellement, l’armée, de son côté, prend le contrôle d’une proportion de plus en plus vaste du territoire de Gaza, détenant peut-être 30 % de la bande à l’heure actuelle. Les soldats ont élargi leur « zone tampon » tout autour du périmètre de l’enclave côtière, en partant de Zikim, au nord, jusqu’à Kerem Shalom, au sud – et ils conservent leur emprise sur le corridor Philadelphi, situé tout le long de la dernière section de la frontière, entre Gaza et l’Égypte. Ainsi, une zone qui s’étendait sur 700 mètres à un kilomètre à l’intérieur de la bande de Gaza s’est maintenant approfondie, avec une taille qui a été presque multipliée par deux. De surcroît, Tsahal a renforcé sa présence dans la zone située au sud de Rafah et dans ce qui a été appelé « le corridor de Morag », qui coupe Rafah du reste de la bande de Gaza. À l’issue de leurs opérations, les militaires détiendront environ 40 % de la bande de Gaza.

Ce qui rappelle la Zone de sécurité qu’Israël avait maintenue au Sud-Liban jusqu’à son évacuation et jusqu’à son retrait précipités en l’an 2000, avec des forces statiques et vulnérables stationnées à l’intérieur d’un territoire ennemi. Sauf que dans le cas du Sud-Liban, cela avait été l’armée du Sud-Liban, un proxy pro-israélien, qui avait supporté le poids de ce déploiement.

Le ministre de la Défense, Katz, a établi clairement, de manière répétée, que les soldats israéliens resteraient à moyen terme déployés dans leurs zones tampons à Gaza, tout comme ils le sont dans les positions qui ont été installées en Syrie et au Liban.
Au Liban, le nouveau gouvernement montre quelques signes de volonté de se confronter au Hezbollah, et le mécanisme international de cessez-le-feu accorde à Tsahal le droit de s’attaquer au groupe soutenu par l’Iran en cas de reprise des activités terroristes. Et l’armée, en effet, continue de prendre quotidiennement pour cible les activités du Hezbollah.
À Gaza, il n’y a évidemment pas d’autre gouvernement que le Hamas et, avec les otages qui lui permettent de peser dans les pourparlers, l’organisation s’est opposée à des conditions de cessez-le-feu qui autoriseraient Tsahal à empêcher son réarmement et à reprendre l’action militaire pour déjouer une éventuelle reprise du terrorisme.
Dans sa déclaration faite à la nation, samedi dans la soirée, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a clairement fait savoir qu’il n’était pas prêt à mettre un terme à la guerre et à retirer Tsahal pour obtenir la libération des 59 otages restants – 21 à 24 captifs seraient encore en vie avec, parmi eux, quatre soldats qui avaient été enlevés alors qu’ils affrontaient le Hamas, le 7 octobre. Il a également raillé l’idée de « piéger » le Hamas en acceptant ostensiblement de mettre fin à la guerre, garantissant le retour des otages, en reprenant ensuite la campagne militaire. « Le Hamas est un groupe d’assassins méprisables, mais il n’est pas stupide », a-t-il dit, précisant que le groupe terroriste et ses partisans exigent des garanties internationales contraignantes – comme des résolutions irrévocables du Conseil de sécurité des Nations unies assorties de dispositions prévoyant la mise en œuvre de sanctions – qui empêcheraient toute relance ultérieure de la guerre.
Il est difficile de dire si c’est le cas – ou si une diplomatie israélo-américaine astucieuse pourrait permettre l’adoption d’une résolution rédigée de manière à proscrire les violations d’un éventuel accord par l’une ou l’autre des parties. Et il ne fait aucun doute que le Hamas violerait effectivement tout cessez-le-feu conclu.
Le discours prononcé par Netanyahu, sous la forme de « je ne céderai pas aux diktats du Hamas », a entraîné, c’est compréhensible, des cris d’indignation et de désespoir de la part des familles de nombreux otages. L’accord du mois de janvier, retardé pendant des mois par Netanyahu, s’est effondré après la première des trois phases qui étaient prévues ; un autre accord partiel doit encore prendre forme ; la perspective d’un accord qui permettrait de garantir le rapatriement de tous les otages s’éloigne et disparaît à l’horizon, voire au-delà. Et pour l’État d’Israël, qui va bientôt fêter ses 77 années d’existence, la guerre la plus longue de toute l’Histoire du pays se poursuit.
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