La police se préparerait à inculper Yaakov Litzman
Les enquêteurs devraient recommander l'inculpation du ministre pour avoir aidé la pédophile présumée Malka Leifer à échapper à l'extradition en faisant pression sur ses employés
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
La police israélienne devrait recommander l’inculpation du vice-ministre de la Santé Yaakov Litzman, soupçonné d’avoir utilisé son bureau pour apporter une aide illicite à des délinquants sexuels présumés, selon un reportage qui a été diffusé vendredi par la chaîne Kan.
La police israélienne aurait l’intention d’inculper le chef du parti YaHadout HaTorah dans deux dossiers, a noté la chaîne.
Le premier concerne Malka Leifer, ancienne directrice d’une école ultra-orthodoxe pour filles qui est accusée en Australie de 74 chefs d’abus sexuels sur mineurs. La police avait fait savoir au mois de février qu’elle avait ouvert une enquête sur Litzman, qui était soupçonné d’avoir exercé des pressions sur les employés de son bureau pour changer les conclusions de leurs évaluations psychiatriques en déclarant Leifer inapte à une extradition.
Dans la deuxième affaire, Litzman est accusé d’avoir aidé d’autres prédateurs sexuels présumés en utilisant des méthodes illégales, a ajouté Kan.
Litzman, pour sa part, a nié tout acte répréhensible, maintenant qu’il s’efforçait d’apporter une réponse, sans préjugés, aux demandes d’assistance reçues par son bureau.
Une troisième enquête vise le ministre mais la probabilité de son inculpation dans le cadre de ces investigations semble mince, a fait savoir la chaîne publique qui n’a donné aucun détail supplémentaire sur ce dossier.
La police devrait faire part de sa décision avant les élections du mois de septembre. Mais leur recommandation d’une éventuelle inculpation de Litzman devrait dépendre d’une audience qui aura lieu, pour sa part, avant le scrutin.
Le mois dernier, la Treizième chaîne avait annoncé que le vice-ministre de la Santé était venu en aide à au moins dix délinquants sexuels avérés pour qu’ils obtiennent une amélioration de leurs conditions de détention – visites à domicile et autres avantages – en exerçant des pressions sur des psychiatres et des responsables des services carcéraux.
Au mois de mars, la Treizième chaîne avait évoqué une seconde enquête dans laquelle Litzman et son chef de cabinet sont soupçonnés d’avoir exercé des pressions sur un psychiatre, Moshe Birger, pour s’assurer qu’un autre délinquant sexuel, proche de la secte Gur de Litzman, bénéficierait d’un programme de réinsertion. La participation au programme ouvrait la porte sur l’obtention de droits de visite à domicile ainsi qu’à une libération anticipée.
Pour sa part, Malka Leifer est connue pour entretenir des liens avec la communauté Gur, ayant enseigné en Israël dans une école affiliée à cette branche.
Un responsable du ministère de la Santé avait indiqué au mois de février au Times of Israël que la police était en possession d’enregistrements de Litzman et de responsables, à son bureau, parlant à des employés du ministère de la Santé et leur recommandant vivement de prendre des mesures en faveur de Leifer.
En l’an 2000, Leifer avait été recrutée pour travailler à l’école ultra-orthodoxe pour filles Adass Israel à Melbourne.
Lorsque les accusations d’abus sexuels avaient émergé à son encontre, huit années plus tard, les membres du conseil d’administration de l’établissement scolaire avaient acheté à cette mère de huit enfants un billet pour Israël dans un vol de nuit pour lui permettre d’échapper à une inculpation.
Après le début des poursuites par les autorités de Melbourne, l’Australie avait officiellement déposé une demande d’extradition en 2012. Deux ans plus tard, elle était arrêtée en Israël avant d’être finalement libérée et assignée à domicile.
Les magistrats l’avaient jugée inapte à un procès et ils avaient finalement levé toutes les restrictions qui lui avaient été imposées, concluant qu’elle était trop malade pour seulement se lever de son lit.
Elle avait été à nouveau appréhendée en février 2018 après une opération d’infiltration de la police – qui mettait alors en doute l’instabilité réelle de son état psychologique.
L’opération avait été lancée après l’obtention d’images la montrant se déplacer dans sa ville de résidence sans difficulté apparente. L’ONG Jewish Community Watch avait en effet engagé des détectives privés, lesquels avaient caché des caméras dans l’implantation ultra-orthodoxe d’Emmanuel où Leifer et sa famille avaient trouvé refuge.
Malgré ces images pourtant accablantes, le procès avait encore été ajourné pendant un an, le tribunal statuant sur son état psychologique.
Le psychiatre du district de Jérusalem chargé de l’évaluation de Leifer, le docteur Jacob Charnes, aura changé d’avis à trois occasions sur l’aptitude de Leifer à être extradée.
Au mois d’avril 2015, Charnes avait signé un avis juridique affirmant que la pédophile présumée était apte à être envoyée vers l’Australie.
Au mois de décembre de la même année, il était revenu sur sa conclusion dans un autre avis en direction du tribunal.
Après la nouvelle arrestation de Leifer, en 2018, les psychiatres avaient remis à jour une évaluation dans laquelle ils estimaient, une fois encore, qu’elle était en mesure d’être extradée. Charnes avait alors refusé de signer le document pendant plusieurs mois avant de finalement le ratifier.
Toutefois, quand le psychiatre avait été interrogé par la défense concernant son évaluation, à la fin de l’année dernière, il avait expliqué au tribunal recommander un examen supplémentaire de Leifer – une proposition rejetée par les deux parties.
Un responsable judiciaire a déclaré au Times of Israël que la police soupçonnait Charnes d’avoir modifié sa conclusion après avoir été contacté par le bureau de Litzman.
Charnes a été interrogé après lecture de ses droits dans l’affaire lancée contre le vice-ministre.
La Cour de district de Jérusalem donnera sa décision finale concernant l’extradition et l’état mental de Leifer lors d’une audience prévue le 23 septembre.