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La politique, l’autre star du Festival de Cannes

Le festival a toujours flirté avec l'actualité et la controverse ; l'édition 2018 aura une forte connotation politique, avec des films évoquant les combattants antijihadistes

Les escaliers pour la traditionnelle montée des marches du Festival de Cannes. (Crédit : CC-BY-SA-3.0 via Wikimedia Commons)
Les escaliers pour la traditionnelle montée des marches du Festival de Cannes. (Crédit : CC-BY-SA-3.0 via Wikimedia Commons)

L’édition 2018 du Festival de Cannes aura une forte connotation politique, avec les invitations adressées au cinéaste dissident iranien Jafar Panahi et au Russe Kirill Serebrennikov ou des films évoquant les combattants antijihadistes, Mandela ou le pape François.

Depuis sa naissance en 1946, le festival a toujours flirté avec l’actualité et la controverse, d' »Hiroshima mon amour », écarté de la compétition en 1959 en raison de pressions américaines, à la Palme d’Or de Michael Moore pour « Fahrenheit 9/11 » en 2004, critique acerbe de l’administration Bush.

« Le cinéma accompagne les sensibilités politiques de son temps, et le Festival l’amplifie et tente de jouer un rôle de soutien aux artistes persécutés dans leur pays », estime Jean-Michel Frodon, critique du cinéma.

« Il ne suffit pas d’être un réalisateur emprisonné pour être sélectionné à Cannes », dit-il à l’AFP.

« Mais quand un film est digne de Cannes et que son réalisateur affronte des difficultés dans son pays, un grand festival international est l’endroit pour attirer l’attention sur sa situation personnelle et sur son oeuvre », précise le critique qui a dirigé les Cahiers du cinéma et écrit pour Slate.

« Cannes, lieu de liberté »

Geste politique fort, le patron du festival Thierry Frémaux a affirmé jeudi que les autorités françaises allaient demander à Téhéran de laisser Panahi quitter l’Iran pour venir présenter son film en compétition (« Three Faces »).

Récompensé par la Caméra d’or en 1995 pour « Le ballon blanc », retenu à la tristement célèbre prison d’Evin alors qu’il était invité à faire partie du jury de Cannes en 2010, Panahi est interdit de tournage dans son pays et de voyager.

La même invitation va être adressée au metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov, assigné à résidence à Moscou depuis l’été dernier pour une affaire de détournement de fonds publics que beaucoup dénoncent comme politisée en raison du ton critique de son travail.

Le producteur de son film « Leto » (« L’été ») s’est félicité de la sélection du film en compétition, estimant qu’il s’agit d’une « victoire pour le cinéma russe ».

« Cannes, vous le savez, a toujours été un lieu de liberté, de liberté de création, de liberté de présence des artistes. L’histoire du festival fourmille d’épisodes comme ça », a rappelé M. Frémaux.

Dans les mémoires est resté notamment l’épisode Yilmaz Güney, réalisateur d’origine kurde qui a obtenu en 1982 la Palme d’or pour « Yol, la permission », film qu’il a dirigé alors qu’il était emprisonné en Turquie.

Un compatriote de Panahi, Mohammad Rasoulof, dont les films ont été présentés à Cannes, est frappé de la même interdiction de voyage.

Lors de cette 71e édition, l’un des films présentés (hors compétition) est lui-même interdit de diffusion dans le pays de son réalisateur : « Les âmes mortes » du cinéaste chinois Wang Bing.

« Caisse de résonance »

Parmi les autres films en résonance avec l’actualité cette année à Cannes : le film français « Les filles du soleil », où la star iranienne Golshifteh Farahani incarne une combattante kurde luttant contre les jihadistes.

Le maître allemand du cinéma Wim Wenders présente hors compétition un documentaire sur le pape François. Et alors que Nelson Mandela aurait eu 100 ans cette année, un documentaire, « The State Against Mandela and The Others », réunira des images d’archives et des témoignages d’anciens compagnons de cellule du héros anti-apartheid.

« A Tous vents », de Michel Toesca, retracera quant à lui la rencontre des habitants et des réfugiés qui arrivent dans la vallée française de la Roya en tentant de passer la frontière franco-italienne.

Cinquante ans après Mai-68, le cinéaste français Romain Goupil et l’ex-député européen Daniel Cohn-Bendit, une figure du mouvement, s’associent pour « La Traversée », un documentaire également aux connotations politiques avec, en guest star, le président français Emmanuel Macron pour une brève apparition.

« On ne parlera pas de mai 68, mais de la France d’aujourd’hui », explique à l’AFP Daniel Cohn-Bendit, parti à la rencontre d’ouvriers, de paysans, d’un imam…

La Berlinale, marquée cette année par les réactions post-Weinstein, a démontré que les festivals de cinéma restent de formidables « caisses de résonance ».

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