La procureure générale dénonce les pressions de Rothman pour avancer les réformes
Le président de la commission du Droit et de la Justice accuse Gali Baharav-Miara d'avoir envoyé des députés pour "tromper" et "manipuler l'opinion publique"

La procureure générale Gali Baharav-Miara a répondu dimanche aux accusations du député Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, en l’accusant de tenter de « faire taire » ses représentants.
« Les conseillers législatifs sont des fonctionnaires dévoués qui font leur travail de manière professionnelle et fidèle, y compris lors des discussions tenues par le gouvernement et la Knesset », a déclaré le bureau de Baharav-Miara dans un communiqué, après les allégations de Rothman selon lesquelles la procureure générale aurait envoyé ses adjoints pour « tromper la population » et « manipuler l’opinion publique ».
« Les conseillers juridiques du gouvernement continueront à remplir leur rôle, malgré les tentatives, de répression et les accusations injustifiées, comme cela s’est encore produit ce matin à la commission », a ajouté le bureau de la procureure générale.
Des cris ont une fois de plus été entendus dimanche à la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset alors qu’elle examinait la phase suivante du paquet de réformes judiciaires radicales proposées par le gouvernement.
La scène a eu lieu alors que la procureure générale adjointe Avital Sompolinsky présentait un avis juridique s’opposant au projet de loi qui éliminerait presque totalement la capacité de la Cour suprême à annuler des lois, et exigerait une décision unanime de ses 15 juges pour le faire.
La commission est en train de passer en revue à toute vitesse les projets de réforme judiciaire du gouvernement. La première phase du projet sera soumise à un premier vote en plénière de la Knesset lundi, malgré l’opposition catégorique de la procureure générale.

Sompolinsky a comparé le pouvoir de la Cour suprême d’invalider des lois jugées inconstitutionnelles à celui d’autres pays, affirmant qu’aucune démocratie n’exige une décision unanime et que même une majorité spéciale n’est pas courante, « il s’agit en réalité d’une mesure visant à restreindre de manière significative la possibilité de la Cour d’intervenir dans les lois qui enfreignent les droits ancrés dans les traités internationaux ».
« Chaque pays a trouvé sa propre façon de garantir un certain frein au pouvoir législatif », a-t-elle dit, expliquant la position de la procureure générale. « Et la réponse que M. le président (Rothman) donne encore et encore est qu’aucun frein n’est nécessaire au pouvoir législatif, parce que le pouvoir législatif peut tout faire, et le pouvoir législatif mettra ses propres freins, et ‘comptera sur nous’. »
C’est alors que Rothman s’est mis à crier sur elle, l’accusant d’avoir éludé ses questions à plusieurs reprises et d’avoir choisi de manière sélective le moment de comparer la situation avec d’autres pays, arguant qu’en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans d’autres pays, la Cour suprême n’a pas du tout le pouvoir d’annuler les lois et que les juges sont élus par la coalition au pouvoir.
« Le fait que ce soit moi qui doive le dire, et pas vous, est une honte », a déclaré Rothman avec colère, accusant Baharav-Miara d’avoir envoyé Sompolinsky « pour faire [la comparaison entre pays] afin de tromper le public. C’est un scandale ».
Les députés de l’opposition ont rétorqué que Rothman « avait humilié » Sompolinsky et l’avait « traitée de manière grossière et violente ».
Les organisateurs d’un mouvement de protestation contre la réforme judiciaire ont déclaré que lundi serait une « journée nationale de lutte » qui, pour la deuxième semaine consécutive, comprendra un grand rassemblement devant la Knesset, ainsi que des manifestations dans différentes villes et la fermeture de certaines entreprises.

Les manifestations sont censées coïncider avec la première lecture prévue à la Knesset de la législation qui donnerait à la coalition le contrôle de la sélection des juges (ainsi que d’un projet de loi visant à mettre les lois fondamentales à l’abri du contrôle judiciaire ; les discussions se poursuivront également sur d’autres parties du paquet de refonte à la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset).
La refonte judiciaire, proposée par le ministre de la Justice Yariv Levin et soutenue par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, accorderait au gouvernement un contrôle total sur la nomination des juges, y compris ceux de la Cour suprême, limiterait fortement la capacité de la Cour suprême à annuler des lois et permettrait à la Knesset de réadopter des lois que la Cour aurait réussi à annuler avec une majorité de 61 députés seulement.
Selon ses détracteurs, ces réformes radicales, ainsi que d’autres projets de loi, porteraient atteinte au caractère démocratique d’Israël en bouleversant son système d’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tous les pouvoirs à l’exécutif et en laissant les libertés individuelles et les minorités sans protection.
Netanyahu et d’autres membres de la coalition ont rejeté ces critiques.