La reconnaissance du génocide arménien : état des lieux
En 2000, 126 chercheurs affirmaient dans le New York Times que "le génocide arménien pendant la Première Guerre mondiale est un fait historique incontestable"
La reconnaissance du génocide arménien entre 1915 et 1917, votée jeudi par le Congrès des Etats-Unis, est une source de tensions régulière entre la Turquie et la communauté internationale.
Le Sénat américain a adopté à l’unanimité une résolution reconnaissant le génocide arménien, après que la Chambre des représentants l’avait formellement reconnu à une écrasante majorité fin octobre.
Génocide ou massacres
Les Arméniens estiment qu’un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l’Empire ottoman, alors allié à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie. Ils commémorent ce génocide chaque année le 24 avril.
La Turquie, issue du démantèlement de l’empire en 1920, reconnaît des massacres mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d’une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.
Des affrontements meurtriers avec les Turcs avaient déjà commencé à la fin du XIXe siècle, avec le massacre de 100 000 à 300 000 Arméniens en 1895-1896, selon des sources arméniennes.
Lorsque l’Empire ottoman essuie de lourdes pertes dans les combats de la Grande guerre affectant les provinces arméniennes, les autorités en rejettent la responsabilité sur les Arméniens, qualifiés d' »ennemi intérieur » et accusés de collaboration avec les Russes.
Le 24 avril 1915, des milliers d’Arméniens suspects de sentiments nationaux hostiles au gouvernement central sont arrêtés. Le 26 mai, une loi autorise les déportations « pour des raisons de sécurité intérieure », une autre loi du 13 septembre ordonne la confiscation de leurs biens.
La population arménienne d’Anatolie et de Cilicie (une région intégrée à la Turquie en 1921) est exilée de force dans les déserts de Mésopotamie. Beaucoup sont tués en chemin ou dans des camps, brûlés vifs, noyés, empoisonnés ou victimes du typhus, selon des rapports des diplomates étrangers et des agents de renseignement de l’époque.
En 2000, 126 chercheurs, dont le lauréat du prix Nobel Elie Wiesel, affirment dans un communiqué publié par le New York Times que « le génocide arménien pendant la Première Guerre mondiale est un fait historique incontestable ».
Une trentaine de pays
Le 20 avril 1965, l’Uruguay a été le premier pays à reconnaître le génocide arménien.
En France, la reconnaissance est intervenue dans une loi en 2001, et une journée de commémoration a été pour la première fois célébrée le 24 avril 2019.
La négation du génocide n’y est cependant pas pénalisée, contrairement à la Suisse, Chypre et la Slovaquie.
Au total, les Parlements d’une trentaine de pays ont voté des lois, résolutions ou motions reconnaissant explicitement le génocide arménien : Allemagne, Argentine, Autriche, Belgique, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Chypre, Etats-Unis, France, Grèce, Italie, Liban, Lituanie, Luxembourg, Paraguay, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Russie, Slovaquie, Suède, Suisse, Uruguay, Vatican, Venezuela.
Des votes pas toujours contraignants
Ces votes, émanant parfois seulement d’une des chambres du Parlement et avec lesquels les gouvernements peuvent prendre leurs distances, ont des portées juridiques très diverses.
Le Parlement européen a reconnu le génocide arménien en 1987.
Parmi les pays où a récemment été votée une résolution reconnaissant le génocide figurent les Pays-Bas en 2018 et le Portugal en 2019. En Allemagne, le Bundestag, la chambre basse, a aussi adopté une résolution en 2016, qualifiée de non contraignante par la chancelière Angela Merkel.
Le 24 avril 2015, en pleine commémoration par l’Arménie du 100e anniversaire du génocide, le pape François a parlé de « premier génocide du XXe siècle ».