La Russie bloque le réseau social LinkedIn
Le Kremlin a nié toute censure ; le médiateur du Kremlin pour les questions liées à internet a estimé qu'un accord pourrait être trouvé
Les autorités russes ont ordonné jeudi le blocage du réseau social professionnel LinkedIn, qui devient le premier site internet interdit après l’adoption d’une loi controversée imposant le stockage des données personnelles sur le territoire russe.
Le Kremlin a nié toute censure après cette décision qui intervient dans un contexte de contrôle sans cesse renforcé sur internet depuis la réélection de Vladimir Poutine en 2012.
En vertu d’un jugement rendu le 10 novembre par un tribunal, l’adresse du site de LinkedIn a été inscrite au registre des contrevenants à cette loi en vigueur depuis 2015, a indiqué l’agence de régulation des télécoms Roskomnadzor dans un communiqué. Les opérateurs ont été notifiés, ce qui les contraint à bloquer son accès, a-t-elle ajouté.
Le site utilisé pour les contacts professionnels et les recherches d’emploi a confirmé dans un communiqué transmis à l’AFP « commencer à être informé par ses membres en Russie qu’ils ne pouvaient pas accéder à LinkedIn ».
La société américaine, en cours de rachat par le géant Microsoft, a dénoncé une décision qui affecte « les millions de membres » russes et s’est dite « intéressée par une rencontre » avec les autorités.
LinkedIn revendique plus de 467 millions utilisateurs dont plus de six millions en Russie.
Vivement critiquée par les acteurs du secteur technologique, cette loi oblige les services de messagerie, les moteurs de recherche et les réseaux sociaux étrangers à stocker en Russie les données personnelles de leurs utilisateurs russes.
« On n’avait jamais vu cela. Une telle confrontation directe avec les grands groupes technologiques mondiaux marque une nouvelle page dans l’histoire », a réagi sur Facebook Leonid Volkov, un responsable de l’organisation Société de Défense d’internet, qui lutte contre la censure et est proche de l’opposant et blogueur anticorruption Alexeï Navalny.
Le sujet des données personnelles et de leur utilisation fait débat partout dans le monde, mais est particulièrement sensible en Russie où les autorités ont introduit ces dernières années plusieurs lois renforçant le contrôle sur internet et les réseaux sociaux, devenus vitaux pour l’opposition russe.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a rejeté toute interprétation de la décision de bloquer LinkedIn comme une censure : le régulateur « agit en stricte conformité à la loi ».
Le texte sur les données personnelles a conduit à un bras de fer entre les autorités russes et les groupes internet comme Facebook ou Twitter, que l’agence de régulation des télécoms a plusieurs fois sommé de s’y plier sans prendre pour l’instant de mesure de rétorsion concrète.
Interrogé sur la télévision publique Rossia-24, le médiateur du Kremlin pour les questions liées à internet, Guerman Klimenko, a cependant estimé qu’un accord pour débloquer LinkedIn serait trouvé, et a suggéré que la loi en question pourrait être « clarifiée » ou amendée.
Le durcissement de la législation depuis le retour au Kremlin de Vladimir Poutine en 2012, qui avait été accompagné de manifestations de l’opposition libérale mobilisée grâce aux réseaux sociaux, s’est poursuivi récemment avec des textes antiterroristes qui forcent fournisseurs d’accès et réseaux sociaux à stocker les messages, appels et données pendant six mois.
En vertu de la lutte contre l’extrémisme, des internautes ont par ailleurs été condamnés par la justice pour des publications sur les réseaux sociaux.
Dans son dernier rapport annuel publié mi-novembre, l’organisation Freedom House dénonce « une répression sans précédent contre les utilisateurs de réseaux sociaux ».