La Russie minimise l’impact de la Shoah sur les Juifs
La porte-parole du ministère des Affaires étrangères a fustigé l'Allemagne qui prendra la défense de l'État juif devant la CIJ, critiquant le "soutien inconditionnel" à Israël
La Russie a semblé minimiser dimanche l’impact de la Shoah sur les Juifs, évoquant l’extermination massive « de groupes ethniques et sociaux variés ». Elle a aussi critiqué l’Allemagne qui a décidé d’intervenir en faveur d’Israël devant la Cour internationale de Justice, où l’État juif est accusé de commettre un « génocide » à Gaza par l’Afrique du sud.
Lors d’une conférence de presse, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a fustigé le « soutien inconditionnel » qui, selon elle, est apporté par Berlin à Israël – accusant les Allemands d’avoir ignoré de manière systématique la situation difficile des minorités européennes non-juives, notamment des peuples slaves de l’ex-Union soviétique, qui avaient été massacrées pendant la Shoah.
Le ministère des Affaires étrangères israélien a réagi dimanche par une brève déclaration, remerciant l’Allemagne « pour son soutien sans équivoque et pour son positionnement face à l’accusation sans fondement qui a été lancée par l’Afrique du sud ». Il a également éreinté les propos tenus par la porte-parole du Kremlin en dénonçant « une dénaturation de la Shoah » qui « porte atteinte aux victimes et aux survivants ».
Lors de la conférence, Zakharova a indiqué que « il semble que l’Allemagne a une nouvelle fois oublié que selon la résolution At A/RES/60/7 de l’Assemblée générale des Nations unies et selon plusieurs autres instruments internationaux, la Shoah se définit comme étant les actes de persécution et d’extermination massive, par les nazis, d’individus qui représentaient des groupes ethniques et sociaux différents. Il existe également la Déclaration de Berlin de l’OSCE qui met en avant la nécessité de promouvoir l’importance de respecter tous les groupes ethniques et religieux sans aucune distinction ».
La résolution des Nations unies qui avait été adoptée en 2005 et qui avait donné lieu à la création de la Journée internationale de commémoration de la Shoah, le 27 janvier, soulignait l’impact qu’avait eu la Shoah sur les Juifs, faisant remarquer qu’elle avait entraîné « le meurtre d’un tiers du peuple juif en plus de celui d’innombrables membres appartenant à d’autres minorités ».
« Berlin persiste dans son refus de reconnaître comme un génocide les crimes qui ont été perpétrés par les nazis contre notre peuple », a continué Zakharova, citant le refus de Berlin d’indemniser les victimes non-juives du siège de Leningrad, pendant la Seconde guerre mondiale – un siège qui avait duré presque deux ans et demi.
« Les instances d’enquête et les tribunaux russes ont compilé un vaste ensemble de preuves attestant de l’existence de crimes de guerre, de crimes contre l’Humanité et d’actes génocidaires de la part des troupes du Troisième Reich dans des régions variées de notre pays », a-t-elle poursuivi.
« L’Allemagne a surpassé tous les autres pays de l’Union européenne dans sa défense zélée du régime de Kiev, qui a fait de la glorification des complices des nazis un principe qui est au cœur de sa politique nationale et de sa politique étrangère », a-t-elle continué, faisant référence au soutien apporté par Berlin à l’Ukraine face à l’invasion russe – un conflit qui a commencé à 2022.
Les responsables russes ont tenté, de manière répétée, de justifier leur offensive en Ukraine en invoquant un combat mené contre le néo-nazisme – même s’ils n’ont présenté aucune preuve permettant de soutenir une telle allégation et même si le président ukrainien Volodymyr Zelensky est lui-même Juif.
« Tout cela nous amène à la conclusion suivante, celle que dans le contexte de la procédure qui est en cours devant la Cour internationale de Justice, Berlin a pris la décision de distinguer la question de la Shoah en la sortant de tous les autres aspects des crimes contre l’Humanité dont elle s’est rendue coupable dans l’Histoire. De plus, elle se refuse à les considérer de façon holistique. Berlin fait plutôt le choix d’adapter sa perspective en fonction de ce qui sera favorable à ses intérêts du moment », a affirmé Zakharova.
Le gouvernement allemand a rejeté les accusations lancées par l’Afrique du sud à l’encontre d’Israël – Pretoria accuse l’État juif de se livrer à un « génocide » à Gaza – devant la Cour internationale de Justice. L’Allemagne a mis en garde contre « une instrumentalisation politique » de cette accusation.
Dans une déclaration, le 12 janvier, le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, avait ainsi estimé qu’Israël « se défendait » après le massacre « inhumain » commis par le Hamas, le 7 octobre. Les hommes armés du groupe terroriste avaient semé la désolation dans les communautés du sud d’Israël, tuant 1200 personnes, des civils en majorité, et kidnappant 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.
Dans son intervention devant les magistrats de la Cour internationale de Justice, l’Allemagne fera valoir, en tant que partie tierce, qu’Israël n’a pas contrevenu à la Convention sur les génocides et que le pays n’a pas commis de génocide, pas plus qu’il n’a eu l’intention d’exterminer les Gazaouis.
Dans la mesure où l’Allemagne affirme ne pas être pénalement impactée par le dossier sud-africain, elle n’aura pas besoin d’obtenir la permission de la Cour internationale de Justice pour intervenir comme partie tierce.
Elle-même signataire de la Convention sur les génocides de 1948, l’Allemagne a le droit de présenter des arguments dans ce dossier ou de rejoindre toute poursuite intentée dans ce cadre. La Convention avait été établie dans le sillage de la Shoah et du meurtre massif des Juifs pendant cette période – et elle définit le génocide comme étant « l’ensemble des actes commis dans l’intention de détruire, totalement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Hebestreit avait établi que l’Allemagne « a l’intention d’intervenir en tant que tiers dans le cadre des principales audiences », laissant penser que Berlin se présentera dans le principal dossier soumis par l’Afrique du sud à la CIJ, un dossier où Pretoria affirme qu’Israël a contrevenu à la Convention sur les génocides – avec un jugement ultime qui pourrait n’être rendu que dans plusieurs années.
D’ailleurs, l’initiative prise par l’Allemagne ne semble pas avoir influencé l’audience qui a eu lieu au début du mois – l’Afrique du sud réclame une injonction par intérim de la Cour qui placerait Israël dans l’obligation de mettre en œuvre un cessez-le-feu à Gaza. Cette décision portant sur l’adoption d’éventuelles mesures conservatoires devrait être prise d’ici un mois.
« Au regard de l’Histoire allemande et des crimes contre l’Humanité qui ont été commis pendant la Shoah, le gouvernement allemand a un engagement particulier à l’égard de la Convention sur les génocides » des Nations unies, qui avait été signée en 1948, avait continué Hebestreit.
Les avocats d’Israël, à La Haye, ont dénoncé le fondement des accusations de génocide lancées par l’Afrique du sud, et ils ont tenté de mettre à mal l’affirmation faite par Pretoria que les autorités de l’État auraient des intentions génocidaires à l’encontre des Palestiniens de Gaza dans le contexte du conflit en cours contre le Hamas.
Les six représentants de l’État juif ont affirmé que la CIJ n’avait aucune compétence pour prendre en charge la requête déposée par l’Afrique du sud dans la mesure où elle concernait une problématique relative au droit humanitaire, et non une question en lien avec un éventuel génocide, et ils ont affirmé que les propos incendiaires « hasardeux » des politiciens israéliens ne reflétaient aucunement la politique déterminée par les instances de l’État décisionnaires dans la guerre contre le Hamas. Ils ont insisté sur le fait que le nombre élevé de victimes civiles à Gaza était le résultat de l’utilisation massive, par le groupe terroriste au pouvoir au sein de l’enclave côtière, des infrastructures civiles à des fins militaires, et qu’il n’était pas la conséquence d’une intention génocidaire.
Ils ont aussi beaucoup souligné les initiatives prises par Israël pour demander aux civils, dans la bande de Gaza, d’évacuer les zones d’opération de l’armée israélienne et pour apporter une assistance humanitaire aux Palestiniens, notamment en facilitant l’installation d’hôpitaux de campagne pour aider les Gazaouis et réduire les atteintes portées à leur encontre.
Jurant de détruire le groupe terroriste au lendemain de l’assaut du 7 octobre, Israël a lancé une campagne militaire à grande échelle à Gaza qui, selon le ministère de la Santé placé sous l’autorité du Hamas, aurait fait plus de 25 000 morts. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. L’armée israélienne affirme avoir tué plus de 9 000 membres du groupe terroriste à Gaza, en plus d’un millier terroristes à l’intérieur d’Israël le 7 octobre.
L’AFP, Jacob Magid et Jeremy Sharon ont contribué à cet article.