Lagerfeld a participé au financement d’une synagogue pour rescapés de la Shoah
Le directeur disparu de Chanel a aidé une petite communauté de la côte d'Azur en contribuant au financement
Si vous demandez au rabbin Shalom Betito qui est Karl Lagerfeld, il vous montrera probablement du doigt une plaque de marbre sur le mur de sa synagogue de la côte d’Azur.
Lagerfeld, qui est décédé le 19 février, était célèbre pour avoir relancé la marque Chanel et reconnu dans le monde entier pour son look si particulier : des lunettes de soleil noires, des mitaines et des chemises à col très haut. (D’après le magazine Glamour, il en aurait même 1 000).
Même après sa mort, le directeur créatif de Chanel, excentrique et parfois polémique, continue de faire les gros titres. Il aurait légué une partie importante de ses biens estimés à 173 millions d’euros à sa chatte Choupette, ce qui permettra à l’animal de faire mieux que de manger des terrines. Son style de vie luxueux comprenait l’aide de deux assistants personnels, des dîners au caviar et au pâté servis dans des assiettes de designer et des vols privés. Choupette a elle-même environ 300 000 abonnés sur Instagram.
Mais dans la petite communauté de Betito à Menton, une ville paisible de 28 000 habitants de la côte d’Azur, Lagerfeld a une excellente réputation car il a contribué au financement de la construction de la synagogue au début des années 1980.
S’exprimant auprès du Times of Israël cette semaine, Betito a déclaré que la synagogue avait débuté en 1964 par un petit groupe de survivants de la Shoah qui avaient découvert, par hasard, qu’ils étaient assez nombreux pour mettre en place une communauté.
« Cela a commencé avec une circoncision, a déclaré Betito. Ils ont fait venir un mohel de Nice, la grande ville la plus proche, et ils ont fait de la publicité de la cérémonie, en espérant que cela ferait venir des invités. Ils ont été complètement surpris quand 200 personnes sont venues ».
Betito, originaire de Lyon et responsable spirituel de la synagogue depuis huit ans, a déclaré qu’après la cérémonie, les Juifs locaux avaient voulu former une communauté. Ils ont commencé dans un espace temporaire, avant de décider de s’agrandir à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
A l’époque, Lagerfeld vivait dans l’hôtel particulier Vigie à Monaco, qui se trouve juste à côté. Quand il a été informé du projet par son ami le philanthrope juif Edmond Safra (connu pour avoir soutenu d’innombrables synagogues dans le monde, en finançant notamment la rénovation de la synagogue du Grand Chœur de Saint-Pétersbourg), Lagerfeld a souhaité faire une donation.
De manière surprenante, Largerfeld, habituellement très haut en couleur, a insisté pour que sa contribution reste anonyme.
Démentant de récentes informations que Lagerfeld avait financé le plus gros des rénovations de la petite résidence qui allait devenir la nouvelle synagogue, Betito a expliqué que la donation du créateur de mode n’était pas parmi les plus importantes – même si elle était loin d’être insignifiante.
« Je ne sais pas combien il a donné exactement, mais pour être sur la plaque, vous deviez donner au moins l’équivalent de 2 000 euros d’aujourd’hui, a déclaré Betito. Mais ce n’était pas seulement une question d’argent. La communauté a réellement bénéficié du soutien moral que Largerfeld nous a apporté ».
« Il savait que la communauté se composait en grande partie de survivants de la Shoah, alors il voulait aussi participer », a déclaré Betito.
Même s’il a demandé à rester anonyme, au final, le nom de Lagerfeld a été discrètement – et de façon incongrue – ajouté à la liste de la vingtaine de donateurs sur l’autre côté de la plaque.
Et alors qu’il est inhabituel de trouver le nom d’un non-Juif sur une liste des soutiens d’une synagogue, le cas de Lagerfeld est encore plus unique étant donné l’histoire de l’entreprise qu’il a dirigée et qui avait été fondée par Coco Chanel – antisémite notoire qui avait été la maîtresse d’un officier nazi et dont on a même pensé qu’elle avait été une espionne nazie.
Là encore, l’attitude de Lagerfeld envers des survivants de la Shoah semblait en contradiction avec les accusations dont il a fait l’objet pour son manque de sensibilité (ou son manque de tolérance) envers les femmes et les minorités.
Né à Hambourg en 1933, Lagerfeld a déclenché une polémique en 2017 quand il a critiqué la politique de la porte ouverte de la chancelière allemande Angela Merkel envers les migrants musulmans.
« On ne peut pas tuer des millions des Juifs et ensuite accueillir leurs pires ennemis, même s’il y a des décennies [entre les événements], » avait-il déclaré dans un talk-show français.
Peu importe les motivations de Lagerfeld, une chose reste sure : si Lagerfeld avait choisi de ne pas faire une donation à la communaté, il y aurait une bonne chance pour que cet argent soit parti en nourriture pour chat.