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L’Allemagne à bout de patience avec la Turquie

L'Allemagne s'insurge contre le maintien en détention d'un de ses ressortissants, Peter Steudtner, arrêté le 5 juillet à Istanbul

Angela Merkel, chancelière allemande, à gauche, et Recep Tayyip Erdogan, président turc, à Istanbul, le 18 octobre 2015. (Crédit : Tolgas Bozoglu/Pool/AFP)
Angela Merkel, chancelière allemande, à gauche, et Recep Tayyip Erdogan, président turc, à Istanbul, le 18 octobre 2015. (Crédit : Tolgas Bozoglu/Pool/AFP)

Les tensions entre Berlin et Ankara, qui s’accroissent de jour en jour, ont atteint un nouveau pic mercredi avec la convocation de l’ambassadeur de Turquie à la suite de l’incarcération d’un militant allemand des droits de l’homme.

« Il est apparu nécessaire que le gouvernement turc comprenne immédiatement et directement l’indignation et l’incompréhension du gouvernement allemand », a déclaré à la presse le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Martin Schäfer.

Objet du courroux de l’Allemagne : le maintien la veille en détention d’un de ses ressortissants, Peter Steudtner, arrêté le 5 juillet aux côtés d’autres militants des droits de l’homme, dont la directrice d’Amnesty International pour la Turquie, Idil Eser, pendant qu’il participait en tant qu’instructeur à un séminaire non loin d’Istanbul.

‘Absurdes’

Un tribunal turc l’a accusé d’avoir « commis un crime au nom d’une organisation terroriste », expression qui désigne le plus souvent pour les autorités turques les partisans du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté le putsch manqué du 15 juillet 2016, et les séparatistes kurdes du PKK.

Religieux turc et opposant au régime d'Erdogan, Fethullah Gülen dans sa résidence de Saylorsburg, en Pennsylvanie, le 18 juillet 2016. (Crédit : Thomas Urbain/AFP)
Religieux turc et opposant au régime d’Erdogan, Fethullah Gülen dans sa résidence de Saylorsburg, en Pennsylvanie, le 18 juillet 2016. (Crédit : Thomas Urbain/AFP)

Berlin a qualifié ces accusations d’ « absurdes ».

Le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, a prévenu la Turquie qu’elle ne pouvait espérer aucune avancée dans ses négociations d’adhésion à l’UE, actuellement au point mort. Dans le contexte actuel, des progrès « ne sont pas à l’ordre du jour », a-t-il dit.

Un ressortissant suédois, Ali Gharavi, fait également partie des personnes arrêtées. « Nous avons demandé à la Turquie de rapidement clarifier les fondements sur lesquels reposent les accusations portées contre lui », a déclaré la ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallstrom.

Signe de la volonté de Berlin de dramatiser le bras de fer, le chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel, a interrompu ses vacances pour participer jeudi une réunion « d’urgence » sur les « actions à entreprendre » face à la détérioration du respect des libertés publiques en Turquie.

Martin Schulz, challenger de Merkel aux législatives de septembre et membre du même parti social-démocrate que Gabriel, a estimé que l’Allemagne pourrait ainsi décider un durcissement des consignes de sécurité pour ses ressortissants qui se trouvent ou souhaitent se rendre en Turquie.

Inchangées depuis le 12 juillet, elles invitent les Allemands en Turquie à « ne pas exprimer en public de critiques du gouvernement ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 11 mars 2017. (Crédit : Ozan Kose/AFP)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan à Istanbul, le 11 mars 2017. (Crédit : Ozan Kose/AFP)

Au total, selon Berlin, neuf Allemands, dont quatre ayant également la nationalité turque, sont détenus en Turquie depuis le putsch avorté contre le président Recep Tayyip Erdogan.

Au premier rang desquels Deniz Yücel, un journaliste germano-turc, correspondant en Turquie du quotidien allemand Die Welt, à l’isolement depuis près de cinq mois sans avoir été mis en accusation.

L’Allemagne et la Turquie, pays historiquement proches en raison notamment de la présence sur le territoire allemand de la plus grande diaspora turque au monde – trois millions de personnes -, sont peu ou prou depuis plus d’un an dans un état de contentieux diplomatique permanent.

Une situation symptomatique, plus largement, de l’état des relations entre Ankara et l’Union européenne.

Visites interdites

Ce fut d’abord l’an dernier une émission satirique anti-Erdogan à la télévision allemande qui provoqua l’ire du président turc. Puis le vote d’une motion par les députés allemands condamnant le « génocide » arménien et les dénonciations en Allemagne des purges déclenchées après le coup d’Etat avorté.

Ces dernières ont poussé Berlin à interdire à plusieurs responsables turcs de faire campagne en Allemagne pour la récente révision constitutionnelle qui a renforcé les pouvoirs d’Erdogan. En retour, celui-ci a accusé Allemagne et UE de pratiques dignes du « nazisme ».

Ankara a ensuite interdit aux députés allemands de visiter la base militaire turque d’Incirlik, où des soldats allemands participent à la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique.

L’Allemagne, pour laquelle ces visites sont obligatoires car son armée est étroitement contrôlée par le Parlement, a transféré ses militaires en Jordanie. Vendredi, la Turquie a de nouveau interdit une visite similaire sur une base de l’Otan sur son territoire.

Dernier levier dont elle dispose : la remise en cause du pacte scellé avec l’Europe pour bloquer chez elle – contre de l’argent – les migrants du Moyen-Orient qui souhaitent se rendre en Europe.

La Turquie a plusieurs fois menacé de rouvrir les vannes, sans passer à l’action jusqu’ici.

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