L’Allemagne commémore la Shoah
Une exposition photo à Essen sur les survivants de la Shoah a été inaugurée par Angela Merkel avant de partir en tournée mondiale
Déporté au camp de concentration nazi de Buchenwald en Allemagne pendant son enfance, Naftali Fürst a dû « se pincer » pour réaliser ce qui lui arrivait.
Cet Israélien de 87 ans a été transporté mardi à bord d’un avion de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, pour venir inaugurer une exposition photo sur les survivants de la Shoah en Allemagne, à l’occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination nazi d’Auschwitz.
« Je ne sais pas si je rêve ou si c’est réel… parce qu’il y a 75 ans, j’étais censé être dans un autre monde », disait Fürst dans une vidéo tournée dans l’avion et publiée sur Twitter par le ministère allemand de la Défense.
« Qu’on me fasse cet honneur 75 ans après, c’est une expérience incroyable », témoigne-t-il.
C’est dans un avion affrété spécialement pour lui qu’il est parti de Tel Aviv assister à l’ouverture de l’exposition à Essen, inaugurée aussi par la chancelière allemande, Angela Merkel, au Musée de la Ruhr d’Essen, dans l’ouest du pays, et qui se tient jusqu’au 26 avril.
Es wird ein langer Tag für ihn… Naftali Fürst auf dem Weg von Haifa nach Essen zu „Survivors. Faces of Life after the Holocaust“ der @RagStiftung und @YadVashemDE in Essen. Der 88-Jährige überlebte mehrere KZ, auch Auschwitz. In Essen trifft er am Mittag Kanzlerin #Merkel. pic.twitter.com/NN3QE8seKY
— Christoph Strack (@Strack_C) January 21, 2020
Pour ce voyage, il a été accompagné de sa fille et de deux de ses petits-enfants.
Fürst fait partie des 75 rescapés de la Shoah photographiés pour cette exposition baptisée « Survivors – Faces of a Life after the Holocaust », en français « Survivants – Les visages de la vie après l’Holocauste ».
La Fondation allemande pour l’art et la culture de Bonn a organisé l’événement en partenariat avec l’Institut international pour la mémoire de la Shoah Yad Vashem, à Jérusalem.
Il s’agit d’une « œuvre vraiment impressionnante », a réagi la chancelière allemande.
Soixante-quinze grands portraits de survivants de la Shoah, accompagnés de leur histoire, sont accrochés sur les murs du musée. Aujourd’hui, tous vivent en Israël.
« Chaque portrait est un rappel pour chacun d’entre nous de faire preuve de plus d’humanité, de ne pas rester silencieux ou de ne pas détourner les yeux quand la dignité de quelqu’un est attaquée », a poursuivi la chancelière.
L’été dernier, le photographe Martin Schoeller a rencontré chacun des survivants pour réaliser leurs portraits. Pour lui, il s’agit « du projet le plus émouvant de ma vie ».
D’origine allemande, Martin Schoeller, 51 ans, s’est installé à New York dans les années 1990, où il s’est fait connaître pour ses nombreux portraits. Il a notamment collaboré avec plusieurs journaux et magazines, parmi lesquels The New Yorker et National Geographic.
Parmi ses modèles figurent entre autres Angela Merkel et l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama, mais aussi des stars comme la chanteuse américaine de pop Taylor Swift.
L’exposition entamera après Essen un tour du monde qui l’emmènera à Maastricht aux Pays-Bas, jusqu’à Toronto au Canada.
Les 75 portraits ont aussi été rassemblés et publiés dans un livre, que la maison d’édition Steidl décrit comme « une tentative pour préserver l’incompréhensible pour les générations à venir ».
D’autres commémorations seront organisées cette semaine dans le monde pour l’anniversaire de la libération d’Auschwitz. Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, doit se rendre en Pologne, dans l’ancien camp de concentration, après sa participation prévue jeudi au cinquième Forum mondial sur la Shoah organisé à Jérusalem.
Plus de 40 chefs d’Etat sont attendus à cet événement, parmi lesquels le président français Emmanuel Macron, et son homologue russe, Vladimir Poutine.
Cet anniversaire survient à un moment délicat pour l’Allemagne avec une recrudescence des actes antisémites, et une tentative d’attentat contre une synagogue l’an dernier qui a fait deux morts ce jour-là. Le ministère de l’Intérieur en a recensé 1 799 en 2018, le nombre le plus élevé en dix ans.
À Essen, Angela Merkel a rappelé que la lutte contre l’antisémitisme restait une priorité de son gouvernement. « L’antisémitisme n’est pas seulement une attaque contre quelques citoyens, mais contre l’ensemble des valeurs que porte notre société », a-t-elle dit.