L’Arabie Saoudite ne vendra pas de pétrole à Israël
Plusieurs médias israéliens et arabes avaient cité le ministre de pétrole de Riyad évoquant des soi-disants exports vers "l’Etat juif". Les informations étaient un canular
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
L’Arabie Saoudite n’a pas du tout envie de commencer à vendre du pétrole à Israël, malgré les diverses informations qui ont circulé dans les médias israéliens et arabes cette semaine.
Citant une agence de presse koweitienne, plusieurs agences de presse ont annoncé que le ministre du pétrole de Riyad Ali Bin Ibrahim al-Naimi a soulevé la possibilité d’exporter vers Israël lors d’une conférence de l’Organisation de Pays exportateurs de Pétrole (OPEP) la semaine dernière à Vienne.
« Nous n’avons pas d’animosité contre aucune nation et nos dirigeants font la promotion de la paix, de la tolérance religieuse et de la co-existence », plusieurs journaux ont cité al-Naimi. « Sa Majesté le Roi Abdullah a toujours été un modèle pour de bonnes relations entre l’Arabie Saudite et d’autres états, et l’Etat juif ne fait pas exception ».
Cette déclaration a été citée dans de nombreux organes de presse israéliens, y compris The Marker, Israël Hayom, The Jewish press et i24News.
De nombreux sites arabes ont également repris la déclaration, citant les informations israéliennes qui mentionnaient KUNA.
Les informations sont très probablement basées sur un canular. Une recherche minutieuse en ligne n’a permis de trouver aucune histoire sur le site de KUNA, l’agence de presse koweitienne.
Il semble que toutes ces fausses informations sont basées sur un article d’un site internet obscur, qui semble fabriquer régulièrement des informations sur Israël et le monde musulman.
Une information sur AWD News, qui était certainement à l’origine du canular actuel, annonçait qu’al-Naimi, le ministre saudien de Pétrole, « a déclaré aux journalistes que son pays cherche à gagner de l’argent dans le marché lucratif du pétrole et même si Israël a l’intention d’acheter du pétrole, Riyad fournira à l’Etat juif des réserves abondantes, a annoncé l’agence de presse KUNA ».
L’article continue en citant ostensiblement al-Naimi déclarant, qu’au nom du roi d’Arabie Saudite, Riyad « favorisait toujours des bonnes relations mutuelles entre le Royaume d’Arabie Saudite et tous les pays, et la nation juive ne fait pas exception ».
Le docteur Joseph Mann, expert sur l’Arabie Saudite et l’industrie du pétrole au Moyen Orient, a déclaré qu’il était surpris lorsqu’il a lu un article au sujet de la soi-disante volonté d’al-Naimi de faire des affaires avec Israël dans la presse cette semaine.
« Cela a l’air bizarre. Il aurait eu l’autorisation du roi avant de déclarer une telle chose. Il est assez intelligent pour savoir qu’il ne faut pas dire une chose comme cela », a-t-il déclaré au Times of Israel jeudi.
La conférence de l’OPEP de la semaine dernière à Vienne, au cours de laquelle on supposait qu’al-Naimi avait fait le commentaire sur « l’Etat juif », était une des plus importantes réunions pour l’industrie du pétrole sur une décennie, explique Mann. « Il est improbable qu’il ait eu le temps de discuter du commerce avec Israël ».
En outre, les articles ont cité al-Naimi comme ayant fait ce commentaire le dimanche 30 novembre en marge de la conférence de l’OPEC. Mais l’événement, qui a reçu une large couverture de la presse internationale, s’était achevé trois jours plus tôt.
Le ministère des Affaires étrangères a refusé de commenter, mais un officiel israélien a laissé entendre que l’article était probablement un faux.
Le soi-diant emploi par un ministre saudien des termes « Etat juif » et « nation juive » pour décrire Israël correspondait à un autre élément mettant en cause la crédibilité de l’article.
L’agence AWD News basée à Dubaï publie régulièrement des articles qui dépassent le cadre de la vraisemblance, y compris des théories du complot excentriques et des nouvelles qui ont parfois peu en commun avec la réalité.
Si l’histoire est un canular, cela ne serait pas la première fois que le site, dont l’acronyme signifie une Autre Aube Occidentale, ait réussi à manipuler les médias sur une histoire concernant les relations entre Israël et l’Arabie Saudite.
Le 21 août, lors de la campagne militaire d’israël contre le Hamas basé à Gaza et d’autres groupes terroristes, AWD a publié un article citant le ministre de Affaires étrangères saoudien, le Prince Saud al-Faisal déclarant que les États arabes devraient repenser leur hostilité à l’égard d’Israël.
« Tous les Arabes doivent apprendre qu’une résistance futile et sans fin contre l’armée israélienne surpuissante n’apportera que le chaos, la destruction et la perte de vies humaines pour eux-mêmes… le Hamas et le Jihad islamique sont responsables de la catastrophe infligée à Gaza. Je crois donc qu’il nous fait réfléchir à l’utilité de l’animosité envers le gouvernement démocratique israélien », l’a-t-on cité.
Alors qu’ils étaient totalement faux, les commentaires d’al-Faisal ont été largement repris dans la presse israélienne comme un fait. Même le ministre des Finances d’alors Yair Lapid a cru à l’article. Lors d’un discours en septembre, il a cité la soi-disante déclaration du ministre saoudien comme un fait.
Le 6 septembre, AWD News a publié un entretien avec le Prince Saudien Salman bin Abdulaziz Al Saud, l’actuel ministre de la Défense du pays et assistant du Premier ministre, dans lequel on lui prêtait également des déclarations improbables.
Le prince était tout d’abord cité faisant « ses condoléances à toutes les victimes de la guerre, Palestiniens et Israéliens ». Il s’en prenait ensuite ostensiblement au dirigeant du Hamas Khaled Mashaal pour son style de vie luxueux au Qatar, et se plaignait qu’Israël n’avait pas fini son travail à Gaza.
« Il y a un an, nous avons pu renverser les Frères musulmans en Egypte avec l’aide des patriotes égyptiens et nous espérions qu’Israël libérerait les Gazaouis du contrôle du Hamas et de son sombre règne, mais à cause de fortes pressions exercées par des soi-disantes organisations humanitaires, les objectifs de l’armée n’ont pas été remplis », le citait-on.
Cet article était évidemment aussi faux.
Tout cela étant dit, l’Arabie Saoudite était pourtant moins virulente dans sa condamnation d’Israël sur l’opération Bordure protectrice de cet été que lors de tels conflits par le passé.
Jérusalem et Riyad ont de nombreux intérêts en commun et il est largement reconnu que les deux pays coopèrent dans un grand nombre de questions, y compris l’échange de renseignements, mais pas dans le pétrole.
« Les Saoudiens sont pragmatiques, au cours de récentes années, ils ont compris que de meilleurs liens avec Israël peut être un avantage pour eux », a déclaré Mann, un expert de l’Université Bar-Ilan, au Times of Israel.
Avec l’Iran, les Frères musulmans, le Hezbollah et l’Etat islamique, les deux pays ont plusieurs ennemis en commun. « Pourtant, ils ne reconnaîtront jamais aucun lien avec Israël publiquement afin de ne pas mettre en danger la stabilité de leur propre régime ».