L’Australie transférerait sa mission à Jérusalem? Netanyahu exulte, l’AP fulmine
Le Premier ministre Scott Morrison a déclaré être ouvert à cette option, se dit favorable à la solution à deux États mais que "peu de progrès ont été faits"
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a félicité son homologue australien, qui envisage de transférer la mission diplomatique de son pays à Jérusalem, emboîtant le pas au président américain Donald Trump. Les Palestiniens ont fustigé une démarche « très troublante ».
Scott Morrison « m’a annoncé qu’il envisage officiellement de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et de transférer l’ambassade australienne à Jérusalem, et je lui en suis très reconnaissant », a écrit Netanyahu sur Twitter lundi soir.
« Nous continuerons à renforcer les relations entre Israël et l’Australie », a-t-il ajouté.
La délégation de l’Autorité palestinienne en Australie a fustigé cette annonce, selon The Guardian, qu’elle a qualifiée de « profondément dérangeante » et a ajouté que cela renforcerait les tentatives de Trump de relancer les négociations de paix de manière a retirer la question de Jérusalem et des réfugiés « de la table » des négociations.
« Le gain politique à court terme qui pourrait être garanti par le transfert de l’ambassade australienne de Tel Aviv à Jérusalem serait contrebalancé par le détriment que cela causera à la position internationale de l’Australie et à ses relations avec les pays arabes et à majorité musulmane et sur la scène internationale en général », a déclaré la délégation.
Dans un communiqué, elle a exhorté Canberra à « faire preuve de précaution et de prudence envers cette question délicate de statut final et d’examiner sérieusement les conséquences d’un tel transfert ».
Le plus haut diplomate palestinien en Australie, Izzat Salah Abudulhadi, aurait rencontré des représentants de 12 pays du Moyen Orient pour discuter de cette annonce.
Mardi, quelques heures après que les médias ont commencé à relayer cette éventualité, Morrison a organisé une conférence de presse pour dire qu’il était « ouvert » aux propositions pour reconnaître officiellement Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y déplacer son ambassade, rompant avec des années de politique étrangère australienne.
« Nous sommes engagés envers la solution à deux Etats, mais en toute honnêteté, cela ne se passe pas bien, peu de progrès ont été faits, et il ne faut pas continuer à faire la même chose et s’attendre à des résultats différents », a déclaré Morrison.
Il a décrit les propositions de reconnaissance de Jérusalem et de transfert d’ambassade australienne comme « délicates » et « convaincantes » et a déclaré qu’elles seraient étudiées par le gouvernement.
Une telle rupture dans la politique étrangère australienne permettrait au gouvernement conservateur de Morrison de s’aligner aux politiques américaine et israélienne, mais il risque également de s’attirer une condamnation générale de la part du monde arabe et musulman. L’ancien envoyé de Canberra en Israël, favorable à la reconnaissance et au transfert, se présente au poste de député crucial pour une circonscription à forte concentration de population juive de Sydney et traîne dans les sondages.
Si cette élection est perdue, Morrisson perdrait d’un siège sa majorité au Parlement.
« Scott Morrison s’accroche tellement désespérément à son poste qu’il est préparé à tout dire [s’il pense que cela lui permettra] de gagner quelques suffrages de plus – même au prix des intérêts nationaux de l’Australie », a déclaré Penny Wong, porte-parole du département des Affaires étrangères du parti travailliste d’opposition.
Morrison est entré en poste en août après qu’une révolte par les conservateurs du parti libéral a écarté son prédécesseur Malcolm Turnbull.
Le gouvernement Turnbull s’était explicitement tenu à distance de telles décisions, jugées « inutiles » au processus de paix.
Morrison a rejeté les allégations qui l’accusent d’emboîter le pas à Trump à cause d’une pression américaine ou de la période électorale du district de Wentworth samedi.
« J’ai pris cette décision sans rapport avec les Etats-Unis », a-t-il dit. Ce sujet « n’a été abordé dans aucune discussion que j’ai pu avoir avec le président ni avec des responsables ».
Morrison a déclaré lundi au site The Australian que la reconnaissance de Jérusalem avait déjà été discutée par des membres du cabinet, notamment par l’ancienne Premier ministre Julie Bishop, notamment après la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Trump en décembre dernier.
Morrisson a également déclaré que l’Australie voterait contre une résolution à l’ONU qui confirmerait la présidence d’un « État de Palestine » au Groupe des 77.
« Nous ne pensons pas que conférer ce statut, et particulièrement dans le contexte actuel, permettra d’avancer vers une solution à deux états », a-t-il dit aux journalistes.
Selon The Australian, la reconnaissance de Jérusalem permettrait de renforcer les relations avec Israël en matière de défense, notamment au sujet d’un accord de nomination d’attachés militaires dans les ambassades respectives, pour la première fois.
Morrison a déclaré lundi que Dave Sharma, l’ancien ambassadeur en Israël, l’avait convaincu d’étudier cette rupture politique, qualifiant la reconnaissance de Jérusalem comme « une façon pratique et pointue de progresser que j’ai trouvée convaincante ».
« Alors que des suggestions délicates, dans la lignée du positionnement politique, dans ce cas, la solution à deux États, l’Australie doit être ouverte d’esprit. Je suis ouvert et notre gouvernement est ouvert », a déclaré Morrison aux journalistes.
Sharma se présente comme candidat libéral au Parlement pour le district de Wentworth, dans le New South Wales.
Plus tôt dans la journée de lundi, Sharma a argumenté en faveur de la reconnaissance de Jérusalem durant une réunion de campagne à Bondi.
Il a confié à The Australian que « tout le monde » accepte que Jérusalem Ouest restera sous souveraineté israélienne quel que soit l’accord conclu, mais que ce problème doit être étudié « dans le contexte de notre soutien à la solution à deux États, et si une telle démarche permettrait de faire progresser une solution à deux États souverains ».
Tamar Pileggi a contribué à cet article.