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Le combat devant la justice pour faire reconnaître un génocide rohingya

Quelque 740 000 Rohingyas avaient fui la Birmanie, pays majoritairement bouddhiste, en août 2017, après une opération de répression de l'armée

Le Palais de la paix de La Haye, siège de la Cour internationale de justice. (Crédit : Domaine public/Wikipedia)
Le Palais de la paix de La Haye, siège de la Cour internationale de justice. (Crédit : Domaine public/Wikipedia)

La Birmanie est mise en cause devant plusieurs juridictions à travers le monde pour l’exode en 2017 de sa minorité musulmane rohingya, que certains voudraient voir considérer comme un génocide.

Saisie par la Gambie, pays musulman de l’Afrique de l’Ouest, la Cour internationale de Justice (CIJ) à La Haye tiendra sa première audience sur la Birmanie du 10 au 12 décembre, tandis que des défenseurs des droits humains ont déposé plainte le mois dernier devant un tribunal en Argentine.

De son côté, la Cour pénale internationale (CPI) a autorisé en novembre une enquête sur les événements qui ont conduit en 2017 quelque 740 000 Rohingyas à trouver refuge au Bangladesh.

Des enquêteurs de la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie, créée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en mars 2017, avaient demandé en septembre 2018 que six hauts responsables de l’armée birmane soient poursuivis pour « génocide ».

Quelque 740 000 Rohingyas avaient fui la Birmanie, pays majoritairement bouddhiste, en août 2017, après une opération de répression de l’armée en représailles d’attaques de postes-frontières par des rebelles rohingyas.

Voici quelques-uns de ces recours en justice :

Organe judiciaire principal des Nations unies, la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, a été créée après la Seconde Guerre mondiale pour régler les différents entre Etats membres.

Elle traite généralement de questions de droit international telles que les différends frontaliers, mais peut également statuer sur des violations des conventions de l’ONU.

La Gambie, un petit État à majorité musulmane, a porté plainte au nom des 57 pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), accusant la Birmanie de violer la Convention de 1948 sur le génocide.

Le ministre gambien de la Justice, Abubacarr Tambadou, a été en poste au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) chargé de juger des individus responsables d’actes de génocide perpétrés contre les tutsis en 1994.

Les premières audiences devant la CIJ auront lieu de mardi à jeudi. La Cour devrait ordonner des mesures provisoires pour prévenir tout nouveau génocide ou destruction d’éléments de preuve.

La conseillère d’État Aung San Suu Kyi, chef du gouvernement du Myanmar, prend la parole lors d’un sommet économique à Singapour, le 12 novembre 2018. L’ancienne prisonnière politique et lauréate du prix Nobel de la paix a été critiquée pour le traitement que son gouvernement a réservé à sa population musulmane rohingya. (Ore Huiyying/Getty Images/ via JTA)

Créant la surprise, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix pour avoir mené l’opposition non violente à la dictature militaire et devenue cheffe de facto du gouvernement birman, a annoncé qu’elle mènerait une délégation à La Haye pour « défendre l’intérêt national » de la Birmanie.

L’affaire prendra probablement des années.

La Cour pourrait demander à la Birmanie d’offrir des réparations aux Rohingyas, mais cette décision serait surtout symbolique et difficile à appliquer.

La Cour pénale internationale (CPI), également à La Haye, enquête sur les crimes de guerre en se concentrant sur la responsabilité d’individus et non pas celle des États.

Des réfugiés rohingyas attendent après avoir traversé le fleuve Naf du Myanmar au Bangladesh à Whaikhyang, le 9 octobre 2017. (AFP PHOTO / FRED DUFOUR)

Même si la Birmanie n’a pas adhéré à la CPI, la cour a ouvert en septembre 2018 une enquête préliminaire au motif que le Bangladesh, où se sont réfugiés les Rohingyas, est membre.

Le 14 novembre, les juges de la CPI ont donné leur aval pour mener une enquête approfondie sur des allégations de crimes contre l’humanité commis pendant les opérations de l’armée birmane.

Cela pourrait à terme donner lieu à des mandats d’arrêt contre des généraux birmans.

Mais ce processus sera long et implique la coopération du Bangladesh et de la Birmanie pour livrer les suspects.

La CPI pourrait également constituer un tribunal ad hoc, comme ceux créés pour juger les crimes commis au Rwanda, Yougoslavie, Liban et Cambodge.

Une plainte a été déposée par des groupes de défense des droits de l’Homme le 13 novembre en Argentine concernant des crimes contre les Rohingyas en Birmanie, en invoquant le principe de « compétence universelle ». Cette plainte vise des responsables militaires mais aussi Aung San Suu Kyi.

En vertu de ce principe juridique de compétence universelle, certains crimes sont si horribles qu’ils ne sont pas spécifiques à une nation et peuvent être traduits en justice n’importe où.

Des dizaines d’affaires de ce type sont en cours à travers le monde, beaucoup concernant des atrocités présumées en Syrie avec plusieurs criminels de guerre présumés déjà inculpés et arrêtés.

Des femmes rohingyas pleurent et crient des slogans lors d’un rassemblement de protestation pour commémorer le premier anniversaire de la répression de l’armée du Myanmar contre les musulmans rohingyas, camp de réfugiés de Kutupalong au Bangladesh, samedi 25 août 2018. (AP Photo/Altaf Qadri)

La Birmanie réfute les accusations de nettoyage ethnique ou de génocide.

Des partis de tous les horizons politiques, de nombreux groupes ethniques et de vastes couches de la population se rassemblent derrière Aung Sang Suu Kyi, qui va se rendre devant la CIJ.

Le pays considère que ses propres commissions d’enquête sont suffisantes pour enquêter sur les allégations. Il ne reconnaît pas l’autorité de la CPI et considère que l’enquête « n’est pas conforme au droit international ».

La minorité des Rohingyas suscite peu de sympathie à l’intérieur de la Birmanie, de nombreuses personnes pensant, comme l’affirment les autorités, que la campagne militaire de 2017 était nécessaire contre les rebelles rohingyas.

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