Le groupe anti-gouvernement Shomrim Al Habayit cherche à « apaiser les tensions »
L'organisateur d'une manifestation prévue samedi à Jérusalem explique que son groupe cherche à éviter les sujets de discorde, comme l'occupation, afin d'obtenir l'adhésion de tous
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
L’apparition d’un drapeau palestinien lors d’une manifestation de samedi soir contre les plans du gouvernement visant à réduire considérablement le pouvoir et l’indépendance du système judiciaire a suscité un vif débat, soulevant des questions sur l’objet exact des protestations et sur les personnes impliquées.
C’était particulièrement vrai pour ceux qui se situent au centre et à droite de l’échiquier politique israélien et qui s’opposent aux propositions de la coalition visant à réduire les pouvoirs des tribunaux, mais qui n’ont pas nécessairement les mêmes opinions que ceux qui se positionnent à gauche concernant la politique à l’égard des Palestiniens et les questions de religion et d’État.
Un nouveau groupe de protestation – Shomrim Al Habayit, que l’on peut traduire littéralement par « Protégeons notre foyer » – cherche à se concentrer uniquement sur les réformes juridiques proposées, qui sont considérées comme source de division même par certains partisans du gouvernement. Il estime que l’introduction d’autres questions brouillera le message et aliénera des partisans potentiels.
« Nous nous concentrons sur les réformes juridiques afin de créer un consensus et d’obtenir l’adhésion d’un maximum de communautés », a déclaré l’un des organisateurs du groupe, sous couvert d’anonymat. « Même au sein de la droite plus idéologique, il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec les plans [du gouvernement] ».
La semaine dernière, le ministre de la Justice, Yariv Levin, a annoncé un ensemble de réformes juridiques controversées qui limiteraient radicalement l’autorité de la Haute Cour de justice pour invalider les lois et les décisions gouvernementales jugées discriminatoires et/ou antidémocratiques, donneraient au gouvernement un contrôle total sur la sélection des juges, élimineraient les conseillers juridiques du ministère nommés par le procureur général et rendraient les recommandations de ces conseillers juridiques non contraignantes.
Si certains groupes de la société israélienne – en particulier les ultra-orthodoxes et le camp nationaliste-religieux – soutiennent fermement ces réformes, la question est loin de faire consensus à droite. Un sondage réalisé en novembre par l’Institut israélien pour la démocratie, par exemple, a révélé que si 49 % des personnes identifiées comme étant de droite s’opposaient à ce que la Haute Cour ait le pouvoir d’annuler des lois, 41 % y étaient favorables.
Afin de laisser la place à des Israéliens plus conservateurs, le groupe cherche à éviter que des questions sans rapport avec le sujet soient abordées dans ses manifestations et ses messages, notamment en demandant aux manifestants de ne pas arborer de drapeaux palestiniens.
« Il est évident que nous n’avons pas un contrôle total sur ce sujet. Mais nous demandons aux gens de ne pas apporter de drapeaux [palestiniens]. Ce n’est pas par opposition idéologique. C’est juste pour permettre à d’autres groupes de se joindre à la manifestation contre les réformes judiciaires », a déclaré l’organisateur.
Alors que les grands mouvements de protestation sont basés à Tel Aviv – où des dizaines de milliers de personnes étaient attendues samedi soir – Shomrim Al Habayit opère principalement à Jérusalem. Il a prévu sa première grande manifestation samedi soir devant la résidence du président.
« Nous nous tiendrons devant la résidence du président et lui demanderons, ainsi qu’à l’ensemble de la population, d’arrêter cette spirale que le gouvernement est en train de provoquer », a déclaré l’organisateur.
Il a ajouté que Shomrim Al Habayit compte des centaines de personnes dans ses groupes de réseaux sociaux et s’attend à en avoir plus de 1 500 d’ici le week-end.
Shomrim Al Habayit n’est pas le seul à demander aux manifestants de laisser la question palestinienne en dehors des manifestations. Mardi, le chef du parti musulman Raam, Mansour Abbas, a déclaré à la station de radio de langue arabe Ashams que le mouvement de protestation antigouvernemental représente des intérêts généraux partagés par une partie considérable de la population et que, par conséquent, l’affichage du drapeau palestinien n’était pas approprié.
L’organisateur a déclaré que l’action de son groupe auprès des centristes et des gens à droite n’était pas seulement une mesure tactique, mais aussi une tentative de modérer les manifestations et le discours public et de prévenir l’extrémisme.
« Peut-être que nous pouvons diminuer l’agressivité », a-t-il déclaré, avant de reconnaître rapidement que « c’est très optimiste. Nous n’avons pas beaucoup de chances. »