Le judiciaire vs. l’exécutif : Les branches du pouvoir s’affrontent comme jamais
La Haute cour examinera mardi la loi du "caractère raisonnable" de la coalition, sa première mesure limitant le pouvoir judiciaire
Cette semaine, après huit mois de bouleversements politiques et sociétaux, le gouvernement et le pouvoir judiciaire s’affronteront devant la Haute cour de justice, lorsque les recours déposés contre le premier texte législatif de la coalition limitant le pouvoir du pouvoir judiciaire seront entendus mardi.
La Haute cour exercera ce qu’elle déclare être son droit de contrôler un amendement adopté à l’une des Lois fondamentales quasi-constitutionnelles d’Israël et entendra des recours déposés affirmant que la loi du « caractère raisonnable » adoptée en juillet affaiblit les garde-fous de la démocratie israélienne à un point tel qu’elle porte atteinte au caractère démocratique du pays.
Bien que la Haute cour ait déjà entendu des recours déposés contre des Lois fondamentales, elle n’a jamais été saisie d’une affaire contre une loi spécifiquement conçue pour limiter ses propres pouvoirs – et, plus généralement, ceux du pouvoir judiciaire – et jamais au cœur d’une telle agitation politique interne sur l’équilibre des pouvoirs entre les branches du pouvoir.
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En raison de la nature extrêmement sensible de l’affaire et de l’impact explosif que pourrait avoir la décision de la Cour, 15 juges de la Haute cour examineront les recours déposés.
Un arrêt ne sera toutefois pas rendu mardi et pourrait même ne pas l’être avant que la présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, ne prenne sa retraite le 16 octobre.
La loi du « caractère raisonnable » – la première, et la seule, mesure du paquet de réformes radicales de la coalition visant à remanier en profondeur le système judiciaire a avoir été adoptée jusqu’à présent – est un amendement à la Loi fondamentale : Le pouvoir judiciaire. Elle interdit à tous les tribunaux, y compris la Cour suprême, de délibérer et de se prononcer contre les décisions gouvernementales et ministérielles sur la base de la norme juridique de la « raisonnabilité ».
Cette norme permet à la Cour d’invalider les décisions du gouvernement si elle estime que toutes les considérations pertinentes n’ont pas été prises en compte, que ces mêmes considérations n’ont pas été suffisamment réfléchies ou que d’autres éléments non-pertinents ont été pris en compte alors qu’ils n’auraient pas du l’être.
Le gouvernement a fait valoir que la loi était nécessaire pour mettre un frein à un pouvoir judiciaire trop activiste qui utilisait le critère juridique du « caractère raisonnable » pour intervenir trop souvent dans des décisions politiques sur lesquelles elle ne devrait pas avoir autorité.
Dans son recours déposé auprès de la Haute cour, la coalition a affirmé sans ambages que la Haute cour n’avait pas le droit d’examiner les Lois fondamentales et leurs amendements, puisqu’ils font partie de la proto-constitution d’Israël qui, selon le gouvernement, devrait donc être exclue du pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour.
Les recours déposés contre la loi soutiennent cependant que la norme juridique de la « raisonnabilité » fournit une protection cruciale contre l’action arbitraire du gouvernement à l’encontre des individus, qu’elle constitue un obstacle à la révocation des principaux responsables de l’application de la loi à des fins politiques et qu’elle empêche les gouvernements « temporaires » d’abuser de leur contrôle des ressources publiques pendant les périodes électorales.
Ils affirment que la loi « caractère raisonnable » est un exemple d’amendement constitutionnel inconstitutionnel, c’est-à-dire un amendement à la constitution qui viole des aspects antérieurs de cette dernière, en particulier le caractère démocratique d’Israël, et qui doit donc être invalidé.
Les lignes de combat sont désormais tracées.
Le président de la Knesset, Amir Ohana (Likud), et plusieurs ministres ont indiqué que le gouvernement ne se conformerait pas une éventuelle décision de la Haute cour concernant la loi du « caractère raisonnable », ou ont refusé de dire qu’ils le feraient.
De l’autre côté du fossé, les partis d’opposition et les organisations du mouvement de protestation ont insisté sur le fait que le gouvernement est légalement lié par la décision de la Haute cour, et que tout refus de se conformer à ses arrêts plongerait le pays dans un chaos juridique et constitutionnel.
Trois ministres, dont le ministre de la Défense Yoav Gallant (Likud), ont rappelé dimanche que le gouvernement devra se conformer à toute décision éventuelle.
Si la Cour décidait d’intervenir en rendant une décision contre l’amendement adopté à l’une des Lois fondamentales quasi-constitutionnelles, cela conduirait très probablement à une crise constitutionnelle dans laquelle les institutions et les fonctionnaires de l’État ne sauraient pas clairement quelle branche du pouvoir israélien ils devraient écouter – l’exécutif et le législatif, ou le judiciaire ?
Il est impossible de prédire l’issue d’un tel vide juridique, mais il s’agirait certainement de la crise non-militaire la plus grave que le pays ait jamais connue.
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