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La coalition n’acceptera pas l’invalidation de Lois fondamentales, avertit Ohana

Avant des audiences de la Haute-cour sur des textes controversés, le président de la Knesset a estimé que les juges n'avaient pas le droit "de décider à la place des élus"

Le président de la Knesset Amir Ohana lors d'une conférence de presse à la Knesset, le 6 septembre 2021. (Crédit : (Yonatan Sindel/Flash90)
Le président de la Knesset Amir Ohana lors d'une conférence de presse à la Knesset, le 6 septembre 2021. (Crédit : (Yonatan Sindel/Flash90)

Le président de la Knesset, Amir Ohana, a laissé entendre que la coalition pourrait ne pas accepter un jugement de la Haute cour de la justice qui viendrait invalider la loi portant sur la notion juridique de « raisonnabilité » – les juges se pencheront sur ce texte la semaine prochaine – en avertissant qu’un tel verdict pourrait « nous faire plonger dans l’abîme » et que la Knesset « n’acceptera pas docilement de se faire piétiner ».

Ohana a tenu ces propos pendant une conférence de presse organisée à la Knesset avant l’audience qui, le 12 septembre, examinera les requêtes qui ont été déposées contre cette législation qui entre dans le cadre du plan de refonte radicale du système de la justice israélien, très controversé. Cette loi interdit aux juges d’intervenir dans les décisions prises par le gouvernement et les ministres sur la base de leur « caractère raisonnable ». Une audience ultérieure se consacrera aux requêtes qui ont été soumises concernant une législation qui protège un Premier ministre en exercice face à une possible récusation.

Ces deux textes ont été présentés sous la forme d’amendements aux Lois fondamentales, qui sont quasi-constitutionnelles dans le pays – des Lois fondamentales que la Haute-cour n’a jamais invalidées jusqu’à présent. Le processus de législation, concernant les Lois fondamentales, n’est pas différent de celui des autres lois au Parlement, et aucune majorité particulière n’est nécessaire pour les adopter.

« Israël est à la croisée des chemins et la nécessité de recréer l’équilibre entre les différentes branches du gouvernement s’affirme de manière plus claire que jamais », a commenté Ohana, qui est membre du parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu. « Ce soir, en tant que président de la Knesset, je veux dire stop ».

Ohana a affirmé que depuis 1997, année où Netanyahu était arrivé au pouvoir pour la première fois, le système de la justice avait unilatéralement siphonné les pouvoirs des politiciens, en se les appropriant.

« Aujourd’hui, nous nous trouvons à un nouveau tournant, à un tournant dangereux qui pourrait nous faire tous plonger dans l’abîme alors que la Haute cour va débattre des Lois fondamentales », a-t-il dit.

« Israël est un pays démocratique et dans une démocratie, le peuple est le seul souverain. Dans un État démocratique, le système judiciaire respecte le souverain, à savoir le peuple et ses responsables élus et le respect est mutuel. Il n’y a pas de débat, et il ne peut y avoir de débat sur la question de savoir si la Knesset a donné l’autorisation à la Cour d’invalider les Lois fondamentales », a-t-il déclaré, estimant que les juges ne détiennent pas un tel pouvoir.

La présidente de la Cour suprême Esther Hayut, au centre, et les juges de la Cour suprême arrivant pour une audience afin d’entendre les recours déposés contre la loi dite de « Tibériade », au palais de justice de Jérusalem, le 30 juillet 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Il a fait appel aux politiciens, leur demandant de trouver un accord de compromis qui empêcherait une épreuve de force constitutionnelle mais il a ajouté qu’en cas d’échec de ces efforts, « la Cour n’en sera pas pour autant autorisée à prendre des décisions en lieu et place des responsables élus ».

« Cette situation nous amènera à un incident sans précédent dans un pays démocratique », a-t-il continué avant de s’adresser aux juges en leur disant : « Reconnaissez les limites de vos pouvoirs, pas seulement celles des autres branches du gouvernement. Reconnaissez que dans une démocratie, aucune branche n’est toute-puissante ».

Ces remarques ont entraîné sans surprise les éloges des personnalités de la coalition et les critiques, tout aussi attendues, de l’opposition. Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a évoqué une « allocution courageuse ».

« J’espère que ces mots trouveront des oreilles attentives parmi les magistrats de la Cour suprême et que le tribunal respectera l’autorité du gouvernement et de la Knesset, ainsi que la souveraineté du peuple », a expliqué Levin, artisan du plan de refonte du système judiciaire qui est actuellement avancé par la coalition.

Le député Simcha Rothman, de la formation Hatzionout HaDatit d’extrême-droite, a souligné les « mots importants » du président de la Knesset, comme cela a également été le cas du ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui a affirmé que la Haute cour n’avait pas l’autorité nécessaire pour « délibérer ou pour invalider » des Lois fondamentales.

« La tenue d’audiences sur des requêtes liées aux Lois fondamentales est un défi lancé à la fois à l’institution de la Knesset et à la démocratie israélienne et cela prouve, une fois encore, l’importance de corriger le système de la justice – ce que nous sommes précisément en train de faire », a déclaré Smotrich, le leader de Hatzionout HaDatit.

Le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Justice Yariv Levin lors d’une réunion sur le vote du budget de l’État, le 22 mai 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La faction HaMahane HaMamlahti a estimé que les propos d’Ohana étaient la recette de « l’anarchie ».

« Ceux qui, le matin, veulent trouver des accords qui sauvegarderont l’État de droit ne peuvent pas menacer, le soir, de le démanteler », a indiqué le parti, en référence à l’appel lancé par Netanyahu à Benny Gantz, le leader du parti, demandant à ce dernier d’œuvrer à trouver un accord de compromis dans le cadre de la refonte judiciaire en prenant part à des négociations avec des représentants de la coalition.

HaMahane HaMamlahti a aussi demandé à Netanyahu de rejeter les paroles prononcées par Ohana, affirmant que « le cas échéant, l’État d’Israël se trouvera sur une pente bien glissante ».

Les responsables du mouvement de protestation des opposants au projet de réforme radicale du système de la justice, qui affaiblirait et bouleverserait ce dernier, a comparé l’allocution du président de la Knesset à « la menace faite par un mafioso » aux tribunaux, une semaine avant une audience déterminante.

« Dans un pays démocratique, il y a une séparation des pouvoirs où le parlement comme le gouvernement se soumettent aux jugements rendus par les tribunaux, où toute personne qui n’obéit pas à ces derniers est un criminel », a dit le groupe dans un communiqué.

Un groupe de 1 400 réservistes appartenant à des unités d’élite qui prennent part à des opérations spéciales au sein de l’armée s’en est également pris à Ohana.

« Le président de la Knesset a annoncé expressément qu’il n’obéira pas au jugement rendu par la Haute-cour », a fait savoir dans un communiqué le groupe de réservistes qui menacent, depuis longtemps, de ne plus se présenter au service volontaire en signe d’opposition au plan de refonte du système judiciaire.

« Nous savons qu’un gouvernement qui n’obéit pas à la Haute cour se retrouvera, dès le lendemain, sans armée, sans Shin bet et sans Mossad », a ajouté le communiqué.

Réservistes israéliens, anciens combattants et militants rassemblés pour manifester contre la réforme du système judiciaire, devant la Cour suprême, à Jérusalem, le 10 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Le discours d’Ohana a eu lieu vingt-quatre heures après le rejet, par la Haute-cour, de la demande du gouvernement de reporter l’audience du 12 septembre consacrée à la loi sur la « raisonnabilité » qui interdit dorénavant aux juges de réexaminer les actions gouvernementales à l’aune de cette notion juridique. La « raisonnabilité » permettait jusqu’à présent aux magistrats de déterminer si une décision était invalide dans la mesure où elle n’avait pas pris suffisamment en compte des considérations déterminantes ou si, au contraire, elle s’était appuyée sur des considérations inappropriées.

Les organisations qui ont déposé des requêtes contre la loi sur la « raisonnabilité », devant la Haute cour, affirment que cette dernière peut potentiellement saper l’indépendance des agences chargées de faire appliquer la loi dans la mesure où sans cette notion juridique du « caractère raisonnable », il sera difficile de remettre en cause le limogeage arbitraire des fonctionnaires.

De leur côté, les ministres et les députés déclarent que dans la mesure où aucune loi n’autorise la Haute-cour à rejeter des Lois fondamentales, elle n’a pas le pouvoir de le faire. Les ministres et les députés de la coalition affirment que le texte sur la « raisonnabilité » est nécessaire pour empêcher la Haute-cour d’imposer son point de vue, limitant en cela les actions et les décisions du gouvernement.

Cette loi est le seul élément du plan de refonte du système de la justice, plus large, à avoir été adopté par la Knesset. Comme d’autres parties de cet agenda de réformes radicales, elle a suscité une opposition féroce et massive de la part des groupes organisateurs du mouvement de protestation qui balaie Israël depuis 35 semaines ainsi que celle des partis de l’opposition.

La Haute cour se penchera aussi bientôt sur des requêtes soumises contre le refus du ministre de la Justice, Yariv Levin, de convoquer la commission de sélection des juges, dont il cherche à changer la composition dans le cadre du plan de refonte de manière à ce que les politiques puissent contrôler la désignation des magistrats dans les tribunaux du pays.

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