Refonte judiciaire : compromis au menu ? Qui est pour ou contre ?
Le leader du Likud a appelé à des pourparlers directs après avoir rencontré le ministre Levin ; le chef de HaMahane HaMamlahti a évoqué une "manipulation"
Le leader du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a indiqué mardi que sa formation, qui siège dans l’opposition, donnerait son accord de principe à une nouvelle proposition de compromis – acceptant donc qu’elle serve de base de discussion dans le cadre d’éventuelles négociations avec la coalition portant sur le plan de refonte radicale du système judiciaire qui est avancé par le gouvernement. Il a souligné qu’il était lui-même convaincu de la nécessité de conclure un accord mais il a qualifié de « manipulation » le dernier appel lancé par Netanyahu, qui a réclamé des discussions en face à face.
Les propos de Gantz ont été tenus après que le président Isaac Herzog a tenté, une nouvelle fois, d’amener la coalition et l’opposition à trouver un terrain d’entente sur le plan de refonte du système de la justice israélien. Les pourparlers qui avaient eu lieu, au début de l’année, étaient tombés dans l’impasse et, au mois de juillet, une loi limitant les capacités de contrôle des tribunaux a été adoptée – la toute première législation de ces réformes très controversées, qui bouleverseraient l’équilibre des pouvoirs dans le pays.
Mais suite aux informations qui ont évoqué cette nouvelle proposition, lundi – une proposition que Netanyahu aurait approuvée, ont fait savoir les médias israéliens – les Bureaux de Herzog et de Netanyahu ont tous les deux reconnu une reprise du dialogue, tout en démentant qu’un accord avait été trouvé. Pendant ce temps, de nombreux membres de la coalition de la ligne dure de Netanyahu – notamment le puissant ministre de la Justice Yariv Levin, qui appartient au parti du Likud de Netanyahu, et des leaders des factions d’extrême-droite – ont dénoncé l’offre faite par le président, comme cela a également été le cas de certains membres de l’opposition.
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Prenant la parole lors d’un rassemblement d’activistes de son parti dans un discours qui a été diffusé à la télévision en prime-time, Gantz a expliqué qu’il avait été récemment informé par Herzog du contenu de la proposition et qu’il lui avait été garanti que cette dernière avait été approuvée par le Premier ministre. Il a ajouté qu’il ne croyait pas que Netanyahu pourrait donner suite à cette proposition en raison notamment de l’opposition des membres les plus extrémistes de sa coalition.
« Ce qui est clair, c’est qu’Israël est dirigé par un gouvernement minoritaire extrémiste », a dit Gantz.
Le chef de HaMahane HaMamlahti a laissé la porte ouverte à la négociation d’un accord mais il a noté que Netanyahu devait d’abord prouver sa capacité à tenir ses promesses dans un contexte d’opposition majeure du ministre de la Justice, Yariv Levin, et d’autres membres de la coalition.
Il a précisé avoir dit au président : « j’ai des difficultés à voir la coalition soutenir cette proposition mais il est toutefois de notre devoir d’essayer d’arranger les choses – avec le sens de la responsabilité et avec la prudence nécessaires ».
Gantz a poursuivi en disant que lui et les responsables de son parti avaient analysé la proposition avec beaucoup de soin et déterminé que « si nous avions trouvé un accord [avec Netanyahu] – et nous n’avons pas trouvé d’accord – alors la loi sur la raisonnabilité [une loi qui limite les capacités de supervision des décisions et actions gouvernementales] aurait été révisée », et il y aurait eu une mise en suspens du plan controversé.
Mais « la réalité a prouvé qu’il n’y a personne à qui parler actuellement », a continué Gantz, qui a déclaré que les partenaires de Netanyahu étaient « des incendiaires qui n’ont pas accepté de poser à terre leurs allumettes ».
La coalition au pouvoir de Netanyahu fait actuellement avancer un plan de refonte du système de la justice israélien qui limiterait la capacité des juges et des autres responsables de la justice à tenir un rôle de contre-pouvoir face au gouvernement – un plan qui a entraîné huit mois de critiques féroces à la Knesset ainsi qu’un mouvement de protestation massif dans les rues d’Israël. Les partisans de ce projet affirment que cette initiative permettra de brider un système judiciaire qui a, selon eux, outrepassé son autorité, tandis que les critiques expliquent que le plan met en péril la démocratie libérale dans le pays.
Selon les informations portant sur cet accord de compromis, le gouvernement proposerait une version « édulcorée » de la loi récemment adoptée annulant le recours à la notion juridique de « raisonnabilité » pour réexaminer les décisions du cabinet et des ministres ; il accepterait un gel de 18 mois des efforts visant à remanier la composition de la commission de sélection des juges ; il et soutiendrait une réforme exigeant qu’au moins sept des neuf membres de la commission soient d’accord avec chaque nomination, y compris celle concernant la présidence de la Cour suprême.
« Encore hier, Netanyahu et le Likud ont renié la propre proposition qu’ils avaient faite, ils l’ont rejetée et aujourd’hui, Netanyahu utilise une nouvelle manipulation et il appelle au dialogue », a commenté Gantz qui s’est exprimé quelques minutes après la diffusion d’une courte vidéo qui a été publiée par Netanyahu, un clip où le Premier ministre appelle l’équipe de Gantz à rencontrer ses représentants pour des pourparlers.
Gantz a demandé à Netanyahu de dissoudre le gouvernement actuel et d’organiser de nouvelles élections : « Netanyahu doit dissoudre le gouvernement, dissoudre la Knesset et l’État d’Israël doit organiser de nouvelles élections qui permettront à la société israélienne de guérir ».
Gantz a estimé qu’il n’y a pas « de Premier ministre efficace en Israël », disant que Netanyahu « fait, avant tout, ce qui est bon pour lui et seulement ensuite, il fait ce qui est bon pour l’État ».
Il a remarqué que le pays était dans une situation, en matière de sécurité, qui était sans précédent depuis la guerre de Yom Kippour, en 1973, avec une armée « qui affronte sa désintégration » et dont l’état de préparation se détériore alors que des milliers de réservistes ont menacé de ne plus se présenter au service en signe de protestation contre le plan de refonte du système judiciaire.
Israël, a-t-il continué, « fait face à une menace qui plane sur notre démocratie, sur notre système de gouvernance. » Une menace qui est posée « par un gouvernement dirigé par des extrémistes, qui ne veulent pas corriger les problèmes, qui ne veulent pas réformer mais qui veulent pouvoir avoir un contrôle illimité sur le système judiciaire, et pas seulement là-dessus – ils veulent aussi pouvoir contrôler les médias, les institutions éducatives, les institutions économiques et le service public tout entier ».
Les fractures apparues dans la société israélienne « portent atteinte à la résilience qui a toujours été à l’origine de la puissance d’Israël », a-t-il déploré.
Il s’est engagé à placer les intérêts de l’État avant tout le reste et de protéger la démocratie israélienne alors même que « Netanyahu et ses partenaires ont décidé de plonger Israël dans un profond état de crise ».
Il a indiqué avoir le sentiment qu’il doit à la nation d’examiner le cadre qui lui a été présenté par le président, faisant remarquer que « ce n’est vraiment pas le cadre de nos rêves ». Il a néanmoins précisé que « nous sommes prêts à en discuter comme base pour stopper le coup d’État constitutionnel et le changement de régime en Israël, en partant de l’hypothèse que lorsque nous serons au pouvoir – et nous le serons – nous enclencherons un processus plus large qui permettra d’ancrer l’État de droit, les règles de la gouvernance et les règles de la démocratie dans le marbre à l’aide d’un vaste accord, d’un accord juste ».
Gantz a évoqué le Premier ministre en déclarant : « je vous le dis sans ambages, je ne sais pas si Netanyahu est un partenaire des extrémistes – en raison de ses intérêts personnels – ou s’il en est captif, par faiblesse. Mais ce qui est clair, à notre grande déception, c’est qu’un gouvernement extrémiste et minoritaire contrôle le pays » – une coalition, a-t-il ajouté, qui ne représente pas la majorité nationale et « pas même la majorité des Israéliens qui l’ont portée au pouvoir ».
Cette « minorité extrémiste… a décidé de démanteler les valeurs démocratiques d’Israël. Cette minorité nous emmène vers le gouffre », a-t-il continué.
Il a vivement recommandé aux membres modérés de la coalition « de faire entendre leur voix ».
Si, à l’avenir, les membres modérés de la coalition devaient prendre l’avantage « et que nous pouvons empêcher la destruction de la démocratie, alors nous serons là », a-t-il déclaré. « S’il y a une possibilité réelle, évidente de conclure un accord qui protègera la démocratie à l’avenir… alors sachez que notre main sera tendue ».
Peu avant le discours de Gantz, Netanyahu avait posté une vidéo appelant Gantz à prendre part à des négociations et ce, sans imposer de condition préalable.
« La nation veut que nous trouvions un accord. Mais pour atteindre un accord, il y a quelque chose de simple à faire : il faut mettre de côté toute condition préalable, tout obstacle susceptible de se poser ; il faut accepter d’entrer dans la pièce et de discuter », dit Netanyahu dans ce clip.
« En conséquence, demain matin, j’invite votre équipe à prendre place face à la nôtre et à faire ce qu’attend la plus grande partie de la population d’Israël : discuter et trouver un accord », ajoute-t-il.
Sur ces images, Netanyahu n’évoque pas la proposition de compromis et il ne précise pas s’il l’a approuvée ou non.
Après l’allocution de Gantz, le parti du Likud de Netanyahu a répondu au chef de HaMahane HaMamlahti en l’accusant « de fuir toutes les tentatives visant à trouver un accord ».
« Zéro leadership », aucun esprit d’homme d’État », a déclaré le Likud.
En riposte, HaMahane HaMamlahti a laissé entendre que le Premier ministre avait fait preuve de malhonnêteté en tendant son rameau d’olivier en amont de la déclaration en prime-time de Gantz.
« La triste vérité, c’est qu’il est difficile de déterminer si Netanyahu veut réellement un accord. Ce qui est certain c’est qu’actuellement, il est incapable d’en trouver », a noté la formation.
Les organisateurs du mouvement de protestation qui réunit les opposants au plan de refonte du système judiciaire ont également rejeté l’offre de négociations lancée par Netanyahu.
« Netanyahu est un menteur, un tricheur, un fraudeur », a dit le groupe Force Kaplan dans un communiqué. « L’objectif poursuivi par ces pourparlers est clair – il est que Netanyahu puisse enfin obtenir une invitation à la Maison Blanche, utilisant ensuite ces discussions pour continuer à faire avancer ses projets de loi dictatoriaux et pour continuer à écraser l’État de droit et la démocratie ».
« Nous espérons tous que Gantz choisira de ne pas prendre part à cette ruse de Netanyahu dont le prix est la démocratie en Israël », a continué le communiqué, qui a été diffusé peu de temps avant le discours du chef de HaMahane HaMamlahti.
Le ministre de la Défense Yoav Gallant – membre du Likud qui avait été renvoyé au mois de mars par Netanyahu parce qu’il avait appelé à mettre en pause la refonte judiciaire, un limogeage sur lequel le Premier ministre avait dû ultérieurement annulé suite à des manifestations populaires spontanées d’une envergure sans précédent – a encore appelé au compromis.
« Les citoyens d’Israël et l’armée ont besoin de cohésion et d’unité », a écrit Gallant sur X, le réseau social anciennement connu sous le nom de Twitter.
« Il est temps de mettre de côté les désaccords et de trouver ce qui nous est commun, ce qui nous unit. J’appelle mes amis, à la Knesset, à trouver rapidement un compromis au nom de l’État d’Israël et de la sécurité d’Israël », a-t-il ajouté.
Gallant a été l’un des membres de la coalition – ils ont été rares – à recommander de trouver un compromis dans ce projet de refonte radicale du système israélien de la justice, avertissant à plusieurs reprises que les répercussions du plan portaient gravement atteinte à Tsahal.
Le ministre de l’Économie du Likud Nir Barkat a aussi fait savoir qu’il soutenait l’appel à des négociations directes avec l’opposition, disant qu’il était favorable aux efforts visant à trouver « un large consensus ».
« Israël fait face à des défis difficiles en matière de sécurité, de relations avec les pays étrangers et en matière d’économie. Aujourd’hui, alors que nos ennemis nous observent en train de lutter les uns contre les autres, nous devons mettre de côté nos désaccords et trouver un terrain d’entente, la plus large possible, dans tout le peuple d’Israël », a continué Barkat, qui avait largement conservé le silence dans cette controverse.
Il a estimé que trouver un compromis « ne sera pas une reddition mais bien un signe de courage ».
Dans la journée de mardi, Netanyahu avait organisé des consultations sur la suite à donner à l’offre de compromis présumée, selon des informations parues dans la presse israélienne. Elle avait précisé que Levin, le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer et l’avocat Michael Rabilo – deux hommes qui avaient représenté le Likud dans les pourparlers – avaient pris part à ces réunions.
Selon la chaîne publique Kan, Netanyahu a demandé à ses négociateurs de faire savoir à la résidence du président qu’il était intéressé par une reprise des négociations après avoir discuté avec Levin et après avoir tenté de le convaincre de s’impliquer dans ces conversations – à l’heure actuelle, il est difficile de dire si le ministre de la Justice a accepté ou non cette proposition.
Mardi également, le député de Yahadout HaDatit, Moshe Gafni, a expliqué que les partis ultra-orthodoxes devaient réexaminer leur positionnement face au plan de refonte judiciaire. De nombreux médias ont laissé entendre qu’ils étaient mécontents de la focalisation de toute l’attention de la coalition sur ce projet controversé.
« Je pense personnellement que nous devons réfléchir très exactement à la manière dont nous voulons aller de l’avant – dans une direction ou dans une autre – concernant ces réformes », a dit Gafni qui s’est exprimé lors d’une réunion de la Commission des Finances, à la Knesset.
« Nous devons évaluer ce qui est le mieux pour avancer, comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Nous devons, au sein de Yahadout HaDatit, procéder à notre propre évaluation et je présume que c’est aussi le cas pour le Shas », a-t-il ajouté.
« Il y a des choses importantes qui doivent être faites et je ne pense pas que la trajectoire que nous empruntons actuellement soit la meilleure pour atteindre nos objectifs », a poursuivi Gafni. « Peut-être devrions-nous prendre une trajectoire différente ».
Le Shas, l’autre parti haredi de la coalition, qui a soutenu certains éléments du plan de refonte radicale du système judiciaire israélien, a gardé le silence jusqu’à présent.
Netanyahu voudrait que des progrès soient réalisés en termes de pourparlers avant sa rencontre très attendue et tant espérée avec le président américain Joe Biden, à la fin du mois. Des audiences, à la Haute cour, consacrées à la Loi sur la ‘raisonnabilité’ et au refus opposé par Levin de convoquer la commission de sélection judiciaire sont également imminentes.
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