Le Kunsthaus de Zurich veut traquer plus vigoureusement l’art spolié aux Juifs
La nouvelle directrice du Kunsthaus de Zurich entend ainsi s'attaquer à l'épineuse question de l'héritage de l'art spolié par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale
Le Kunsthaus de Zurich, un des plus prestigieux musées des beaux-arts de Suisse, a assuré mardi vouloir clarifier l’origine douteuse de certaines œuvres de sa collection qui pourraient être des biens culturels confisqués par les nazis.
La nouvelle directrice du Kunsthaus de Zurich depuis janvier, la Belge Ann Demeester, qui dirigeait jusqu’alors le musée Frans Hals aux Pays-Bas, entend ainsi s’attaquer à l’épineuse question de l’héritage de l’art spolié aux Juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le musée, dont l’image est entachée depuis deux ans par la polémique sur l’exposition de la collection du marchand d’armes Emil Bührle ayant fait fortune pendant cette guerre, souhaite soutenir « expressément les efforts visant à mettre en place, au niveau national, une commission indépendante pour les biens culturels confisqués dans le cadre des persécutions nazies », a-t-il indiqué dans un communiqué.
En attendant que cet organe soit constitué, a-t-il expliqué, la Société zurichoise des beaux-arts, qui est propriétaire de la collection du musée, « établira une commission internationale d’experts (…) d’ici l’automne 2023 » afin de mener des recherches sur les œuvres à l’origine douteuse.
Cette nouvelle stratégie de recherche de provenance prend en compte les biens culturels directement confisqués aux Juifs par les nazis, ainsi que « les œuvres d’art vendues par des personnes juives émigrées dans des pays tiers dits sûrs, en dehors de la sphère d’influence nazie, par exemple en Suisse ».
« Notre objectif premier doit toujours être de vérifier de manière professionnelle l’origine de nos œuvres et de rendre possibles des solutions justes et équitables quand il existe des indices étayés que des biens culturels ont été confisqués dans le cadre des persécutions nazies », a affirmé le président de la Société zurichoise des beaux-arts, Philipp Hildebrand, ancien président de la Banque nationale suisse.
« Nous avons conscience du fait qu’il s’agit d’un processus complexe et de longue haleine : chaque œuvre concernée a sa propre histoire, qui fait d’elle un cas particulier », a-t-il relevé.
Renoir, Degas, Monet
Le musée va soumettre prioritairement sa propre collection ainsi que ses nouvelles acquisitions à la recherche de provenance.
Il a d’ores et déjà lancé un examen systématique de la provenance des œuvres de la collection créée avant 1945 et ayant changé de propriétaire entre janvier 1933 et mai 1945.
« En tant que musée, nous avons une grande responsabilité sociale », a affirmé la directrice Ann Demeester, et « de ce fait, nous estimons qu’en matière de recherche de provenance, une approche proactive et aussi transparente que possible est essentielle ».
Mais, a-t-elle souligné, « la façon dont nous réagissons aux résultats potentiels est tout aussi importante que la recherche elle-même ».
Le musée a fait l’objet de critiques lors de l’ouverture en 2021 d’une nouvelle aile destinée à abriter de façon permanente la collection Bührle (1890-1956), un industriel d’origine allemande, naturalisé suisse en 1937.
Ce marchand d’armes avait constitué une vaste collection d’art dont certaines œuvres pourraient avoir été spoliées à des Juifs ou vendues dans l’urgence pour fuir les nazis.
Jusqu’en 2015, sa collection – qui compte des œuvres de Manet, Renoir, Degas, Monet, Sisley, Cézanne, Toulouse-Lautrec, Picasso, Braque, Van Gogh et Gauguin – était visible dans un site très confidentiel à Zurich, mais des toiles avaient été dérobées lors d’un hold-up en 2008, ce qui avait poussé le musée à décider de déplacer la collection.
Mme Demeester a souligné qu’il fallait « reconnaître que la recherche de provenance est complexe, car chaque cas doit être analysé et évalué séparément ».