Le maire de Jérusalem est certain d’être réélu, mais le vote ne se résume pas à ça
Moshe Lion sera de retour, mais les hiérosolomytains libéraux et traditionnels étaient focalisés sur la guerre, les haredim devraient remporter plus de 50 % du Conseil municipal pour la première fois
Les élections municipales de 2018 avaient été à la fois tumultueuses et passionnées. Deux candidats majeurs s’étaient affrontés pour l’avenir de la capitale : Ofer Berkovich et Moshe Lion, ce dernier étant soutenu par le leader du Shas, Aryeh Deri, et par le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman. Le deuxième tour s’était finalement révélé favorable à Lion.
Pour sa part, la communauté ultra-orthodoxe – ou haredi – s’était engagée dans des querelles internes amères. Le rabbin Chaïm Kanievsky avait divisé les formations ashkénazes, Degel HaTorah, une faction non-hassidique, et Agoudat Israël, un parti hassidique (deux formations qui, dans l’arène politique nationale, sont rassemblées au sein de YaHadout HaTorah). Il avait donné pour instruction à la première faction de combattre avec férocité la seconde. Degel HaTorah avait glané six sièges au Conseil municipal, fort de 31 membres ; Agoudat Israël en avait remporté trois et a cherché, cette année, à recoller les morceaux.
Il y a toujours un enjeu dans la bataille pour Jérusalem, une ville qui a connu des siècles entiers de guerre. Mais la campagne électorale actuelle, dans la capitale, est particulièrement remarquable pour son absence dans les gros titres.
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La guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, qui a été déclenchée par l’assaut meurtrier du 7 octobre, a détourné l’attention – et l’intérêt des Israéliens – du scrutin municipal en Israël en général et du vote à Jérusalem en particulier.
Nombreux sont ceux qui, dans la population, n’ont envie de se pencher sur des élections politiques clivantes, préférant conserver de l’énergie pour ce qui arrivera de plus important au lendemain de la guerre.
Moshe Lion, qui termine actuellement son premier mandat de cinq ans en tant que maire, est le favori dans la course à la mairie même s’il affronte – au moins en principe – Yossi Havilio, ancien conseiller juridique de Jérusalem et journaliste sportif pour le journal local Kol Haïr.
Lion, beau parleur, a réussi à engranger un large soutien grâce à son travail acharné, à son ingéniosité, à ses excellentes relations avec la communauté ultra-orthodoxe et grâce aussi à cette capacité exceptionnelle qui est la sienne de se lier à une étonnante variété de publics différents.
Contrairement à ses prédécesseurs, Lion n’est pas venu à Jérusalem pour utiliser la ville comme marchepied vers une carrière politique nationale – même si lui-même considère qu’il serait parfait à la tête du ministère des Finances. Il n’a jamais dit un mot sur les questions nationales et politiques relatives au statut international de Jérusalem.
En contraste, l’ancien Premier ministre Ehud Olmert déambulait dans la ville, lorsqu’il était maire, entouré par une armée de gardes du corps, faisant des déclarations ouvertement caractéristiques de la droite, en particulier dans les périodes de tension. Le ministre de l’Économie Nir Barkat, qui ambitionne de prendre la tête du Likud, avait pris soin, lui aussi, de se positionner avec des intérêts nationaux bien plus larges à l’esprit. Et il est difficile de dire comment la ville a finalement pu profiter de ces comportements.
Les résultats de Lion et la contribution qu’il a apportée à Jérusalem seront scrutés à la loupe par les électeurs, mardi, mais sa capacité à éviter les sujets les plus incendiaires, en ce qui concerne la ville, est louable. Il n’a jamais visité publiquement le mont du Temple et il n’a jamais fait savoir combien de musulmans, selon lui, devaient être autorisés à s’y rendre pendant le Ramadan. Il ne se rend pas non plus sur les lieux controversés, comme les scènes d’attentats terroristes, afin de ne pas provoquer de polémique sur ses opinions, quelles qu’elles soient.
Pendant les échauffourées majeures qui avaient eu lieu, il y a deux ans, entre Juifs et arabes dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est – où des maisons avaient été incendiées et où des résidents avaient été blessés, à moins de deux kilomètres seulement de son bureau – Lion avait tenté de résoudre le conflit par un dialogue discret avec les commandants de la police israélienne. Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, en comparaison, avait installé un bureau provisoire au beau milieu de la zone de conflit.
En 2018, la liste indépendante avancée par Lion pour le Conseil n’avait remporté aucun siège mais maintenant, l’homme qui s’était présenté à l’époque comme « celui qui s’occupe de tous » a beaucoup gagné en popularité. Pas seulement auprès des haredim, pour qui Lion, qui porte la kippa, est le meilleur dans son rôle : il a accédé à toutes leurs demandes. Il est aussi très apprécié dans les mouvements tels que Hitorerut (« Éveil » en hébreu) à Jérusalem, favorables au changement.
« Moshe Lion est un Shasnik et feu [le chef spirituel du parti Shas] le rabbin Ovadia Yossef l’a amené » jusqu’à Jérusalem, a indiqué Chaïm Cohen, adjoint au maire affilié au Shas, au Times of Israel. « Lion était de Givatayim et le rabbin Ovadia a décidé qu’il serait notre candidat ; il lui a demandé de se présenter et il l’a fait. »
Cohen a noté que « lors des dernières élections municipales, Lion n’a pas gagné un seul siège [pour sa liste] au conseil municipal. Le Shas a cinq sièges. Nous étions son soutien. Toute la faction l’a tenu à bras le corps et l’a soutenu (…) C’est un membre du Shas jusqu’au bout des ongles ».
Une majorité ultra-orthodoxe
Lors du scrutin de mardi, Lion va se présenter encore une fois de manière indépendante, sans être affilié à un parti quelconque, suivant les pas de Teddy Kollek, le maire légendaire qui, au cours de ses mandats, s’était toujours présenté sous couvert d’une liste indépendante, « One Jerusalem ». L’objectif poursuivi par Kollek était d’avoir une majorité sur laquelle s’appuyer au sein du conseil de manière à pouvoir mener à bien ses ambitieux projets sans interférence.
Lion, qui n’est pas Kollek, a donné le nom de « One Jerusalem » à sa liste également – mais il n’a aucune chance d’obtenir une majorité au sein du conseil. Ce qui n’est pas un problème, a insisté Cohen : « La liste toute entière de Lion est technique. Sa liste, c’est Shas. Point final. »
La question de la majorité au conseil est critique. Le Conseil de Jérusalem est constitué de 31 membres. 15 sont issus des factions haredi (Degel HaTorah, le Shas, Agoudat Israël, et la Faction de Jérusalem). Après les élections municipales de mardi, il est fort probable que ces factions représentent plus de la moitié du conseil pour la première fois.
Le taux de participation électorale devrait être particulièrement bas, cette fois-ci, mais les membres de la communauté ultra-orthodoxe iront déposer un bulletin dans l’urne, comme le leur ont demandé leurs chefs spirituels.
Une majorité ultra-orthodoxe au conseil signifie que la communauté aurait le contrôle de la planification et de la construction, des finances, des commissions d’éducation, entre autres. C’est la démocratie en action, mais cela risque d’encourager un nouvel exode des résidents laïcs de la ville, qui sont nombreux à plus s’y sentir à leur place depuis un certain temps.
Diviser pour mieux régner
La population libérale de Jérusalem est représentée par deux factions : Hitorerut et l’Union de Jérusalem.
Hitorerut occupe actuellement sept sièges au Conseil et le mouvement est dirigé par Adir Schwartz, un jeune homme sérieux et vigoureux, sous le slogan : « Jérusalem choisit la génération de la victoire. »
L’Union de Jérusalem, pour sa part, est présidée par Havilio, l’outsider dans la course, et ses slogans sont similaires à ceux qui étaient entonnés, l’année dernière, par les opposants au Premier ministre Benjamin Netanyahu, avec également une demande de partage équitable du fardeau militaire et la fin de l’exemption de service des ultra-orthodoxes. La faction est constituée de Yesh Atid, du Meretz, d’Avoda et d’autres acteurs de gauche.
Malheureusement pour ces deux factions, certains de leurs électeurs potentiels se battent actuellement à Khan Younès, à Rafah ou dans leurs environs et il n’est pas sûr qu’ils pourront se rendre jusqu’aux bureaux de vote mobiles qui ont été installés pour les soldats à Gaza.
Dans le meilleur des cas, les deux factions gagneront un total de huit sièges. Lion a réussi, pendant son premier mandat, à convaincre Havilio et la moitié des représentants de la Hitorerut de rejoindre sa coalition- et la même chose surviendra sûrement pendant le prochain.
Le lien national
En attendant, cette campagne présente une caractéristique intéressante : les politiciens nationaux ont sillonné le pays pour soutenir les candidats de leurs partis, tout en s’efforçant d’obtenir un soutien pour eux-mêmes.
Les politiciens haredim le font ouvertement, mais les membres de la Knesset du Likud et de HaTzionout HaDatit essaient de le cacher afin de ne pas être accusés de se concentrer sur la petite politique en temps de guerre. C’est une autre raison pour laquelle les élections auraient dû attendre la fin de la guerre.
Mais il y a au moins un homme qui n’a pas caché sa politique : Ben Gvir. Le leader d’Otzma Yehudit soutient une faction d’extrême-droite à Jérusalem dirigée par le maire adjoint Aryeh King et prévoyait une procession vendredi dernier sur le marché de Mahane Yehuda, un bastion nationaliste, pour soutenir King.
La force de Ben Gvir et de King au sein du Conseil municipal augmentera très certainement après les élections, de manière inversement proportionnelle au succès de Ben Gvir dans la guerre contre le terrorisme et à la diminution du sentiment de sécurité des citoyens.
Enfin, il y a la candidate arabe Sundos Alhoot, qui a été aperçue en train de distribuer des tracts dans le centre commercial Malha jeudi, appelant les gens à voter pour sa liste, appelée Kol Toshaveha (« Tous ses résidents » en hébreu).
Comme les Arabes représentent 40 % des habitants de la ville, Alhoot devrait en théorie être en mesure de prendre le siège de mairesse sans même essayer. Mais à Jérusalem, les Arabes n’ont pas participé aux élections depuis 1967, lorsque les parties est et ouest de la ville ont été unifiées, parce qu’ils pensent que voter signifie reconnaître le contrôle d’Israël.
Alhoot, une femme impressionnante qui travaille dans le domaine de l’éducation, est avant-gardiste, mais son initiative est vouée à l’échec.
Bien qu’elle promette aux Arabes de Jérusalem-Est de « faire progresser l’égalité dans l’éducation, la culture, les infrastructures, les terrains de jeu, les jardins publics, les institutions publiques et tout le reste », elle ne parviendra pas à entrer au Conseil municipal.
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