Le monde ne changera pas d’avis sur l’unité palestinienne
Netanyahu tient Abbas pour responsable de l’enlèvement, mais la communauté internationale ne le lie pas au pacte Fatah-Hamas
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Ni les Etats-Unis, ni l’Union européenne n’ont l’intention de suivre la position du Premier ministre Benjamin Netanyahu de retirer son soutien au gouvernement d’unité palestinien récemment établi dans le sillage de l’enlèvement de trois adolescents israéliens, probablement planifié par le Hamas.
La pression que Netanyahu essaie d’exercer pourrait mieux fonctionner à Washington, où l’administration fait face non seulement à la violence islamiste croissante en Syrie, en Irak et ailleurs, mais aussi avec un Congrès qui n’est pas très satisfait du pacte Fatah-Hamas.
Pourtant, même si les Américains coupent temporairement les liens avec Ramallah, si et quand la culpabilité du Hamas est prouvée, il est peu probable que le reste du monde change sa position sur la réconciliation intra palestinienne. Toute la communauté internationale, y compris les Etats-Unis, a déclaré qu’elle continuerait à travailler avec le nouveau gouvernement palestinien.
L’Union européenne et beaucoup d’autres pays dans le monde se sont félicités de la mise en place du gouvernement comme constituant un pas vers la paix. Il est peu probable que ça change, ont confirmé des officiels et des analystes au Times of Israel.
« J’ai le sentiment qu’il y aura les déclarations de tous les gouvernements contre l’enlèvement et le terrorisme, mais ils ne feront pas le lien avec le gouvernement d’unité », explique Avi Primor, un ancien ambassadeur israélien en Europe et actuellement président du Conseil d’Israël pour les Relations internationales. « Globalement, il sont tous en faveur du gouvernement d’unité car ils le perçoivent comme un développement positif. »
Au-delà des déclarations officielles nécessaires à l’étiquette politique, le monde ne se soucie pas beaucoup du destin d’Israël, suggère-t-il. « Il n’y aura pas de sympathie pour nous en Europe car ils pensent que nous sommes responsables de la situation, non seulement, entre autres, à cause de l’occupation et des implantations, mais aussi parce que, de leur point de vue, nous sommes responsables de l’échec des négociations de paix ».
Israël en est responsable car il n’a pas procédé comme convenu concernant la dernière libération de prisonniers palestiniens au cours des récents pourparlers de paix. C’est ce que bon nombre de membres de la communauté internationale ressentent, souligne Primor.
L’ambassadeur de l’Union européenne en Israël Lars Faaborg-Andersen, a condamné l’enlèvement « dans les termes les plus forts possibles. Mes pensées vont aux familles privées de leurs trois jeunes. J’espère qu’on va les retrouver sains et saufs le plus rapidement possible », a-t-il déclaré au Times of Israel dimanche. Pourtant, il a insisté que le gouvernement actuel d’unité ne peut pas être tenu pour responsable de quelque chose que le Hamas, le Jihad islamique ou n’importe quel groupe terroriste aurait pu faire, parce qu’ils ne font pas partie du gouvernement.
« Nous ne pensons pas que cet enlèvement inacceptable soit quelque chose dont le gouvernement technocratique puisse être tenu pour responsable, car [le gouvernement] est constitué de personnalités non affiliées à un parti, rappelle Faaborg-Andersen. Nous considérons que le Hamas est une organisation terroriste et cela ne fait aucun doute. Néanmoins, le Hamas, le Jihad Islamique et d’autres groupes terroristes n’ont pas de représentants dans le gouvernement en place ».
L’Union européenne a incité les forces de sécurité palestinienne à coopérer avec Israël dans la recherche des adolescents. Il a ajouté que, sur la base de ses conversations avec les gens sur le terrain, il comprend que cela a effectivement lieu à la satisfaction des autorités israéliennes.
La réaction de Washington à l’incident, si la culpabilité du Hamas est confirmée, pourrait être différente dans le style de celle des Européens, mais l’approche restera essentiellement la même, selon Itamar Rabinovitch, un ancien ambassadeur israélien aux Etats-Unis.
« L’attitude basique de l’Union européenne et des Etats-Unis est qu’Israël doit sortir de la Cisjordanie, déclare-t-il. Ils croient que si vous ne voulez pas de moustiques, vous devez assécher l’étang, et l’étang c’est l’occupation. Ils ne le disent pas toujours à haute voix, mais ils le pensent réellement ».
Point sur la situation : le Secrétaire d’Etat John Kerry condamne fermement l’attaque de samedi soir et la lie au Hamas, mais n’a donné aucun signe que les Etats-Unis réévalueraient leur position sur le gouvernement d’unité palestinienne.
Netanyahu rend le gouvernement d’unité responsable de l’enlèvement d’Eyal Yifrach, 19 ans, Gil-ad Shaar, 16 ans, and Naftali Frankel, 16 ans, avant même d’annoncer dimanche que le Hamas était derrière l’enlèvement.
Ces mêmes éléments dans la communauté internationale qui ont affirmé que l’accord palestinien avec le Hamas ferait avancer la paix voient maintenant les vrais résultats de cette union, a-t-il déclaré samedi soir. S’adressant à la presse internationale dimanche, il a rappelé qu’Israël avait averti la communauté internationale des dangers d’un soutien au pacte d’unité entre le Fatah et le Hamas. Ces dangers, a-t-il déclaré, « devraient maintenant être clairs pour tous ».
Puisque le président de l’Autorité palestinienne a accepté de former un gouvernement avec le soutien du Hamas, Jérusalem le tient comme responsable du sort des trois adolescents disparus, ne cesse de déclarer Netanyahu depuis vendredi.
« Les Palestiniens prétendent que l’Autorité palestinienne ne peut pas être tenue pour responsable d’une attaque qui a eu lieu dans une zone sous contrôle sécuritaire israélien, c’est totalement absurde », a-t-il expliqué samedi. Il affirme que la fonction qui dirige la zone d’où les terroristes sont partis doit être tenu pour responsable de l’attaque, quel que soit l’endroit où elle a eu lieu.
Cet argument, lui aussi, n’avait pas beaucoup de chance d’être entendu par la communauté internationale, avaient prédit les analystes israéliens. Le suspect présumé de la tuerie du Musée juif de Bruxelles venait de France. Personne, considèrent-ils, n’a même pas eu à l’esprit de tenir le gouvernement du président François Hollande directement responsable de cela.