Israël en guerre - Jour 489

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Le premier maître de conférences éthiopien gravit la tour d’ivoire

Pour l’expert en langues sémitiques, sa nomination est une « première étape » vers l'intégration de sa communauté dans le milieu universitaire

Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives

Dr Anbessa Teferra, professeur de langues sémitiques à l'université de Tel-Aviv, tient un numéro de Yedioth Negat, journal en amharique. (Ilan Ben Zion / Times of Israel)
Dr Anbessa Teferra, professeur de langues sémitiques à l'université de Tel-Aviv, tient un numéro de Yedioth Negat, journal en amharique. (Ilan Ben Zion / Times of Israel)

Sans fanfare ni chichis, Dr Anbessa Teferra, expert en langues sémites à l’université de Tel Aviv, est devenu le mois dernier le premier Ethiopien israélien à être nommé maître de conférences dans une université israélienne.

Teferra est un universitaire modeste à la voix douce dans la cinquantaine, au rire facile et doté d’un réel talent pour les langues.

Il a immigré en Israël en 1990 après avoir terminé sa maîtrise en linguistique à Addis-Abeba et a enseigné les langues éthiopiennes dans diverses institutions israéliennes depuis 1993. Il a obtenu le grade de maître de conférences en juin.

« Ceci est une sorte d’avancée pour les Ethiopiens » en Israël, dit-il dans une interview avec le Times of Israel, depuis son bureau donnant sur le nord-est du campus de Ramat Aviv. « C’est vraiment une grande réussite pour les Ethiopiens-Israéliens. » Il la qualifie de « première étape » pour l’intégration de la communauté dans la société israélienne.

Sa nomination fait suite à une vague de protestations d’Ethiopiens contre la discrimination après le passage à tabac d’un soldat de Tsahal d’origine éthiopienne par des policiers israéliens. Des milliers de gens sont descendus dans les rues de Tel-Aviv en mai pour manifester contre la brutalité policière et ont été accueillis par des gaz lacrymogènes.

Pr Eyal Zisser, doyen de la Faculté des sciences humaines à l’université de Tel Aviv, a déclaré qu’il était « très fier d’être la première faculté de la première université à compter un Ethiopien dans son personnel ».

Il a maintenu, cependant, que la décision « n’avait rien à voir avec le fait qu’il est éthiopien » mais était entièrement fondée sur le mérite académique de Teferra comme expert des langues sémitiques.

Teferra enseigne les langues éthiopiennes – amharique, guèze et sidama – à l’université de Tel Aviv.

La plupart des Israéliens éthiopiens parlent amharique, un cousin éloigné des langues sémitiques. Si la structure de l’amharique est totalement différente, et le système d’écriture antique unique, certains mots sont apparentés : sang – dam – et œil – ayin – sont identiques en hébreu et en amharique.

Le nom anbessa, explique Teferra, signifie lion en amharique – comme assad en arabe, arieh en hébreu ou leo en espagnol.

« Ceux qui parlent le swahili m’appellent Simba », dit-il avec un petit rire.

Teferra est l’un des rares universitaires d’Israël à enseigner les langues éthiopiennes au niveau universitaire.

« Tout ce qui touche aux Ethiopiens repose sur mes frêles épaules, » dit-il. Alors que ses cours de langue sont plutôt réduits, il y a un plus grand intérêt pour son cours d’histoire, de culture et de langue éthiopienne, qui attire entre 20 et 30 étudiants chaque semestre.

« La plupart du temps, je n’ai pas d’étudiants éthiopiens », dit-il. « La plupart d’entre eux sont ferenjiz… expression amharique pour une personne de race blanche. » Le terme, dit-il, est dérivé du terme arabe il-franj, le mot désignant Croisés européens, ou Francs.

Pour Teferra, la route vers le professorat fut longue. Il a enseigné pendant des années à l’Université hébraïque de Jérusalem, où il a poursuivi sa thèse de doctorat, comme professeur externe, avant de partir pour Tel Aviv.

« J’aurais dû être conférencier, même professeur, il y a longtemps, pour vous dire la vérité », dit Teferra, mais il ne l’explique pas réellement par la race.

« Parfois, je ressens aussi, comment dites-vous, de l’insensibilité », dit Teferra.

La promotion universitaire doit être fondée sur le mérite et l’accomplissement, pas sur la couleur de la peau, dit-il, mais les académiciens de milieux moins favorisés devraient obtenir leur chance, pour une représentation plus équitable de la diversité d’Israël. De même, dit-il, le gouvernement devrait faire davantage pour aider à l’éducation des étudiants éthiopiens après l’école, et promouvoir la diversité dans l’enseignement supérieur.

Fin 2013, le pays a accueilli 135 500 citoyens d’origine éthiopienne, soit une hausse de 1,5 % de la population, selon le Bureau central des statistiques.

Seulement 50 % des élèves du secondaire israélien d’ascendance éthiopienne se sont qualifiés cette année pour passer les examens de fin d’études secondaires, comparativement à 63 % dans la population générale. (Le Bureau n’a pas fourni de statistiques sur les taux de réussite.)

Pour l’année scolaire 2013, seulement 0,9 % des 312 000 étudiants universitaires étaient des Ethiopiens. Sur les 12 480 étudiants en doctorat inscrits cette année, seulement 14 étaient d’origine éthiopienne.

En fin de compte, cependant, il soutient que la solution au problème de l’inégalité dans l’enseignement supérieur, et dans la société dans son ensemble, doit venir du bas vers le haut. « L’intégration doit commencer depuis la maternelle » et remonter jusqu’aux universités, dit-il.

Le seul député éthiopien-israélien de la 20e Knesset a salué la nomination de Teferra. Le député Likud Avraham Neguise a déclaré au Times of Israel que Teferra « est un modèle de l’émulation des membres de la communauté pour le renforcement de leur intégration dans le milieu universitaire et l’enseignement supérieur ».

« Voilà ce qui fera progresser notre intégration dans la société israélienne », dit Neguise.

Quand il n’enseigne pas à l’université de Tel-Aviv, Teferra s’attelle à préserver la langue et la culture éthiopienne au sein de la communauté. Comme le yiddish, le ladino et tant d’autres langues parlées par les immigrants de la première génération en Israël, la langue maternelle a été supplantée par l’hébreu parmi les jeunes Ethiopiens.

Teferra est superviseur d’amharique, aidant à développer le programme scolaire des 40 écoles secondaires à l’échelle nationale qui enseignent l’amharique. Le système éducatif propose un examen de fin d’études en amharique, qui, dit-il, aide de nombreux immigrants éthiopiens à obtenir un diplôme d’études secondaires, autrement presque inaccessible en hébreu.

Teferra est le rédacteur en chef du seul journal en Israël destiné à la population éthiopienne. Yedioth Negat, bimensuel comptant quelque 20 000 lecteurs, propose des articles en amharique et en hébreu sur des sujets concernant la communauté. Il a également traduit et édité un dictionnaire illustré amharique-hébreu.

« D’après mon expérience, les enfants perdent rapidement leur langue », dit Teferra. Sa propre fille parlait amharique en arrivant en Israël à six ans et regrette aujourd’hui de l’avoir oublié au profit de l’hébreu.

« Parfois, je sens que je mène une bataille perdue pour l’amharique. Mais je tiens à préserver la langue, la culture, malgré les difficultés. »

Il affirme que les Israéliens éthiopiens devraient embrasser et préserver leur langue et promouvoir l’éducation amharique parmi la jeune génération.

« Nous encourageons vraiment les jeunes à apprendre l’amharique et la culture éthiopienne, parce que l’hébreu est obligatoire. Vous ne pouvez le fuir », conclut Teferra.

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