Le Rwanda espère que la haute-technologie remplacera le génocide
23 ans ont passé. Et avec les réussites d'Israël comme modèle, cette nation africaine dépourvue de zones côtières exploite son esprit d'entrepreneuriat pour dépasser son manque de ressources naturelles
KIGALI, Rwanda — Généralement, quand un malade a besoin d’une transfusion sanguine en urgence, il est préférable que cela ne survienne pas pendant la saison des pluies. Les hôpitaux du pays, ici, n’ont pas les ressources – ou un approvisionnement en électricité suffisamment régulier – pour maintenir en état de fonctionnement des banques du sang.
Alors, lorsque les médecins ont un besoin désespéré de sang pour sauver la vie de l’un de leurs malades, ils sont souvent obligés d’attendre jusqu’à 5 heures qu’une jeep fasse le trajet depuis un centre de distribution centrale.
Les camions de livraison doivent traverser des routes escarpées et remplies de poussière et de nids de poule énormes, et des ponts temporaires constitués de quelques morceaux de bois assemblés au-dessus de ravins béants. Pendant la saison des pluies, ce trajet est presque impossible, des torrents d’eau se déversant le long de ces routes si peu entretenues.
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Mais dans l’ouest du Rwanda, les médecins ont une autre option : Ils peuvent envoyer un SMS à Zipline et, en vingt minutes, un colis rouge livré par drone se posera au sol, soutenu par un parachute blanc, directement aux abords de l’hôpital, contenant le précieux sang.
Le Rwanda jouit d’une haute-technologie socialement engagée. Le pays doit s’affirmer face aux défis qui se posent au pays en voie de développement et qui sont endémiques à l’Afrique. Pourtant, contrairement à d’autres, le gouvernement rwandais soutient les infrastructures nécessaires aux initiatives technologiques qui tenteront de résoudre les problèmes.
Les entreprises israéliennes participent à cette tendance qu’ont dorénavant les entreprises internationales et locales à s’implanter dans la scène des start-ups à Kigali. Il faut dire que la priorité accordée par Israël au secteur high-tech pour sa croissance repose pour une grande part sur les mêmes motivations que celles avancées par le Rwanda.
Jeudi, le Rwanda commémerera le 23e anniversaire du génocide de 1994, au cours duquel plus d’un million de personnes ont été tuées durant 100 jours de guerre ethnique. Les jeunes qui travaillent dans ce secteur ont la certitude que la technologie est un moyen parmi d’autres, pour le Rwanda, de quitter l’ombre du passé pour avancer vers l’avenir.
« En tant que pays, nous n’avons pas autant de ressources naturelles que d’autres pays africains. Et avec un territoire qui n’a pas d’ouverture sur la mer, nous avons beaucoup de désavantages naturels qui ne permettent pas à notre économie de passer à un niveau supérieur pour devenir un pays de la classe moyenne », explique Pacifique Hallellua, community director à K-Lab, un pôle d’innovation technologique soutenu par le gouvernement à Kigali.
« Quand on voit ce que la technologie a permis à d’autres pays de réaliser, elle a tellement changé l’existence pour tant de gens. »
« Le gouvernement tente d’impulser dans le pays quelque chose qu’on appelle une économie basée sur le savoir », ajoute Hallellua. « Les connaissances sont intangibles – pas besoin d’exploiter quoi que ce soit qui vienne du sol. En faisant de la technologie une priorité, vous pouvez faire croître l’économie de manière substantielle avec un secteur qui grandit plus vite que n’importe quel autre ».
Fin 2015, le gouvernement rwandais enregistrait 4 169 PME « de TCI ». TCI désigne les entreprises spécialisées dans la technologie, les communications et l’information, et c’est la terminologie locale désignant les start-ups. Ce chiffre comprend toutes les entreprises indépendantes liées aux technologies, depuis les magasins de téléphones cellulaires aux cafés Internet et en passant par des start-ups plus traditionnelles comme SMS Media, pionnière de l’envoi d’articles d’information et de publicités par texto en 2002.
Ce soutien attire également des investissements internationaux, notamment de la part d’Israël.
« Ce qui m’a amené ici, c’est qu’il y a une atmosphère d’innovation qui est vraiment soutenue par le gouvernement », explique Guy Cherni, co-fondateur de 42Kura, une filière d’études israélo-rwandaise en direction des entreprises high tech africaines.
Il y a quatre pôles commerciaux importants en Afrique : En Egypte, au Kenya, en Afrique du Sud et au Nigeria. « Le Rwanda est un petit pays, sans ouverture maritime, sans ressources naturelles, donc la connexion avec ces pôles économiques doit se faire au niveau des technologies », explique-t-il.
Le Rwanda pratique « l’innovation par nécessité », le même concept qui a motivé un grand nombre des avancées technologiques en Israël malgré le manque de ressources naturelles de l’état juif et une situation géopolitique précaire, ajoute Cherni.
Un café et un permis d’exploitation, s’il vous plaît
Lorsque le gouvernement rwandais s’est concentré sur la nécessité d’encourager les nouvelles entreprises, son premier objectif était de rationaliser le processus d’obtention d’un permis d’exploitation. Ce processus peut prendre des mois dans les pays avoisinants et coûter de lourds pots-de-vins à un certain nombre d’entités, ce qui peut décourager les aspirants entrepreneurs. Au Rwanda, le processus modernisé est réalisé dans un seul bâtiment et peut généralement s’achever en l’espace de trois heures, voire moins.
« Vous allez dans un bureau, vous déposez votre dossier, vous allez déjeuner, boire peut-être un petit café après le repas, et quand vous revenez, vous avez votre permis d’exploitation », s’amuse Jon Stever, ressortissant américain cofondateur d’une start-up appelée Le Bureau, qu’il a fondée avec deux associés rwandais.
Le Rwanda accorde un fort intérêt à l’innovation, même dans des secteurs à faible composante technologique comme l’agriculture, exigeant que tous les lycéens, en fin de cursus, prennent part à un « cours d’entrepreneuriat » avant même d’obtenir leur diplôme définitivement.
Au village de la jeunesse Agahozo Shalom dans le sud du Rwanda, les éducateurs ont décidé que le cours d’entrepreneuriat était trop théorique et qu’il n’offrait pas aux élèves les outils pratiques pour lancer leur propre entreprise. Ils se sont donc liés à la fondation MasterCard et au projet STRYDE (Strengthening Rural Youth Development Through Enterprise) de TechnoServe pour leur club d’entrepreneuriat.
Sam Kalimba, élève de terminale à Agahozo Shalom, prévoit d’ouvrir une exploitation où il cultivera de la pastèque grâce au savoir qu’il a engrangé pendant les cours.
« Au Rwanda, nous avons un problème, c’est que la majorité des jeunes sont au chômage », explique Kalimba. Presque 60 % de la population est âgée de 24 ans ou moins. « Quelle est la manière de venir à bout de ça ? Créer des emplois. On ne pourra régler le problème du chômage qu’en travaillant sur l’esprit d’entreprise des jeunes pour qu’ils puissent créer leurs propres emplois et peut-être même embaucher les autres. C’est la différence qui existe entre chercheur d’emploi et créateur d’emploi. »
Cette attitude mène de nombreux jeunes au Rwanda à tenter leur chance dans le secteur high-tech, même quand ils n’ont pas beaucoup d’expérience.
« Bien sûr, le changement est toujours un gros problème mais une chose qui est bien avec le Rwanda, c’est que si vous offrez quelque chose qui facilite la vie d’une manière ou d’une autre, les gens sont prêts à l’adopter », s’exclame Patrick Nsenga Buchana, fondateur et directeur-général de l’AC Group, une entreprise qui est l’une des plus belles réussites du Rwanda en matière de technologie.
L’entreprise a développé une carte intelligente pour les transports publics et qui est compatible avec le système urbain chaotique à Kigali. « Les gens s’enthousiasment pour la technologie et finalement, il y a beaucoup d’innovations qui apparaissent. Toutes les innovations ne concernent pas la résolution des problèmes mais c’est beaucoup plus facile de lancer une nouveauté aujourd’hui que ce n’était le cas il y a trois ou cinq ans », estime-t-il.
« Ici au Rwanda, nous tentons de construire le pays et tout le monde a besoin de faire quelque chose pour apporter sa contribution au développement », explique Gladys Inabeza, qui développe actuellement un site Internet appelé « Hitamo », ce qui signifie « choisir » en Kinyarwanda.
C’est une version locale de Yelp qui permet de comparer les services, comme ceux des banques, des assurances, les forfaits de téléphonie mobile et les offres faites dans le secteur des transports, de manière à ce que l’utilisateur puisse faire des choix avertis en accédant aux renseignements nécessaires.
Inabeza travaille sur son projet à K-Lab, entourée de jeunes gens qui portent l’uniforme international des Hipsters, composé de pantalons serrés et de chaussures colorées. Elle est lauréate de l’un des quelques ‘hackathons’ parrainés par le gouvernement.
Sa dernière application, « Guruza », un programme de prêt financier en peer-to-peer, a remporté l’un des hackathons en 2016 mais l’entreprise a rencontré des difficultés concernant l’assurance à apporter aux prêts souscrits. Elle et ses partenaires ont donc mis ce projet de côté le temps que les régulations bancaires puissent s’adapter aux nécessités de la technologie qu’ils ont développée.
« [Le gouvernement] organise de nombreux concours pour les start-ups et les gagnants gagnent une somme d’argent qui leur permet de lancer leur entreprise », explique-t-elle. « Le gouvernement nous aide également à trouver des investisseurs ».
L’un des défis les plus importants mentionné fréquemment par les investisseurs dans le secteur high-tech est le manque de capital risque disponible pour les start-ups au Rwanda. Ces dernières, qui ont besoin de flux de liquidités massifs lorsqu’elles arrivent sur le marché, sont obligées de chercher à l’étranger, peu de gens dans les pays ayant les ressources ou les connexions pour obtenir les financements requis.
En partie pour répondre à ce défi, le Rwanda a lancé un support d’investissement de capital risque d’une valeur de 100 millions de dollars appelé le Fonds d’innovation rwandais. Le gouvernement en finance 30 % et des capitaux internationaux privés viennent fournir la différence. L’objectif de ce fonds est d’investir dans « la technologie d’innovation en croissance initiale », selon Emmanuel Habumuremyi, conseiller de Jean Philbert Nsengimana, ministre de la Jeunesse et des TCI, la branche du gouvernement consacrée à la promotion des technologies.
Le ministère des TCI a fusionné en 2012 avec le ministère de la Jeunesse dans le cadre d’un plan visant à encourager les jeunes à adopter la technologie comme moyen de contribuer au développement et de créer des emplois. K-Lab, dont l’aventure a commencé en 2012, se situe en face du ministère.
« Le gouvernement du Rwanda est convaincu que l’innovation fleurit lorsqu’elle est conduite par le secteur privé », déclare Habumuremyi. « Mais le rôle du gouvernement est toujours de garantir que les écosystèmes croissent dans les meilleures conditions ». Le Rwanda offre également un visa spécial pour l’entrepreneuriat dans les technologies de l’information, plus facile à obtenir qu’un visa commercial traditionnel, et ce pour encourager les spécialistes en technologie du monde entier à travailler dans le pays.
Un autre défi est la culture technologique, qui est encore en train de se développer. « [Nos parents] ne bénéficiaient pas de la technologie », rappelle Hallellua. « Alors, si quelqu’un veut entrer dans l’entrepreneuriat, parfois les choses ne se concrétisent pas dès le lendemain. Si vous allez dans un champ et que vous plantez un bananier, vous le verrez dès le jour suivant. Parce que les gens se retrouvent à gérer des produits intangibles, ce n’est pas facile de convaincre l’environnement de l’accepter ». Il explique que même si la population semble s’habituer à l’idée des entreprises de technologie, il faut encore lutter pour trouver du soutien dans une économie où 90 % des habitants travaillent dans l’agriculture.
« C’est la différence avec Tel Aviv où quand un jeune dit :’Je travaille sur cette application’, les parents – qui ont été exposés à cette technologie et qui ont été les témoins de la manière dont ce secteur peut faire évoluer une existence – vont apporter leur soutien », dit Hallellua. « Peut-être que ce ne sera même pas un soutien financier mais simplement un environnement qui va dire : ‘Continue sur cette lancée, continue à travailler' ».
Made in Africa
L’AC Group a commencé en tant que solution apportée à un problème simple – des entreprises de bus perdaient jusqu’à 30 % de leurs bénéfices parce qu’il n’y avait pas d’enregistrement des transactions des tickets et que les vendeurs empochaient un pourcentage. L’entreprise a créé un programme de carte intelligente Tap&Go qui couvre maintenant 75 % des lignes de bus de Kigali et qui s’est étendue au Cameroun, en attendant un futur développement au Ghana et en Ethiopie.
« Si je veux faire quelque chose et si ça marche au Rwanda, alors très probablement ça va marcher dans un certain nombre de pays parce que les défis des villes en développement sont très généralement les mêmes », indique Nsenga Buchana, directeur-général de l’entreprise.
« Nous avons certains pays en ce moment qui pensent encore que les meilleurs produits doivent venir forcément d’Europe ou des Etats-Unis. Ils n’ont pas confiance dans un pays africain, ce qui est très étrange ».
Il note que la flexibilité de la technologie permet d’adapter les solutions et de les appliquer rapidement aux autres pays avec de simples modifications culturelles d’ampleur modeste. Le système de bus au Rwanda est le même qu’au Cameroun, et à des années lumières du système des transports de Londres.
« Il y a beaucoup de potentiel au Rwanda : c’est un pays petit tout comme Israël mais il y a un marché énorme dans le reste de l’Afrique », dit-il. « Pour tout pays qui veut se lancer en Afrique, le Rwanda est le meilleur lieu pour avoir son siège en raison de l’organisation dans le pays, et de la sécurité ».
Le Rwanda reste populaire pour les entreprises internationales et les organisations gouvernementales parce que son territoire est plus sûr et qu’il est plus facile d’y faire du commerce que dans les pays environnants. Dans les 23 années qui sont passées depuis le génocide, le Rwanda s’est développé d’une manière qui a dépassé toutes les attentes.
Sa croissance annuelle stable de 8 % enregistrée dans son PIB au cours des 15 dernières années l’a catapulté au-delà de ses voisins qui luttent encore, et le Rwanda est maintenant un pays ordonné, doté d’excellentes routes, de villes impeccables. La corruption y est presque inexistante et les institutions gouvernementales y sont efficaces.
Certains groupes internationaux comme Amnesty International et l’Union européenne affirment que le gouvernement est un petit peu trop efficace – en 2015, 98 % des Rwandais ont voté en faveur d’un amendement constitutionnel qui permettait au président Paul Kagame, au pouvoir depuis l’an 2000, de se présenter pour quatre mandats supplémentaires – ce qui le laisserait à la tête du pays potentiellement jusqu’en 2034. La communauté internationale a condamné ce vote et le président américain Barack Obama l’a qualifié de « premier pas sur un chemin périlleux » dans un discours prononcé devant l’Union africaine.
Kagame est largement fêté dans l’arène internationale pour ses travaux de développement, et il a pris la parole lors de la conférence de l’AIPAC au mois de mars.
Toutefois, il n’y a pas de liberté de la presse dans le pays et le gouvernement contrôle étroitement de nombreux aspects de la vie quotidienne, en exigeant notamment un service communautaire mensuel.
Malgré l’engagement gouvernemental auprès des initiatives technologiques, il y a encore un certain nombre d’obstacles. Le pays est en train d’installer les structures pour des accès à Internet à haut-débit par fibre optique à travers le pays. L’accès actuel à Internet est intermittent et lent, y-compris à Kigali.
Même lorsque cette infrastructure sera prête, les ordinateurs et les connexions à Internet resteront outrageusement onéreux et même parfois hors de portée pour les Rwandais. Le revenu moyen dans le pays est de 718 dollars par an, ou moins de 2 dollars par jour.
Environ 70 % des Rwandais ont des téléphones cellulaires mais seulement 20 % bénéficient d’un accès Internet.
Le coût des smartphones a plongé ces dernières années et certains peuvent coûter aux environs de 20 dollars, ajoute Hallellua. Mais les données Internet pour les smartphones sont plus chères au Rwanda que dans les pays voisins, et la majorité des gens achètent des forfaits sans abonnement pour environ 1 dollar par gigabyte.
Davantage d’entrepreneurs se consacrent aux applications Internet et aux logiciels internes qu’aux applications téléphoniques, parce que ces dernières ne sont pas communes à part à Kigali, dit Hallellua.
« Le Rwanda est un laboratoire », explique Stever, le co-fondateur du Bureau, l’espace de co-working trendy situé dans le centre de Kigali, rempli de plantes vertes et animé du bruit des doigts qui frappent sur les claviers. « Vous pouvez piloter de nouvelles idées ici et les transférer dans la région », ajoute-t-il.
« Nous devons construire encore davantage d’entreprises qui auront grandi en Afrique ».
‘Le Rwanda est un laboratoire, vous pouvez piloter de nouvelles idées ici et les transférer dans la région’
Comme de nombreux expatriés au Rwanda, Stever était venu à l’origine pour travailler sur des projets de développement. Mais il a bientôt perdu ses illusions face aux procédés utilisés par le milieu du développement humanitaire, sentant qu’il n’offrait pas suffisamment d’opportunités de leadership, de propriété communautaire ou de responsabilités.
« Je voulais que [le Bureau] soit l’opposé d’un projet de développement, sans financement descendant », dit-il. Lui et ses deux partenaires se sont lancés dans l’aventure il y a quatre ans avec 10 000 dollars prélevés sur leurs propres deniers, 70 mètres carrés d’espace de bureau, « et il a fallu lutter pour prendre l’immeuble entier », explique-t-il.
Aujourd’hui, l’entreprise est stable et elle offre un espace à plus d’une douzaine d’entreprises rwandaises qui se lancent. Elle fait maintenant partie du réseau international de l’Impact Hub, qui dirige des espaces de co-working dans le monde entier.
L’Impact Hub de Kigali possède un bar sur son toit et un espace de réunion. Récemment, parmi les activités quotidiennes organisées sur le toit, un concert de fusion jazz-musique africaine, des cours de salsa en passant par une exposition de photographies en allant jusqu’à un événement de réseautage en compagnie d’investisseurs internationaux. « Nous voulons tout ce qui peut rassembler des gens créatifs et qui ont l’esprit d’entreprise », explique Stever. « Cela fait partie de l’ADN du Rwanda. C’est un pays qui est super ambitieux ».
Back to School
Israel Bimpe travaille au Bureau, entouré par d’autres membres de la scène high-tech en herbe du Rwanda, mais il n’est pas programmateur. « En tant que pharmacien, mon rôle est de m’assurer que tout le monde peut accéder au bon médicament au bon prix », dit-il. « La disparité qui survient lorsque quelqu’un vit dans un endroit éloigné et dans la manière où on accède à la médecine ou aux services de diagnostic, comme à n’importe quel service de santé, est quelque chose qui m’a véritablement touché ».
Bimpe, 24 ans, est le manager au Rwanda de l’entreprise Globhe, qui coordonne des fournisseurs de drones médicaux dans différents pays. Au lieu de rester pendant des jours penché sur un clavier à écrire des codes, Bimpe travaille en tant que négociateur entre les ministères gouvernementaux de la Santé et de l’Aviation et des entreprises internationales qui fournissent des services de drone.
Au Rwanda, Globhe, une entreprise des Pays-Bas, travaille aux côtés de Zipline, une compagnie américaine qui fournit des services de drones. « La manière dont ils gèrent ces services est très délicate, mais ce que j’aime dans le travail au Rwanda, c’est que le gouvernement a la volonté de se risquer dans de telles initiatives », raconte-t-il.
Toutefois, le soutien apporté par le gouvernement doit être appuyé par un meilleur enseignement et de meilleures aptitudes, affirme Bimpe. Il note que tous les techniciens de drone compétents de son entreprise viennent de l’étranger parce que le Rwanda ne dispose pas de structures d’enseignement capables de former les gens à travailler dans ce secteur.
Bimpe explique avoir salué l’ouverture de campus d’universités américaines et européennes au Rwanda, en tant qu’option permettant d’étudier à l’étranger mais qui offrent également de nombreuses opportunités aux étudiants rwandais. La Carnegie Mellon University a un campus juste en dessous de K-Lab, dans le même immeuble que le ministère de la Jeunesse et des TCI.
Cette force internationale est un bon catalyseur dans la mesure où le système rwandais de l’éducation lutte pour pouvoir offrir des enseignements à une population sans cesse en augmentation. « Le programme [du gouvernement] est parfois passé de mode », dit Hallellua. « Les politiciens doivent renverser le système d’éducation, enseigner aux gens comment résoudre de manière pratique les problèmes rencontrés par l’humanité et pas seulement écrire des rédactions conceptuelles où tout est théorique ».
Changer l’image du Rwanda
« C’est un peu embarrassant quand vous allez dans une autre partie du monde et que la première chose que les gens disent à votre sujet, c’est ‘Oh, vous êtes du Rwanda ? Est-ce que le génocide n’a pas eu lieu là-bas ? Pourquoi est-ce que c’est arrivé ?’ « , déclare Hallellua. « La technologie, c’est le meilleur moyen de changer l’image du Rwanda. C’est à nous de faire en sorte de montrer combien le Rwanda a parcouru de chemin ».
K-Lab a pour objectif d’aider 15 entreprises par an à réussir sur le marché local. Depuis l’ouverture de l’espace de co-working, il y a quatre ans, 64 entreprises associées à K-Lab sont devenues viables. K-Lab a également lancé Fablab, un espace installé de l’autre côté du couloir rempli de matériels, comme des machines laser à couper ou des imprimantes 3D pour faire des inventions technologiques.
Au cours des dix prochaines années, K-Lab veut voir 100 entreprises évaluées pour chacune d’elles à plus de 50 millions de dollars. Hallellua note que cela viendrait ajouter 55 milliards de dollars à l’économie, avec un PIB actuel qui s’élève à 7 ou 8 milliards de dollars.
Le gouvernement utilise d’ores et déjà un portail e-gouvernemental appelé Irembo (« Passerelle »), et qui permet aux citoyens de remplir des formulaires pour des certificats de naissance, des visas ou des permis de conduire sans devoir se rendre dans un bureau administratif de l’état. Parce que l’accès aux ordinateurs et que l’alphabétisme restent faibles, il y a des kiosques Irembo dispersés dans les villages, où les gens peuvent venir pour remplir les dossiers sur un ordinateur public avec l’aide d’un assistant formé pour cela.
« Le génocide appartient au passé, maintenant nous grandissons et nous tentons de dépasser les effets du génocide afin de pouvoir construire le pays comme on en rêvait », explique Inabeza, du site Internet ‘Hitamo’, la version rwandaise de Yelp.
« Le génocide a été une leçon pour nous tous – même si le problème est qu’il y a vingt-cinq ans, nous n’étions pas encore nés, et nous ne pouvons pas donc savoir comment était le pays avant le génocide. Nous constatons à travers l’histoire que la technologie a aidé les populations », ajoute-t-elle. « La technologie est l’une de ces choses qui permettra au pays de croître très rapidement, et de gagner un nouveau nom ».
Au dernier étage du bureau, plus de 200 personnes ont dansé au son du groupe populaire appelé Kinga Blues lors du concert nocturne gratuit organisé chaque lundi. Les élèves d’un cours de danse moderne du Kenya se sont pour leur part emparés de la piste de danse tandis que les lumières de Kigali étincelaient au loin, traçant l’horizon vallonné de la ville.
« C’est un beau pays, le plus beau pays dans lequel voyager », s’exclame Bimpe. « Nous partageons avec Israël, de nombreuses manières, nos histoires passées et la résilience est ce qui nous a permis de rester forts après les moments dramatiques traversés par nos communautés ».
« Quand les gens entendent « génocide », c’est la seule chose dont ils peuvent se souvenir, mais ce n’est qu’une rétrospective », ajoute-t-il. « S’ils regardent le Rwanda de plus près, ils verront les statistiques du développement qui sont enregistrées. Nous nous battons pour apporter des solutions aux problèmes connus dans nos communautés et pour ne pas reculer face aux défis que le monde nous pose ».
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