Le voyage musical d’Itzhak Perlman et ses 50 ans de mariage
De sa naissance en Israël, au show Sullivan et son combat contre la polio, un nouveau documentaire retrace la vie du virtuose du violon le plus renommé au monde

JTA – Itzhak Perlman, sans doute le violoniste le plus célèbre au monde, a répondu à beaucoup de questions au cours de ses 50 années de carrière. Mais lorsqu’on lui demande si son héritage religieux a influencé son jeu, il semble perplexe. « Je suis un violoniste. Je suis juif, ce qui fait de moi un musicien juif », a-t-il dit récemment à JTA au téléphone depuis Singer Island, en Floride, où il s’est produit. « Je suis un musicien qui devient subitement juif. Quand je joue du klezmer … »
Il n’arrive pas à finir sa réponse car il est interrompu par Toby, sa femme depuis plus de 50 ans.
« Je pense que ce n’est pas vrai », dit-elle en arrière-plan. « Je pense que tu es l’incarnation d’un juif avec un violon. »
Perlman, 72 ans, fait l’objet d’un nouveau documentaire, « Itzhak », projeté vendredi à New York et qui sera diffusé à Los Angeles le 16 mars prochain en attendant une sortie plus globale. Sa judaïté n’est pas au premier plan – le film couvre toute sa vie, depuis sa naissance en Israël et ses premiers combats contre la polio, jusqu’à son apparition au « Ed Sullivan Show », et les concerts qu’il a joués dans le monde entier.
Dans une scène, il partage un repas de Shabbat avec ses enfants et petits-enfants. (Il ne voyage ni ne joue le vendredi soir.) Dans une autre, en tournée en Israël, il emmène la réalisatrice Alison Chernick déambuler dans des rues qui portent le nom de personnages célèbres de l’histoire israélienne et juive. Ensuite, il reçoit la visite d’une amie de Boston, qui se demande si les cornichons qu’elle a apportés en cadeau portent le symbole « K » kasher sur l’étiquette.
Le film est plus intéressant quand il montre Perlman à des moments privés, souvent en conversation avec Toby. Le couple s’est rencontré dans un camp de vacance musical, et après l’avoir entendu jouer une seule fois, Toby est allée déclarer sa flamme au virtuose israélien, alors âgé de 17 ans.
« J’étais désespérément amoureuse de lui », dit-elle dans le film. Perlman a eu une autre petite amie par la suite, mais finalement il est revenue à elle, et ils se sont mariés en 1967.
À un moment du film, Toby fait remarquer qu’une note qu’il a jouée était fausse.
« A propos de son jeu, personne d’autre ne va être honnête avec lui », dit-elle à JTA. « Tout le monde va lui dire ‘tu es génial’ « , moi aussi. Est-ce que je pense qu’il est le meilleur ? Oui. Mais si je crois percevoir une mauvaise habitude dans son jeu, je lui dirai … Je suis honnête. »
Perlman n’a pas reçu beaucoup de critiques sur son jeu au cours des dernières décennies. Le natif de Tel Aviv est tombé amoureux de son instrument à l’âge de 3 ans, lorsqu’il a entendu le légendaire violoniste juif Jascha Heifetz jouer à la radio.

« C’est très intéressant de savoir pourquoi les enfants préfèrent tel ou tel instrument. C’est celui qui te parle. Le son du violon m’a juste plu. Je voulais faire ça », a-t-il dit dans l’interview téléphonique.
Mais Perlman a fait face à des difficultés. Il a contracté la polio à 4 ans. C’était à la fin des années 1940, Israël était une jeune nation et ses équipements médicaux étaient limités. Beaucoup sont morts de la maladie, même dans les pays les plus avancés. Une partie de son traitement impliquait l’inhalation de fumée de parchemin brûlant sur laquelle des dictons religieux avaient été écrits.
Perlman a survécu, avec des jambes paralysées, et a continué à transfigurer la musique. Pourtant, de nombreux experts ont vu son handicap comme un élément décourageant pour sa carrière musicale. A 13 ans, il a attiré l’attention de Sullivan – qui a envoyé des recruteurs de talents en Israël pour son show de variétés immensément populaire. Il a finalement visité l’État juif lui-même.
Dans le documentaire, Perlman admet qu’il soupçonne Sullivan de l’avoir amené à New York autant pour l’impact de son handicap que pour son talent de violoniste. Néanmoins, le show joué en 1958 a été un énorme succès. Le reste est de l’histoire – il a joué à la Maison Blanche, en concert avec Billy Joel, avant un match des Mets à New York et avec d’innombrables orchestres dans le monde.
Après avoir remporté le Prix Genesis 2016 – connu sous le nom de « Prix Nobel Juif » – il a consacré un million de dollars à des projets favorisant l’inclusion des personnes handicapées dans la vie juive, la société israélienne et la musique classique.

Le film illustre la générosité de Perlman. Lorsqu’on le voit rendre visite à un ami qui accorde son violon avant une tournée et enseigner à des élèves doués dans l’un de ses nombreux ateliers, il apparaît moins comme un géant de la musique classique que comme un ami.
Cependant, il n’aime pas beaucoup les interviews.
« Vous avez posé assez de questions », dit-il à un moment donné, et il demande à Toby de décrocher le téléphone.
Heureusement, elle est une fine observatrice du maestro.
« Il ne sait pas grand-chose de lui-même, parce que cela vient tellement naturellement », dit-elle. « C’est comme respirer. Nous ne pensons pas à respirer, et c’est ainsi qu’il joue. »
Il y a une chose dont Perlman est particulièrement conscient : il a un don qui ne peut être enseigné.
« Vous pouvez presque tout enseigner avec une exception : la magie qui rend les performances spéciales. Vous pouvez avoir deux personnes – les deux géniales – jouer le même morceau, et l’une vous touchera, pas l’autre », a-t-il dit.