L’économie de la high-tech perd beaucoup en marginalisant les femmes – étude
Une étude intermédiaire montre qu'en Israël, en Norvège et en Suède, 12 % à 15 % seulement des entrepreneurs sont des femmes ; Pourquoi ? Est-ce la faute de l'écosystème ?
Israël, la Norvège et l’Irlande ont beaucoup en commun, semble-t-il. Ce sont des pays à haut-revenu, selon la Banque mondiale ; ils sont tous considérés comme ayant une population limitée (c’est Israël qui a la plus modeste par mètres-carrés) et tous bénéficient d’un écosystème technologique prospère. Et ils partagent aussi encore une chose : Une absence aiguë des femmes à la tête des entreprises technologiques.
Et en effet, selon deux chercheuses israéliennes, la professeure Sibylle Heilbrunn, doyenne de l’école des Sciences sociales et des Sciences humaines au Kinneret College, sur le lac de Tibériade et Caren Weinberg, maître de conférences spécialisée dans l’innovation et l’entrepreneuriat au Centre académique Ruppin, les femmes ne représentent que 12 % à 15 % du nombre total d’entrepreneurs technologiques dans ces économies pourtant en pointe.
Les chercheuses étudient les variations transculturelles dans les écosystèmes technologiques du point de vue de l’égalité entre les sexes et elles dirigent un projet comparant les quatre pays susmentionnés – Israël, l’Irlande, la Norvège et la Suède. Leur étude entre dans le cadre d’une initiative internationale de recherche sur les inégalités hommes-femmes qui a été financée par le programme GenderNet Plus, qui fait partie du programme de l’Union européenne Horizon 2020, et qui vise à renforcer l’égalité.
« Nous tentons de comprendre la sous-représentation des femmes dans l’écosystème technologique en tant que cheffes d’entreprise, » explique Heilbrunn au cours d’un entretien téléphonique. « Il y a très peu de femmes entrepreneures dans ces écosystèmes hi-tech ».

Les nations se distinguent et se rassemblent sur de nombreux points. Elles disposent toutes d’agences d’innovation publiques consacrées à la promotion de l’entrepreneuriat et à celle des écosystèmes d’innovation. En 2019, les quatre pays se sont tous classés dans le Top 15, parmi 141 pays en matière d’innovation et de compétitivité, avec la Suède et Israël qui ont occupé les meilleurs rangs.
Parmi les différences, le fait qu’Israël présente les plus grandes inégalités de revenu entre les quatre nations et que l’Etat juif est à la dernière place en ce qui concerne l’indice de développement humain. Le pays présente également les plus grosses dépenses en recherche et développement (R&D) et les plus grandes disparités entre les salaires des hommes et les salaires des femmes.
La Suède et la Norvège s’enorgueillissent de meilleures prestations sociales, et se démarquent en termes de distribution des revenus. Israël est dernier en matière d’égalité entre les sexes, et ses congés parentaux et ses structures pour accueillir les enfants des parents qui travaillent sont considérées comme moins efficaces en termes de soutien à la vie professionnelle. En Norvège, il est plus facile de créer une entreprise – viennent ensuite la Suède, l’Irlande et ensuite seulement l’Etat juif. L’Irlande et Israël sont des sociétés plus conservatrices contrairement à la Norvège et à la Suède, plus libérales.
Les femmes qui travaillent dans le secteur technologique, dans ces pays forts de toutes leurs différences et de toutes leurs ressemblances, restent néanmoins obstinément sous-représentées.
« Il y a moins d’entrepreneures femmes, avec pour résultat logique qu’il y a moins de femmes dans les incubateurs technologiques, qu’il y a moins de femmes qui fondent des start-ups et qu’il y a moins de femmes dans une grande variété de rôles dans tout l’écosystème technologique », déclare Heilbrunn.

Les chercheuses doivent encore en découvrir la raison et l’étude durera jusqu’au mois de juillet 2022, lorsque des réponses auront, avec un peu de chance, été trouvées ou – et c’est le plus important – quand il y aura des suggestions à faire pour égaliser les statistiques.
« Pour le moment », commente Heilbrunn, « nous ne pouvons faire que des spéculations pour expliquer ce phénomène ».
« Dans tous ces pays, l’écosystème est dominé par les hommes, il est très masculin et on s’attend plutôt à ce que les femmes s’adaptent à l’écosystème plutôt qu’à ce que l’écosystème s’adapte lui-même aux besoins des femmes », continue-t-elle.

Des recherches antérieures ont aussi montré que les femmes étaient, en général, plus réticentes que les hommes à prendre des risques – ce qui est un ingrédient nécessaire pour les entrepreneurs. « Le degré élevé de risque que représente la création d’une start-up fait peut-être hésiter les femmes à entrer sur le terrain », dit-elle. Il peut y avoir également une certaine frilosité à l’idée d’entrer dans le cadre d’un « équilibre de vie travail-non-travail » 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, note-t-elle.
Les décisionnaires politiques irlandais, suédois et israéliens reconnaissent tous la nécessité de combler l’écart entre hommes et femmes et d’accroître le nombre de femmes dans l’écosystème de la high-tech, et ils ont mis en place des programmes à cette fin, comme c’est le cas du Plan d’action pour les femmes dans l’entreprise en Irlande, du Programme national d’entrepreneuriat des femmes en Suède et du Programme d’incitation aux start-ups dirigées par des femmes en Israël. La Norvège, toutefois, a conclu des programmes spécifiques visant à dynamiser l’entrepreneuriat féminin et la nation considère avoir d’ores et déjà avancé vers une réelle égalité.
« Les femmes constituent 51 % de la population dans le monde », déclare Heilbrunn. « Si l’écosystème ne leur offre pas d’opportunité égalitaire de participer, en raison d’obstacles ou de normes culturelles, alors l’économie perd une force puissante qui permettrait d’augmenter, de renforcer et de dynamiser l’impact économique dans l’intérêt de toute la société dans son ensemble ».