Les baigneurs, à Tel Aviv, espèrent former une ‘bulle’ anti-Netanyahu suffisante
Les anti-Netanyahu reconnaissent ne pas représenter tout le pays mais ils espèrent encore influencer les résultats de cette ville-clé pour la victoire de Kakhol lavan

Autant Tel Aviv est une ville connue pour son ouverture et son pluralisme, autant cette diversité ne s’étend pas tout à fait à l’arène politique, où une confortable majorité de résidents se distingue par son vote en faveur des partis du centre et de la gauche – et où les habitants seraient plutôt enclins aujourd’hui à vouloir détrôner le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Dans le scrutin qui a eu lieu il y a cinq mois, plus de 67 % des électeurs de la deuxième plus importante métropole du pays avaient soutenu ces factions.
Des données démographiques qui se sont encore confirmées sur les plages de Tel Aviv aux premières heures du vote national de mardi.
Sur la plage connue sous le nom de « Dog beach », dans le nord de Tel Aviv, plusieurs adolescents de la formation centriste Kakhol lavan se dirigent ainsi vers deux électeurs potentiels se dirigeant vers les vagues en compagnie de leurs chiens après une partie de balle endiablée et sablonneuse.
« Nous sommes avec vous, nous sommes avec vous », crient les propriétaires des canidés avant même que les militants ne puissent seulement prononcer un mot.
« Avec un peu de chance, ce sera le cas de vos amis aussi ! », rétorque l’un des militants.
« Camarades, on est à Tel Aviv. Vous croyez vraiment que les gens, ici, veulent quatre années supplémentaires de Bibi ? », se fend le jeune homme qui approche la trentaine en se référant à Netanyahu par son surnom, tout en jetant de l’eau en direction de son Labrador qui aboie.

Ces propos sont une douce musique aux oreilles de Benny Gantz dont le parti Kakhol lavan a exprimé son inquiétude sur une faible participation électorale possible dans cette ville considérée comme cruciale pour sa victoire.
De hauts-responsables de Kakhol lavan ont indiqué aux médias en hébreu, lundi, qu’un taux de participation électorale de 70 % à Tel Aviv pourrait probablement offrir un siège supplémentaire à la formation – ce qui représenterait un élément décisif dans un scrutin dont l’issue se jouera probablement dans un mouchoir de poche.
63 % des résidents en capacité de voter (ils sont 426 398 dans la ville) avaient déposé un bulletin dans l’urne en avril, contre une moyenne nationale de 68,5 %.
Mardi, c’est la journée des femmes sur la plage réservée aux Haredim, au nord de Dog beach, et ce journaliste s’est trouvé dans l’impossibilité d’y pénétrer. Mais aux abords de la porte se trouvent deux mères avec des poussettes, cherchant à prendre un peu le soleil avant de retourner dans la municipalité voisine de Givat Shmuel pour y voter pour la formation ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah.
« Nous savons que nous n’incarnons pas exactement la norme ici mais pour vous dire la vérité, je suis heureuse qu’il y ait des gens qui votent pour la gauche », s’exclame l’une des deux jeunes mamans qui a demandé à n’être identifiée que sous le prénom de Malka. « Je ne voudrais pas vivre ici mais, c’est sûr, ces villes de gauche sont agréables à visiter ».

Hilton Beach, deux plages plus loin, est connu pour être un lieu incontournable pour les baigneurs locaux et internationaux appartenant à la communauté gay. A 9 heures 30 du matin, l’endroit est encore largement vide – les noctambules ayant fait la fête jusqu’au petit jour s’éveillant tout juste à cette heure-ci à l’occasion de cette journée de congé.
Mais Ofir a néanmoins déjà pris sa place sur le sable et fait un peu de yoga, profitant du soleil encore bas.
« Je ne m’intéresse pas autant que ça à la politique mais je pense que je vais voter pour Kakhol lavan », dit-il, visiblement ennuyé d’avoir été dérangé au beau milieu de la posture du chien tête en bas.
En descendant encore Hilton Beach, un jeune couple, âgé d’une vingtaine d’années, installe ses serviettes sur les fauteuils de plage orange de la municipalité. Carmel et Elbaz plaisantent d’abord, disant qu’ils doivent être « les seuls électeurs de droite dans un périmètre de plusieurs kilomètres ». Lui votera pour Yamina et elle accordera son suffrage au Likud.
« Walla, mon frère, les choses ne vont pas si mal ici », dit Elbaz avec un haussement d’épaules. « Je crois que ce coup-ci, on finira par avoir un gouvernement d’unité mais je doute que ça entraîne beaucoup de changement ».

Pour leur part, Shira et Doron enduisent de crème solaire leurs deux très jeunes enfants à Mezizim Beach.
Ils admettent qu’ils n’ont pas encore décidé pour qui ils allaient voter.
« Cela va être entre Kakhol lavan et le Meretz (Camp démocratique) mais en définitive, ça va dépendre d’Uri », dit la jeune mère en désignant du doigt son plus jeune fils, confié aux bons soins de son père qui lui passe de la lotion solaire et qui tient un sac de bonbons au beurre de cacahuète.
Bafouillant sous le coup de l’excitation, le visage recouvert de crème qui n’a pas encore été étalée, le tout petit s’écrit : « Gantz ! »
Plus loin, les réponses données par les baigneurs sont largement homogènes. Plusieurs douzaines d’électeurs de Kakhol lavan et une poignée d’exceptions qui ont prévu de déposer un bulletin dans l’urne au nom du Likud, du Camp démocratique, de Yamina ou de la Liste arabe unie.
A Frishman, la famille Geula, originaire de Nes Ziona, s’est installée autour d’une table en plastique après avoir bu quelques petits verres d’Arak.
« Journée de vacances, non ? », interroge Shai. Son épouse, ses deux frères et ses belles-soeurs avaient fait le même déplacement à la plage le jour des élections du mois d’avril.

La famille Geula est divisée : Les hommes soutiennent le Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu et les femmes prévoient d’apporter leurs suffrages à Kakhol lavan, plus tard dans la journée.
« Elles prétendent que c’est une affaire de quota de femmes mais, vous voyez, il n’y a pas de femmes en tête de liste chez Gantz », dit Shai.
« Il n’y a pas non plus de femmes sur la liste de Bibi. Seulement la ministre de la Culture Miri Regev, et elle est dingue ! », clame son épouse, qui s’appelle elle aussi Miri.
A côté, il y a Yuval, 57 ans, résident de longue date de Tel Aviv qui explique hésiter encore entre le Camp démocratique et la Liste arabe unie.
Yuval dit avoir longtemps apporté sa voix au Meretz – la formation de gauche qui a fusionné avec le parti démocrate israélien d’Ehud Barak pour finalement former le Camp démocratique – mais qu’il est enclin, cette fois-ci, à apporter son soutien à un parti israélien arabe.
« La Liste arabe unie est le seul parti qui parle de l’occupation. Même le Meretz ne l’a pas fait ce coup-ci », déplore-t-il en se référant à l’accent mis pendant la campagne du Camp démocratique sur l’opposition à la coercition religieuse plutôt que sur le conflit israélo-palestinien.

« De plus, la rhétorique adoptée par Bibi à l’égard des Arabes est devenue incontrôlée et je pense donc que leur parti mérite mon vote », dit l’homme qui prend le soleil, torse nu, sur la chaise de plage orange.
Répondant à la critique que les habitants de Tel Aviv vivraient dans une bulle, hors de la réalité du reste de la société, Yuval affiche un certain dédain.
« Vivre dans une bulle ne signifie par pour autant que nous n’avons pas de cerveau », riposte-t-il.
A 11 heures du matin, la plage de Gordon commence à se remplir. Parmi les arrivants, la famille Shaul qui, entre deux bouffées de cigarettes, explique voter pour Kakhol lavan.
« Et ce n’est pas exactement par amour pour Gantz », indique l’une des sœurs, d’un âge moyen. « Mais ça suffit. Le pays ne peut pas se permettre un autre mandat de Bibi ».

Un homme plus âgé assis derrière elle et entendant la conversation sourit et hoche la tête.
« Comment peut-on à ce point n’être pas en phase avec les événements ? », interroge l’homme, originaire de la ville voisine de Holon.
« De nombreuses contributions pour le pays viennent de Tel Aviv, mais nos points de vue politiques seraient non-valables ? », rétorque Talia Shaul.
« Valables ou pas, la majorité du pays est en désaccord avec vous », répond l’habitant de Holon.
« On verra, on verra », crie Talia derrière son épaule, avant que les deux interlocuteurs ne retournent vaquer à leurs occupations.
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