Les cow-boys du Golan créent une coopérative pour du bœuf de première qualité
Les bovins ont besoin d'une vie calme pour une viande tendre. Mais pour les éleveurs qui font face à un manque de demande pour les produits locaux, ce n'est pas si facile
- Le bétail du plateau du Golan, errant dans les verts pâturages de la région (Avec l'aimable autorisation de Mire Golan)
- Un éleveur du plateau du Golan rassemblant le troupeau (Avec l'aimable autorisation de MIre Golan)
- Bien que le plateau du Golan soit considéré comme la meilleure région d'Israël pour l'élevage du bétail, le climat local change et il ne fait plus aussi froid ou pluvieux qu'autrefois (Avec l'aimable autorisation de Mire Golan)
- Vaches Simmental paissant dans les pâturages du plateau du Golan (Avec l'aimable autorisation de Mire Golan)
- Rassemblement du troupeau sur le plateau du Golan (Crédit : avec l'aimable autorisation de Mire Golan)
C’est une journée ensoleillée et aérée. Thierry Moens se tient dans un pâturage avec l’une de ses vaches, lui caressant le dos pour l’encourager à brouter.
Le reste du troupeau de Moens, des Simmental nourries à l’herbe, qui produisent une viande tendre et délicatement persillée, était hors de notre vue, probablement en train de brouter de l’herbe fraîche quelque part, dans le champ de plus d’un millier d’hectares.
« Mes filles savent où aller », a déclaré Moens, en parlant de son troupeau.
L’éleveur de bovins belge, vêtu d’un gilet de pêche usé et de bottes en caoutchouc, produit de la viande avec son troupeau de 200 bêtes sur le plateau du Golan depuis 1995.

Pendant un temps, il a eu du mal à trouver client pour ses bovins soigneusement élevés.
Mais depuis 18 mois, il traite avec des collègues du plateau du Golan. Ensemble, ils forment Mire Golan, une coopérative d’éleveurs, dont Moens est le PDG, et travaillent avec un détaillant appelé Hai Bari, dirigé par une ancienne comptable de Tel Aviv, Limor Averbuch. Elle commercialise les viandes élevées localement, ainsi que certains produits laitiers de chèvre et d’agneau, sous le label Hai Bari.
En réalité, explique Averbruch, les consommateurs commencent à rechercher les produits Hai Bari, comme les vins, les fromages artisanaux et les fruits bio du plateau du Golan, qui ont fait leur entrée sur le marché israélien.
Hai Bari est le seul fournisseur de viande bio en Israël.
« Le marché israélien commence à se demander ce qu’il mange », explique Moens. « Nous n’avons pas besoin de nourrir tout le pays. Nous avons un nombre limité d’éleveurs et de bouchers, mais cela nous suffit. »
Les vingt éleveurs payent une cotisation à Hai Bari, et comptent sur Averbruch pour trouver des points de vente dans l’ensemble du pays.
« Il y a une âme chez Hai Bari », explique Moens. « Nous choisissons tout avec précaution – quel animal va chez quel boucher, comment le boucher prépare notre viande, la faisande et la coupe. »
Cowboys et cowgirl
Averbruch est rentrée dans ce secteur pour des raisons personnelles. Elle travaillait pour une société agricole suisse internationale et gérait le contrôle qualité, quand elle a commencé à s’interroger sur les origines de ce qu’elle mangeait.

Elle est devenue végétarienne avant de plonger dans le véganisme, davantage préoccupée par la nature de ce qu’elle ingérait que par la préoccupation du bien-être animal.
« Je ne savais pas comment les animaux en Israël étaient élevés, et j’avais l’impression de ne pas être la seule à penser comme cela », a expliqué Averbruch. « Je me suis demandé comment je pourrais créer cette sécurité et cette transparence pour le consommateur. »
Averbruch a passé un an à concevoir un système qui inspirerait confiance à la fois au client et au producteur.
« Je suis allée partout où les gens élevaient des chèvres et des vaches », raconte-t-elle. « Ce qui était important pour moi, c’était la vision de l’avenir qu’avaient ces producteurs. Ils souffraient aussi du manque de supervision et de transparence. Le consommateur veut acheter auprès d’une ferme qui a élevé une vache née sur place, et qui n’a pas été importée d’Australie, et il n’y avait aucun moyen de le faire. »
Une viande née, nourrie et élevée ici
En l’absence d’une demande importante de viande de qualité, les éleveurs bovins israéliens ne représentaient qu’une faible portion du marché bovin local, soit 8 %, indique Moens.
« Les importations prospèrent entre les mains de quelques monstres, elles perdent de l’argent mais ne reculeront pas », dit-elle. « Ils remplissent le marché d’animaux importés ».
Le manque de demande ne laissait que peu de pouvoir aux éleveurs, les contraignant à vendre leur viande à des prix cassés pour très peu de profit.
« La seule chose que, nous, éleveurs bovins, avons, c’est notre intégrité, parce que cette région du Golan, c’est nous ! », affirme Moens. « Nous étions convaincus que les gens préféreraient de la viande locale, du Golan, qu’ils attendraient que notre viande soit née, élevée et nourrie ici. »

Le partenariat conclu avec Averbuch et Hai Bari a permis d’élargir la diffusion des éleveurs à un éventail beaucoup plus large de clients.
Quand un éleveur décide de rejoindre Hai Bari, il est obligé de subir « une panoplie de changements », a déclaré Averbuch. Bien que de nombreux éleveurs soient prêts à respecter les normes du groupe, d’autres étaient beaucoup plus éloignés de ses exigences et ont dû assumer les coûts supplémentaires du programme.
« Certains producteurs étaient considérés comme les meilleurs du marché, mais ils ont dû réaliser beaucoup de changements pour nous, et j’ai été surprise par cela », a-t-elle dit. « Ce n’est pas une décision simple, et ce n’est pas non plus une décision économiquement viable à court terme. Il faut du temps pour faire de l’argent avec ce processus, parce qu’il ne s’agit pas seulement de vendre la vache et d’empocher l’argent. Vous commercialisez la viande, vous devez l’élever, la découper et la livrer. C’est un monde différent. »
L’éleveur israélien
En 1995, après avoir travaillé plusieurs années pour d’autres éleveurs, M. Moens a acheté sa propriété sur le plateau du Golan et a fondé Moens Cattle. Son troupeau passe la plupart de son temps à l’extérieur, divisé en groupes plus jeunes et plus âgés – « un peu comme les humains », aime-t-il à le souligner. Il a aussi des vergers d’oliviers et cultive son propre foin.
« J’aime cultiver le foin et l’enfer », dit-il en souriant.
Moens n’aime pas parler de lui ou de la façon dont il s’est retrouvé sur le plateau du Golan. Il est venu en Israël à la recherche d’un endroit pour cultiver la terre, car l’agriculture et l’élevage en Belgique sont presque impossibles pour ceux qui ne descendent pas d’une famille d’agriculteurs.
Ce n’est pas une vie facile, mais c’est celle qu’il voulait.
« Je reporte toujours des projets parce que je n’ai jamais d’argent pour le faire « , dit Moens. « Mais j’adore ce travail, c’est le genre de travail qu’il est difficile de quitter. C’est 365 jours par an, parce que vous pouvez recevoir un appel téléphonique à minuit lorsqu’un veau se trouve à l’extérieur de la clôture, ou lorsqu’un véhicule suspect vient voler du bétail, des loups ou autres prédateurs. On est des cow-boys qui faisons de la paperasse. »

Yam Goren, un éleveur voisin et ami de Moens qui gère le troupeau de 800 bêtes du kibboutz Mevo Chama et fait également partie de la coopérative Mire Golan et Hai Bari, affirme que travailler avec le bétail est un mode de vie.
« Vous pouvez ne pas rentrer à la maison pendant plusieurs jours quand il se passe quelque chose », dit Goren. « Vous devez être là si la météo l’exige ou si c’est en plein été. C’est ma responsabilité et c’est pourquoi je suis ici ».
Goren a travaillé comme ouvrier de ranch pendant une grande partie de sa vie, d’abord comme enfant au kibboutz et maintenant à plein temps. Lui et son équipe de cow-boys passent une grande partie de leur journée à cheval, parcourant les 3 200 hectares de pâturages où se trouvent les vaches.
Toutes les vaches de Mire Golan passent une grande partie de leur jeunesse en plein air. Elles naissent en plein air, ne boivent que le lait de leur mère pendant les six à huit premiers mois de leur vie et se nourrissent de l’herbe verte et rosée qui pousse pendant le bref hiver israélien. Lorsqu’il commence à faire chaud et que les champs s’assèchent, les veaux pèsent habituellement de 200 à 300 kilos, puis sont séparés de leur mère qui ne peut plus les nourrir.
« Mais jusque-là, les génisses sont très liées à leurs veaux », dit Moens. Elles accouchent de façon autonome, souvent sans l’aide des éleveurs.
« C’est très important pour nous », explique-t-il. « Je n’ai besoin d’en aider que cinq par an. Tu attends juste pendant l’accouchement, tu fumes une cigarette, tu passes un coup de fil, et tu attends que le veau sorte. »

Une fois grands, les veaux sont sevrés de leur mère très progressivement et en douceur, dit Goren.
« Et celui qui vous dit ça, était soi-disant encore en train de téter quand il avait cinq ans », ajoute-t-il en souriant.
Tous les ranchs Hai Bari élèvent des races similaires, principalement Simmental, avec quelques Angus, Brahmane et Limousine mélangées. Ce sont de gros et doux animaux qui se promènent, broutent de l’herbe et se laissent porter par le calme de la nature qui les entoure. Cela donne du bœuf frais et marbré le moment venu.
« Je pense que le goût est quelque chose de très personnel », dit Goren. « Certains aiment une espèce, d’autres aiment le bœuf plus tendre et plus gras, mais on ne peut pas faire la différence entre la viande de chacun de nos troupeaux. »

La nourriture ou l’herbe que le bétail mange est importante, note M. Moens, et le tempérament de la vache joue également un rôle dans le type de viande qu’elle va fournir un jour.
« Si elle est stressée, tous ses muscles seront durs, alors il leur faut une vie agréable, sans stress », dit-il.
Les vaches élevées pour le label Hai Bari ne sont jamais nourries aux hormones, et ne reçoivent des antibiotiques que lorsque c’est médicalement justifié. Des échantillons d’ADN de chaque veau sont envoyés périodiquement à un laboratoire au Nebraska.
« Mes vaches ne se développent pas très vite, mais elles ne meurent pas non plus », dit Moens. « Je ne suis pas un extrémiste ; nous ne sommes pas bio, mais il est impossible d’élever des animaux bio en Israël. Si vous pulvérisez l’herbe là-bas », indique-t-il en montrant les champs à quelques kilomètres de là, « cela peut se propager jusqu’ici. »
Des recherches montrent que les vaches qui vivent à l’extérieur savent ce qu’elles doivent manger et comment diversifier leur nourriture, dit Goren. Les pâturages ne sont pas bondés d’animaux, donc ils ne sont pas complètement dévorés à la fin de l’hiver, et il y a toujours de l’herbe qui reste.
« Nous ne détruisons pas nos propres champs », dit Goren.

Mais alors que le Golan possède généralement le meilleur climat en Israël pour l’élevage du bétail, le climat a changé au cours de la dernière décennie et cela crée des problèmes pour les vaches. Il y a moins de pluie et les hivers ne sont pas aussi froids qu’il y a quatre ou cinq ans.
« Je n’ai pas porté de sous-vêtements longs de tout l’hiver », dit Goren. « D’habitude, je dois mettre deux pantalons pour travailler parce qu’il fait très froid. »
Entre deux rondes à cheval, Goren et ses collègues cow-boys choisissent un endroit boueux mais confortable où ils accrochent leurs chaps [guêtres en cuir] et prennent des repas copieux : œufs brouillés, petits pains frais, fromage blanc et salade.
Leurs journées de travail commencent à 6 heures du matin et leur pâturage, l’un des plus importants de tous les ranchs locaux, se trouve à une demi-heure de route du kibboutz. Mais Goren estime que l’élevage du bétail est en fait moins stressant qu’avant, en partie grâce à l’automatisation et l’informatisation utilisées dans la gestion de l’entreprise.
D’où vient le bœuf ?
Au cours de la dernière décennie, les dépenses ont augmenté et les éleveurs restants ont à peine réussi à survivre. Ils ont été écrasés par le marché de la viande congelée, principalement de la viande de mauvaise qualité importée de plusieurs pays et « épouvantable à manger », explique M. Moens.
La plupart des Israéliens ne demandent pas d’où vient leur bœuf, dit-il. De nombreux restaurants diront que leur bœuf provient du plateau du Golan, qui est considéré comme le meilleur endroit pour élever du bœuf local, mais ils achètent en fait leur viande congelée, a-t-il accusé.

Une autre partie de l’industrie locale du bœuf importe des bovins vivants d’Australie, du Portugal et d’Europe de l’Est, les laissant dans des enclos pour s’engraisser avant de les abattre pour le marché local.
Pendant de nombreuses années, M. Moens a vendu ses bovins vivants à des fermes d’engraissement arabes, une autre partie allant au marché juif orthodoxe en raison de la certification casher qui exige que les poumons de la bête soient sains.
Mais ni l’un ni l’autre de ces marchés ne se souciait du goût et de la qualité du bœuf, a-t-il dit.
Tous les bovins Mire Golan sont élevés de la même manière, avec désormais un nombre total de 3 000 à 4 000 vaches pour le label Hai Bari.
« Lorsque nous avons commencé, nous ne savions pas combien de têtes nous pourrions commercialiser », a déclaré M. Moens. « C’est une activité si risquée qu’on a décidé d’acheter 1 000 têtes de bétail. »
Ils ont réussi à vendre presque tout dès la première année de la coopérative, et les 1 500 têtes de bétail de cette année n’étaient pas encore assez suffisantes pour les bouchers qui vendent sous le label Hai Bari.
« Nous avons dû leur dire que pendant les six prochains mois, il n’y aurait pas de viande », a-t-il dit.
Se serrer les coudes pour rester en vie
Ce genre de demande est une bonne nouvelle pour le label, mais les marges dans ce secteur ont toujours été faibles.

Le but de la coopérative n’est pas de devenir riche, mais de permettre aux éleveurs de garder la tête hors de l’eau.
« Si les ranchs ne travaillent pas ensemble, je ne suis pas sûr que nous survivrons », dit Moens. « Nous devons être créatifs pour élever du bétail de cette façon. Hai Bari nous couvre, et nous pouvons faire confiance aux gens avec qui nous travaillons. »
Goren a approuvé.
« Nous n’avons des ranchs de bétail que depuis 40 ans en Israël. Ce n’est rien du tout. Ce n’est pas comparable à d’autres pays », a dit Goren. « Et il y a notre climat et nos conditions de promiscuité. Il n’est pas facile d’élever du bétail dans l’État d’Israël, de sorte que l’organisation des ranchs est d’une importance vitale. On a d’excellentes relations et on s’entraide. »
La coopérative unifiée de grands éleveurs est un élément essentiel du succès de Hai Bari, car elle crée un système homogène d’élevage local de bœuf, a déclaré Mme Averbuch. Elle espère fournir des poulets élevés en plein air à Hai Bari au cours de la prochaine année, avec la même recherche de qualité que celle que le label offre à l’industrie bovine.
« Ce sera la même liste de règles strictes, avec une supervision tout au long de la chaîne d’approvisionnement, avec des superviseurs qui inspecteront chaque détail », a-t-elle ajouté.
En fait, a dit M. Moens, il espère que le succès de Hai Bari signifiera que les consommateurs mangeront moins de viande, mais une viande de meilleure qualité.
« Le goût est une affaire très personnel », dit Goren. « Mais celui-ci est quand même nettement meilleur ».
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