Israël en guerre - Jour 622

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Les crédits d’impôt de Netanyahu, une honte au vu de la crise économique

Alors que quelque 800 000 chômeurs ont du mal à joindre les deux bouts, les députés demandent aux contribuables de payer les impôts du Premier ministre sur ses avantages fiscaux

Des salariés de El Al protestent contre l'intention de la compagnie aérienne de licencier certains employés en raison de la crise économique du coronavirus, le 10 mai 2020, devant le ministère des Finances à Jérusalem. (Olivier Fitoussi/Flash90)
Des salariés de El Al protestent contre l'intention de la compagnie aérienne de licencier certains employés en raison de la crise économique du coronavirus, le 10 mai 2020, devant le ministère des Finances à Jérusalem. (Olivier Fitoussi/Flash90)

Alors même que le pays plonge dans une crise économique déclenchée par le coronavirus, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a reçu cette semaine du Parlement des avantages fiscaux personnels, à hauteur de centaines de milliers de shekels. Le moment choisi pour cette mesure a suscité la rage de nombreux Israéliens nouvellement au chômage, dont certains citent le contraste étourdissant comme preuve que le Premier ministre déjà millionnaire est complètement déconnecté de la population de plus en plus démunie financièrement.

Liron, un coiffeur de Ramat Aviv, un quartier chic de Tel Aviv, a qualifié de « écœurante » la décision prise mardi par la commission des Finances de la Knesset.

« Goal nefesh » [dégoûtant], dit-il, alors qu’il appliquait soigneusement de la teinture sur les mèches d’une cliente. « D’autant plus qu’il y a tant de personnes sans emploi en ce moment ».

Liron, qui fait partie des chanceux qui ont retrouvé leur emploi après avoir été licenciés lorsque l’économie a été paralysée en mars par la propagation du virus, a voté pour le parti Kakhol lavan de Benny Gantz lors des élections de mars. Gantz a maintenant formé un gouvernement d’union avec Netanyahu, et Liron s’est dit déçu et estime que son vote est « parti à la poubelle ».

Le dégoût de Liron pour les nouveaux avantages du Premier ministre est certainement partagé par quelque 800 000 Israéliens sans emploi, qui ont vu leurs revenus et leurs perspectives s’évaporer alors que le coronavirus ravageait l’économie. Le chômage a atteint un pic de 27,8 % le 10 mai, avec plus d’un million de personnes sans emploi ou en congé sans solde, alors que des mesures de confinement et de distanciation sociale ont été mises en place en réponse à la pandémie.

Des travailleurs indépendants participent à un rassemblement réclamant le soutien financier du gouvernement devant la Knesset à Jérusalem, le 19 avril 2020. (Yonatan Sindel/Flash90)

Même si Israël a assoupli les restrictions et les bouclages, le taux de chômage qui était inférieur à 4 % avant que la pandémie ne frappe était encore estimé à un énorme 20,8 % le 23 juin.

L’économie devrait se contracter en 2020 de quelque 6,2 %, ou de 8,3 % s’il y a une deuxième vague du virus, par rapport à l’année dernière, selon un rapport de l’OCDE publié au début de ce mois.

Dans ce contexte économique difficile, la commission des Finances de la Knesset a donné son feu vert, mardi, pour que Netanyahu bénéficie d’un allégement fiscal de près d’un million de shekels (250 000 euros) sur les paiements, services et prestations qu’il a reçus de janvier 2009 au 31 décembre 2017.

Il s’agit d’avantages annexes que Netanyahu, déjà l’un des députés les plus riches du pays, a obtenus de l’État. Il s’agit notamment de la rénovation de sa résidence privée à Césarée, dont la réparation de la piscine et les travaux de jardinage, et de l’utilisation de la voiture blindée du Premier ministre, sur laquelle il devrait normalement payer des impôts.

Des salariés du monde culturel et artistique affrontent la police lors d’une manifestation devant le ministère des Finances à Jérusalem, le 15 juin 2020. (Yonatan Sindel/Flash90)

En 2018, il a été légiféré que l’utilisation par le Premier ministre de son véhicule officiel ne serait pas taxée, et que l’État prendrait en charge les coûts de sa résidence privée en plus de la résidence officielle à Jérusalem, et le Premier ministre ne serait pas taxé sur ces avantages.

Les clauses législatives de mardi concernent la période précédant l’adoption de la loi de 2018, car l’administration fiscale a adressé une facture à Netanyahu lui demandant de payer des impôts sur les avantages qu’il a reçus entre 2013 et 2017.

L’allié de Netanyahu, le député Miki Zohar, a déclaré mardi à la commission des Finances que le paiement des impôts aurait laissé le Premier ministre – dont la fortune a été estimée l’année dernière par l’édition israélienne du magazine Forbes à 50 millions de shekels (environ 12,5 millions d’euros) – « financièrement paralysé ».

« Il est inconcevable que le Premier ministre paie un demi-million de shekels d’impôts », a déclaré M. Zohar lors de la réunion, a rapporté le quotidien économique The Marker. « Celui qui exige cela cherche à lui nuire personnellement. »

Un représentant de l’autorité fiscale israélienne présent à la réunion n’a pas pu dire si d’anciens chefs d’État israéliens avaient bénéficié de telles exemptions.

Le salaire mensuel actuel de Netanyahu s’élève à 56 345 shekels, dont un montant net estimé à 28 000 shekels, selon le site financier Calcalist. Toutes ses dépenses et celles de sa famille à sa résidence à Jérusalem sont payées, y compris l’électricité, les factures municipales et alimentaires, ainsi que les cuisiniers, le personnel de sécurité et les chauffeurs. L’État prend également en charge les frais de la résidence privée de Netanyahu à Césarée, qui s’élevaient à 298 000 shekels en 2015, selon Calcalist.

La mesure de mardi a été adoptée par 8 voix contre 5, avec une abstention de Bezalel Smotrich député du parti d’opposition Yamina, qui a protesté contre le « moment mal choisi » du vote.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) et le ministre de la Défense Benny Gantz assistent à la réunion hebdomadaire du cabinet au ministère des Affaires étrangères à Jérusalem, le 21 juin 2020. (Marc Israel Sellem/Pool/Flash90)

Les députés du parti Kakhol lavan, partenaires de la coalition du Premier ministre, n’ont pas voté, tandis que les partis d’opposition ont claqué la porte au nez. Le chef de l’opposition Yair Lapid du parti Yesh Atid a déclaré que « alors que les entreprises s’effondrent et que des centaines de milliers de personnes sont au chômage, la commission des Finances de la Knesset ne s’occupe que d’une seule chose : les avantages fiscaux pour Bibi », surnom de Netanyahu.

En effet, alors même que les citoyens protestaient contre l’absence de réponse du gouvernement à leur détresse devant le ministère des Finances, la commission des Finances de la Knesset a passé trois heures mardi à débattre de l’allègement fiscal de Netanyahu.

Le Likud a déjà répondu à des rapports sur la clause fiscale de Netanyahu en disant que le Premier ministre ne demandait rien qui n’avait pas été accordé aux précédents titulaires du poste.

« Le Premier ministre ne demande pas de mesures particulières », a déclaré le parti dans un communiqué. « La commission des Finances demande à Netanyahu de payer des impôts exactement comme les Premiers ministres précédents ». Il y a eu une tentative scandaleuse et personnelle de faire payer à Netanyahu un impôt qui n’a été exigé d’aucun autre Premier ministre. Il n’y aura pas une loi pour Netanyahu et une autre pour les Premiers ministres précédents ».

Les contribuables israéliens accordent une augmentation au Premier ministre

L’avocate Tali Yaron Eldar, ancienne commissaire aux impôts à l’Autorité fiscale israélienne. (Autorisation)

« Lorsqu’un salarié reçoit de son employeur des avantages qui ne sont pas directement liés à son emploi mais qui sont à son profit personnel, alors, selon la loi, les citoyens d’Israël doivent payer des impôts sur ces avantages », a déclaré Mme Tali Yaron Eldar, ancienne commissaire aux impôts de l’administration fiscale israélienne, lors d’un entretien téléphonique.

Par exemple, si les employés bénéficient d’un déjeuner quotidien ou de chèques-repas, ils doivent payer des impôts sur cette prestation, a-t-elle expliqué.

Si l’État a payé pour la rénovation de la maison de Netanyahu à Césarée, a-t-elle dit, alors en tant que citoyen d’Israël, il serait tenu de payer des impôts sur cet avantage.

« La signification de la décision de mardi est que maintenant les contribuables israéliens vont payer la facture fiscale de Netanyahu », a-t-elle déclaré. Cela signifie également que Netanyahu a obtenu une augmentation de salaire, bien qu’indirectement, puisque son salaire net est maintenant plus élevé.

Yaron Eldar, qui a travaillé à l’Autorité fiscale de 1988 à 2004 et l’a dirigée en tant que commissaire en 2002-2004, a déclaré qu’elle n’était « pas au courant » que d’autres Premiers ministres aient demandé des exemptions similaires à l’Autorité fiscale. « A ma connaissance, il n’y a jamais eu de discussion au sein de l’administration fiscale sur le financement des dépenses privées », a-t-elle déclaré.

La résidence privée du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée. (Capture d’écran : Dixième chaîne)

Eran Lempert, associé et co-directeur du département fiscal de Yigal Arnon & Co, un cabinet d’avocats israélien, a déclaré que pratiquement tous les régimes fiscaux dans le monde ont des dispositions conçues pour taxer les employés en fonction des avantages qui leur sont accordés par leurs employeurs, tels que les voitures de société.

Le débat consiste généralement à savoir si c’est l’employeur ou l’employé qui bénéficie le plus de cet avantage spécifique, a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique. Dans le cas du Premier ministre, il peut être difficile de distinguer l’avantage privé de l’avantage public.

« En principe, compte tenu du rôle de Premier ministre, il peut être justifié professionnellement que l’État paie sa facture fiscale sur ces prestations », a déclaré M. Lempert. Néanmoins, la nature rétroactive de la décision est problématique, car elle devient une loi personnelle uniquement pour Netanyahu. De plus, a-t-il dit, « pour autant que nous sachions, aucun autre Premier ministre d’Israël n’a jamais été confronté à un tel calcul d’impôt ». Un avis d’imposition est la demande officielle que l’autorité fiscale adresse aux contribuables.

Eran Lempert, associé et co-responsable du département fiscal chez Yigal Arnon & Cie. (Autorisation)

Le moment où la décision Netanyahu a été prise est également très délicat, a ajouté M. Lempert.

« Alors que les gens se battent pour leur survie, la commission des Finances trouve le temps de discuter des avantages rétroactifs pour le Premier ministre, alors qu’il y a des questions économiques plus urgentes à traiter… » s’est interrogé M. Lempert.

La semaine prochaine, la commission des Finances devrait se réunir à nouveau – cette fois pour discuter des avantages à accorder à Gantz, dans son nouveau statut de Premier ministre d’alternance d’Israël.

« Ce que le peuple d’Israël voit avec cette approbation (d’avantage fiscal) est un gouvernement déconnecté qui ne se soucie pas de la crise économique profonde causée par le coronavirus », a déclaré Mme Gayil Talshir, professeur de politique à l’Université hébraïque de Jérusalem qui termine un livre sur les gouvernements Netanyahu et les changements structurels qu’ils ont apportés à la démocratie israélienne.

« Il y a environ un million de personnes qui ont perdu leur emploi et qui ne sont pas sûres de pouvoir reprendre le travail, et qui sont confrontées à de réelles difficultés sur la façon de terminer la semaine, sans parler du mois », a-t-elle déclaré. Le gouvernement a fait preuve d’un « mépris total » à l’égard de cette détresse, a-t-elle déclaré.

« La politique des cartels »

Netanyahu et sa famille sont déjà considérés comme menant un « train de vie somptueux », a-t-elle déclaré, une perception soulignée par l’inculpation du Premier ministre pour corruption. Netanyahu est devenu le premier Premier ministre en exercice d’Israël à être traduit en justice pour des accusations criminelles lorsque son procès s’est ouvert en mai pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires.

Gayil Talshir, professeur de politique à l’Université hébraïque de Jérusalem. (Autorisation)

« Ce que nous voyons, en tant que politologues », a déclaré Talshir, « c’est que les élites dirigeantes s’éloignent du peuple – nous appelons cela la politique des cartels, où le cartel ne s’occupe que de ses propres intérêts et est aveugle aux besoins réels des gens ».

Les propriétaires de petites et grandes entreprises israéliennes ont accusé le gouvernement de traîner les pieds en ce qui concerne l’aide pendant la crise. Israël pourrait voir le nombre de fermetures d’entreprises augmenter de 50 % cette année, pour atteindre le chiffre de 70 000, prévoit la société de données commerciales Dun & Bradstreet dans un rapport sur la pandémie et son impact sur l’économie israélienne.

« Ce n’est pas le bon moment » pour discuter des avantages fiscaux de Netanyahu, a déclaré Roee Cohen, le président de la Fédération israélienne des organisations de petites entreprises, qui sont parmi celles qui souffrent le plus de la crise.

« C’est la preuve d’une déconnexion qui existe entre le gouvernement et la réalité sur le terrain, alors qu’il y a 800 000 personnes au chômage et 100 000 travailleurs indépendants qui n’ont pas encore retrouvé de travail parce que le gouvernement a fermé leurs entreprises et a du mal à survivre ».

Lorsque « les gens sont désespérés et impuissants », le gouvernement ne devrait pas discuter des avantages fiscaux du Premier ministre, aussi justifiée que soit cette discussion, a déclaré M. Cohen. « Pas quand les gens n’ont pas de quoi nourrir leurs enfants. C’est inconcevable ».

Le Premier ministre et le gouvernement ont été élus pour « résoudre les problèmes, diriger le peuple et le ramener en lieu sûr », a-t-il déclaré. « Ce n’est qu’après qu’il y aura le temps de s’occuper de tout le reste ». Aujourd’hui, la tâche de la Knesset et des ministres ne doit être qu’une seule chose : comment amener les citoyens israéliens dans un endroit sûr où les gens n’ont pas faim de pain et sont de retour sur leur lieu de travail ».

Aujourd’hui, la tâche de la Knesset et des ministres ne consiste plus qu’en une seule chose : comment faire en sorte que les citoyens israéliens se retrouvent à l’abri, qu’ils ne manquent pas de pain et qu’ils puissent reprendre leur travail ».

Ce mécontentement social et économique va probablement conduire à un nouveau type de protestation contre Netanyahu et son gouvernement – une protestation qui s’étend à tout l’éventail politique, a averti Talshir de l’Université hébraïque. Il pourrait également conduire les citoyens à refuser de payer des impôts, a-t-elle dit, et certains manifestants expriment déjà ce sentiment.

Un manifestant brandit un panneau sur lequel est écrit « Non à l’annexion » pour dénoncer le projet israélien d’annexion de la Cisjordanie, sur la place Rabin de Tel Aviv, le 6 juin 2020. (Crédit : JACK GUEZ / AFP)

Pourtant, un sondage du 8 juin diffusé par la Douzième chaîne a montré que le parti Likud de Netanyahu obtiendrait 40 sièges si des élections étaient organisées, et qu’avec ses alliés religieux de droite, il pourrait facilement former un gouvernement sans le parti Kakhol lavan.

En juillet, Netanyahu prévoit d’étendre unilatéralement la souveraineté israélienne à la Cisjordanie – ce qui pourrait faire tomber son gouvernement de coalition, ce qui conduirait à de nouvelles élections.

« Si Bibi devait organiser des élections » sur la question de l’annexion de la Cisjordanie, Talshir a déclaré qu’il « serait surpris par la vague d’anti-politique et d’anti-politiciens auxquelles il assisterait. Il va jouer avec le feu. Ses électeurs sont issus des classes à faibles revenus et ils souffrent. Et ils voient qu’il veut juste de plus en plus d’argent des contribuables, et qu’il ne pense qu’à lui. Cela va se retourner contre lui. Je pense qu’il va subir un rejet contre lui ».

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