Les firmes en Israël vivement encouragées à respecter l’environnement
La première conférence sur l'environnement initiée par la communauté des affaires a évoqué entre autres la pression publique et les règles internationales qui passent au vert
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Les firmes israéliennes doivent prendre conscience de la focalisation croissante du monde sur les questions de l’environnement et du dérèglement climatique si elles veulent rester concurrentielles, a-t-il été dit lors de la toute première conférence consacrée à l’investissement durable organisée par des dirigeants d’entreprises, mardi.
Ces mises en garde lancées par des experts, des responsables gouvernementaux et d’éminents entrepreneurs se sont adressés aux fabricants mais aussi aux banques et aux compagnies d’investissement qui aident à les financer.
« Les entreprises qui respectent les standards internationaux attireront des investisseurs du monde entier, comme nous-mêmes », a commenté Anat Levine, directrice-générale de Black Rock Israel.
L’Union européenne en particulier exerce de fortes pressions en faveur de l’émission de directives « vertes » que devront respecter les firmes qui travaillent avec le bloc.
Le gouvernement et les entreprises israéliennes ont été plus lents à grimper dans le train de l’investissement durable, sans système communautaire d’échange de quotas d’émission. L’État juif n’a finalement porté que peu d’attention à l’aspect environnemental de ses décisions commerciales, ont dit les participants à la conférence.
Un responsable du ministère de la Protection environnementale a néanmoins noté que les négociations de coalition en cours avaient compris des discussions sur une loi sur le climat, et l’évocation d’un plan de redevance carbone qui aurait pour objectif d’obliger les pollueurs à payer pour leurs émissions.
Selon Levine, les investissements dans les firmes dont les profils en termes de développement durable sont bons ont été multipliés par deux en 2020 et ils devraient tripler au cours des cinq prochaines années.
Les investissements durables ont été le secteur de gestion d’actifs qui a augmenté le plus vite ces dernières années. Les investissements d’impact (qui demandent des bénéfices sociaux ou environnementaux en plus de retours financiers positifs) sont ceux qui se développent le plus rapidement dans cette catégorie, a commenté James Gifford, chef du bureau de conseil en impact au Crédit Suisse.
La semaine dernière, des investisseurs activistes de l’environnement d’Engine No. 1, un modeste fonds de capital-risque, sont parvenus à faire entrer leurs propres membres au conseil d’administration d’ExxonMobil, pour tenter de faire avancer la compagnie vers les énergies renouvelables.
Selon Gifford, ce changement a été induit par différents facteurs, notamment l’augmentation des bénéfices obtenus dans ce qui était appelé, dans le passé, « l’investissement éthique »- plus précisément en direction des entrepreneurs appartenant à la génération Y, née entre le début des années 1980 et la fin des années 1990, qui est plus encline à porter de l’intérêt au développement durable et qui participe de plus en plus au secteur des investissements.
Il a aussi cité des entreprises qui ont montré de la résilience en incorporant les objectifs environnementaux en période de bouleversement économique, en s’appropriant également les nouvelles directives de l’UE et en changeant leur perception du risque – le risque environnemental étant dorénavant considéré comme un facteur important dans la prise de décision.
Gifford a noté qu’Israël avait des aptitudes particulières pour le développement durable en recherche et développement – avec des performances du pays particulièrement fortes dans les domaines de la protéine alternative et de la viande fabriquée à partir de cellules animales.
« Il ne s’agit pas seulement d’investissements individuels mais d’approches de portefeuille », a dit Gifford. « Aujourd’hui, nous pouvons dire avec certitude qu’il est possible de se constituer un portefeuille à 100 % à travers toutes les catégories d’actifs en choisissant des options durables plutôt que traditionnelles et d’obtenir un retour aussi bon et, avec un peu de chance, parfois meilleur qu’avec un portefeuille traditionnel ».
Alors que ces changements sont encouragés par les forces du marché et les régulations internationales, Ruth Dagan, cheffe de l’Environnement et du Changement climatique au sein du cabinet juridique Herzog Fox & Neeman, a indiqué qu’il n’était pas nécessaire que les régulateurs israéliens, eux aussi, passent à l’action.
« Il y a une révolution en Europe en termes de régulations », a-t-elle dit. « Nous le constaterons sur notre seuil, de toute façon. Les entreprises qui travaillent à l’étranger, qui veulent intégrer ces marchés, seront dans l’obligation de se plier aux règles déterminées par les Européens – pas aux règles des Israéliens ».
Mais les firmes israéliennes sont très en retard s’agissant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (également connus sous le nom de ESG) qui sont utilisés partout dans le monde pour évaluer la durabilité environnementale et l’impact social d’un investissement, a estimé Liad Ortar, qui dirige l’Institut de responsabilité sociale des entreprises au sein de l’École de commerce et de droit de Ramat Gan.
Il a noté que la bourse de Tel Aviv ne classait qu’une trentaine de ses 500 compagnies sur leurs performances en termes de critères ESG et qu’il fallait élargir ce classement de manière à y intégrer des entreprises de taille plus petite, dans le but d’encourager l’afflux des fonds vers l’innovation.
Mais Levine a déclaré que persuader les chefs d’entreprises israéliens à adopter une approche plus consciente de l’environnement et à appliquer les critères ESG nécessiterait un « changement radical » – et beaucoup de soutien.
Le ministère de la Protection environnementale a fait savoir que l’ancienne gouverneure de la banque d’Israël, Karnit Flug, était à la tête d’un forum de responsables et de régulateurs qui travaillaient sur le dossier et qui se sont d’ores et déjà réunis, l’année dernière, à plusieurs reprises.
La conférence était organisée par deux groupes, le Israel Business Roundtable et le Presidium of Israeli Business Organizations, avec l’organisation 2B Friendly, qui fait partie de la firme d’investissement 2B, et en partenariat avec le ministère de la Protection environnementale.
Première conférence initiée par la communauté des affaires consacrée à la durabilité et aux implications du changement climatique, elle a été l’occasion du lancement d’une plateforme numérique qui vise à permettre aux firmes israéliennes de compenser leurs émissions de carbone en investissant dans des projets environnementaux locaux – comme planter des arbres, ou la création de forêts comestibles.
Parmi les plus de 500 participants, des responsables du ministère de la Protection environnementale et des représentants d’importantes compagnies, comme Migdal, Strauss, Osem-Nestle, Teva, Netafim et Mekorot, ainsi que des universitaires d’instituts de recherche et des leaders d’organisations de défense de l’environnement.
Notant l’absence des banques lors de la conférence, Ortar a réclamé plus de sensibilisation.
« Il y a un si grand nombre de diplômés de MBA qui n’ont aucune idée de ces problématiques environnementales », a-t-il dit, « qui ne comprennent pas ce que signifient ESG ou ce que signifie la séquestration du dioxyde de carbone ».