Les Israéliens ont rendez-vous sur la Lune ce soir
Si la manœuvre est couronnée de succès, elle fera d’Israël le quatrième pays à faire alunir un engin spatial
Jeudi soir, après 47 jours et 6,5 millions de kilomètres, le voyage de Bereshit touche à sa fin alors que la sonde tentera d’alunir à 22 h 25 (heure d’Israël). Si la manœuvre est couronnée de succès, elle fera d’Israël le quatrième pays à envoyer un engin spatial sur la Lune.
Mercredi soir, les ingénieurs ont allumé les moteurs de la sonde qui est maintenant dans sa phase elliptique la plus proche de sa destination finale. Elle effectue un tour complet de la Lune en seulement deux heures. Au point le plus proche, la sonde se trouve entre 15 et 17 kilomètres au-dessus de sa surface.
Si tout se déroule bien, la sonde devrait se poser lentement sur la Mer de Sérénité, et passer deux à trois jours à réaliser des expériences scientifiques pour étudier le champ magnétique de la Lune avant que les rayons du soleil ne soient trop forts et ne mettent hors d’usage les ordinateurs de la sonde.
Des dizaines d’endroits à travers le pays organisent des rassemblements permettant de suivre l’alunissage, dont Beit Hanasi à Jérusalem, où le président Reuven Rivlin accueillera des dizaines d’enfants, et la Cinémathèque de Jérusalem.
L’hôtel David InterContinental à Tel Aviv organise une « fête de l’alunissage », lors de laquelle des milliers de personnes devraient venir assister à l’événement sur des écrans géants et pourront ensuite s’adonner eux-aussi au moonwalk sur la musique assurée par des DJ résidents.
Les spectateurs pourront aussi suivre l’alunissage de chez eux via la page Facebook ou la chaîne YouTube en anglais de Bereshit.
La semaine dernière, les ingénieurs de Bereshit ont exécuté la manœuvre la plus compliquée de l’opération, un saut de l’espace parfaitement exécuté qui a permis à la sonde de la taille d’une voiture de passer d’une orbite autour de la Terre à une orbite autour de la Lune – faisant d’Israël le septième pays dans le monde à réussir cet exploit.
Ido Anteby, le PDG de SpaceIL, a fait savoir que presque tous les systèmes de la sonde opéraient efficacement. Il y a bien eu quelques problèmes mineurs, dont un avec le viseur d’étoiles, qui a été aveuglé par les reflets du soleil, ce qui a compliqué le travail des ingénieurs pour orienter la sonde vers certains angles. Ils ont réussi à surmonter cette difficulté en contrôlant l’orientation du vaisseau spatial pendant que les reflets du soleil n’étaient pas trop puissants pour les capteurs, ce qui a nécessité des manœuvres plus complexes que celles prévues à l’origine. Les ingénieurs continuent à étudier le problème pour comprendre ce qu’il faut faire afin d’éviter que cela ne se reproduise à l’avenir, a déclaré Ido Anteby.
L’engin spatial a aussi dû faire face à des coupures inattendues du système, comme quand un téléphone portable se coupe sans raison. L’une d’elles a ainsi retardé la deuxième manœuvre visant à faire rapprocher la sonde vers une orbite elliptique plus large autour de la Terre. Les ingénieurs ont pu réaliser à distance des mises à jour du système pour régler les problèmes qui se présentaient en chemin.
Au total, la sonde a parcouru près de 6 millions de kilomètres, et il lui en reste encore un demi-million à parcourir. C’est le voyage le plus lent et le plus long jamais effectué par une sonde à destination de la Lune. Sa distance avec la Terre est d’environ 385 000 kilomètres en moyenne.
Pour l’alunissage, les ingénieurs cherchaient une zone plate qui fasse environ 30 kilomètres de diamètre. Ils devront aussi chronométrer l’alunissage pour s’assurer que le soleil n’a pas commencé à réchauffer la surface. Quand les rayons du soleil visent directement la Lune, les températures à sa surface peuvent augmenter de 150 degrés Celsius, a déclaré le directeur de SpaceIL.
Dans un premier temps, les ingénieurs vont faire descendre la sonde à une altitude d’environ 25 kilomètres au-dessus de la surface de la Lune, un point où ses capteurs prendront automatiquement le contrôle de l’appareil, avec les moteurs pointés vers le sol afin qu’ils servent de freins pour faire passer la sonde d’une vitesse de 6 000 km/h à 0 km/h.
L’équipement d’alunissage utilise des lasers pour permettre à l’engin de freiner correctement jusqu’à ce qu’il atteigne une hauteur de 5 mètres. Là, les moteurs s’arrêteront, et la sonde devrait tomber sur la surface de la Lune. Puisque la gravité y est d’environ un sixième de la gravité sur Terre, c’est comme si la sonde faisait une chute libre de 80 centimètres sur la terre.
Bereshit va alunir en aveugle sur la Lune, et des énormes blocs de roche ou des cratères constituent un risque important que la sonde ne se renverse à l’alunissage, a expliqué Anteby. L’opération prendra au total 25 minutes environ, au cours desquelles la sonde fonctionnera en mode automatique, et les ingénieurs ne pourront pas procéder à des corrections ou des changements du mouvement de l’appareil.
En utilisant la force gravitationnelle de la Terre et de la Lune et en activant seulement les moteurs aux points les plus proches et les plus éloignés des ellipses, les ingénieurs ont pu réduire drastiquement le volume de combustible nécessaire pour le voyage. Le combustible représente toujours la majorité du poids de Bereshit. Au lancement, la sonde pesait un total de 600 kilogrammes, dont 440 étaient du combustible.
Bereshit, qui signifie « Genèse » en hébreu, a décollé le 22 février de Cap Canaveral en Floride au sommet d’une fusée Falcon 9 de SpaceX, compagnie privée et basée au Etats-Unis, de l’entrepreneur Elon Musk.
Le mois dernier, Bereshit a envoyé une photo prise avec sa « caméra selfie », sur laquelle on peut voir le drapeau israélien à 37 000 kilomètres au-dessus de la Terre.
Le projet a été lancé alors qu’Israël participait au défi Google LunarX devant permettre à des groupes non-gouvernementaux de lancer un dispositif spatial vers la Lune. Google a mis un terme au concours en 2018 sans désigner de vainqueur, mais l’équipe israélienne a décidé de continuer ses efforts de façon indépendante.
Les Etats-Unis, la Russie (en tant qu’URSS), le Japon, la Chine, l’Agence spatiale européenne et l’Inde ont tous réalisé des orbites autour de la Lune avec des sondes, mais seuls les Etats-Unis, la Russie et la Chine sont parvenus à alunir ; les autres sondes ont perdu le contrôle et se sont écrasées à sa surface.
Si son voyage réussit, Bereshit écrira une double page de l’histoire, en réalisant le premier alunissage opéré par le secteur privé et en tant que première sonde israélienne à se poser sur la Lune.
En cas de succès, la sonde restera sur la Lune, peut-être jusqu’à la fin du système solaire, s’ajoutant aux quelque 181 000 kilos de déchets produits par l’humanité qui jonchent aujourd’hui la surface lunaire.