Les Juifs d’Allemagne inquiets après les gains électoraux de l’extrême droite
"Il y a un problème là où un tel parti fête des succès. Celui qui a voté pour l'AfD savait exactement ce qu'il faisait", a déploré la présidente de la communauté juive de Munich
Plusieurs représentants de la communauté juive se sont inquiétés lundi de la forte progression de l’extrême droite allemande lors d’un scrutin régional en Thuringe dimanche, moins d’un mois après l’attentat antisémite de Halle.
Les gains de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) en Thuringe « sont un nouveau signal effrayant, qui laisse craindre un nouveau renforcement des tendances et attitudes d’extrême droite en Allemagne », a déclaré Christoph Heubner, vice-président du Comité international d’Auschwitz, basé à Berlin et fondé par des survivants du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, cité par l’agence DPA.
« Il y a un problème là où un tel parti fête des succès », a de son côté expliqué Charlotte Knobloch, présidente de la communauté juive de Munich, dans un communiqué.
« L’érosion de la culture démocratique se poursuit », a-t-elle ajouté.
Avec 23,4 % des voix obtenues, l’AfD est arrivée en deuxième position derrière la gauche radicale mais devant les conservateurs d’Angela Merkel dans cette région de l’ex-Allemagne de l’est communiste, faisant plus que doubler son score du précédent scrutin de 2014.
L’extrême droite a elle parlé d’un « séisme » électoral en sa faveur. Sa figure de proue dans cette région, Björn Höcke, tenant de l’aile plus droitière du mouvement, a estimé que l’AfD, en progression constante depuis 2015 et l’arrivée de centaines de milliers de migrants dans le pays, était « en train de devenir un grand parti populaire national ».
Ce score est d’autant plus notable que l’AfD a été très critiquée juste avant le scrutin suite à un récent attentat antisémite et xénophobe à Halle, dans l’Etat régional voisin de Saxe-Anhalt, lors duquel un néo-nazi allemand a tué deux personnes et tenté de commettre un massacre dans une synagogue.
Le candidat de ce parti extrémiste, Björn Höcke, s’est vu accuser d’avoir préparé le terrain idéologique pour l’auteur des faits par ses nombreuses déclarations contre la culture allemande de repentance pour les crimes nazis, fondement de l’après-guerre dans le pays.
Björn Höcke s’est félicité de voir que son électorat n’ait pas cédé « aux campagnes de diffamation ». La présidente du SPD par intérim, Malu Dreyer, s’est dite « choquée » qu’un tenant de la droite la plus ultra obtienne pareil succès.
Il avait notamment qualifié en 2017 le Mémorial de la Shoah à Berlin de « monument de la honte ».
Il a aussi défendu l’idée d’une « Allemagne millénaire », une manière de signifier que l’histoire nationale dépasse la seule période nazie, qu’un autre cacique de l’AfD, Alexander Gauland, a pour sa part qualifié de simple « fiente d’oiseau » au regard du passé glorieux du pays.
« Beaucoup d’électeurs ont soutenu un parti qui prépare depuis des années le terrain à l’exclusion et la violence d’extrême droite », a expliqué Mme Knobloch, dénonçant la « minimisation de la période nazie, son nationalisme décomplexé », et l’incitation « à la haine des minorités, dont la communauté juive ».
« Celui qui a voté pour l’AfD savait exactement ce qu’il faisait », a-t-elle affirmé.
« Ceux qui votent pour l’AfD votent en faveur d’une Allemagne anti-démocratique » en toute connaissance de cause, et n’expriment plus seulement un vote protestataire, a renchéri le président de la communauté juive allemande Josef Schuster.