Les manifestations à Paris pour la libération de Georges Abdallah interdites par le préfet de police
La décision a été justifiée par le « risque d'apologie du terrorisme » que l'expérience des manifestations précédentes avait soulevé

Les manifestations prévues à Paris mercredi et jeudi soir en faveur de la libération de l’assassin libanais Georges Ibrahim Abdallah, en prison depuis 40 ans, et celles annoncées mercredi en Seine-Saint-Denis ont été interdites par le préfet de police Laurent Nuñez, en raison de « risques à l’ordre public ».
Ces interdictions sont intervenues en deux temps. Mardi d’abord, le préfet de police a pris un arrêté d' »interdiction totale » des deux rassemblements parisiens à l’appel du collectif « Campagne unitaire pour la libération de Georges Abdallah ».
Incarcéré pour complicité d’assassinats de diplomates américain et israélien dans les années 1980, le terroriste libanais pro-palestinien Georges Abdallah sera fixé jeudi sur une nouvelle demande de libération. Il a été condamné à la réclusion à perpétuité en 1987.
Saisi en urgence par les organisateurs de ces rassemblements, le tribunal administratif de Paris a rejeté mercredi leur recours contre l’interdiction préfectorale.
Puis, en fin de journée, la préfecture de police a relevé que ces organisateurs appelaient « leurs militants à rejoindre deux rassemblements », organisés ce mercredi soir, l’un devant la mairie de Saint-Denis et l’autre devant celle d’Aubervilliers.
De sorte que M. Nuñez a pris un nouvel arrêté pour interdire les deux manifestations en Seine-Saint-Denis, estimant que « les risques à l’ordre public reconnus par le tribunal administratif ayant conduit à l’interdiction des deux manifestations (parisiennes) étaient strictement identiques ».
Dans son arrêté de mardi, M. Nuñez a fait valoir que le 8 février, lors de la précédente action de ce collectif, des propos « susceptibles de constituer une apologie du terrorisme » avaient été tenus.
La préfecture de police a cité une banderole « Vive le déluge d’al-Aqsa », nom donné par le mouvement terroriste palestinien Hamas à son attaque d’une ampleur sans précédent en Israël le 7 octobre 2023, et une autre « Quel révolutionnaire n’a pas pleuré de joie le 7 octobre ? ».
Faites tourner ! C’est une honte ! En plein dans Paris, on brandit des slogans « Vive le déluge d’Al-Aqsa ».
Pour rappel, « le déluge d’Al-Aqsa » est le nom que le Hamas a donné à leurs attaques terroristes du 7 octobre 2023 qui ont fait plus de 1200 morts.
Allô… pic.twitter.com/8RluHttvBB
— Bleu Blanc Rouge ! ???????? (@LBleuBlancRouge) February 12, 2025
Ces propos ont fait l’objet d’un signalement du préfet de police auprès de la procureure de la République de Paris Laure Beccuau, a-t-on ajouté de même source.
« Dans le contexte social et international tendu, il existe un risque que des affrontements avec des militants aux opinions antagonistes de nature à troubler gravement l’ordre public aient lieu à l’occasion de ces manifestations déclarées », a écrit M. Nuñez dans son arrêté.
Plusieurs manifestations en soutien à Georges Abdallah sont prévues en France, notamment ce mercredi à Toulouse et Alençon.
Au début des années 80 et alors que le Liban était en pleine guerre civile, Georges Ibrahim Abdallah avait co-fondé les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), groupuscule terroriste marxiste pro-syrien et anti-israélien qui a revendiqué cinq attentats, dont quatre mortels, en 1981-1982 en France.
Il avait été arrêté à Lyon en 1984 et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité après avoir été reconnu coupable de complicité dans l’assassinat à Paris en 1982 de deux diplomates.
Le lieutenant-colonel Charles R. Ray, attaché militaire adjoint de l’ambassade des États-Unis à Paris, est abattu le 18 janvier 1982 devant son domicile, dans le XVIe arrondissement.
Le 31 mars 1982, Yaacov Bar-Simantov, qui était le deuxième secrétaire de l’ambassade d’Israël en France ainsi qu’un officier du Mossad, a été abattu à Paris par une terroriste inconnue. Elle s’est échappée par une bouche de métro après avoir été poursuivie par le fils du diplomate, Avi, alors âgé de 17 ans et qui avait été témoin du meurtre. Il a presque failli la rattraper jusqu’à ce qu’elle le menace de le tuer s’il faisait « un autre pas ».
L’ambassadeur d’Israël en France, Meir Rosenne, avait pointé du doigt l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) pour « le meurtre impitoyable » et avait également blâmé « les pays qui accordent une reconnaissance diplomatique » à l’OLP. Rosenne avait appelé tous les gouvernements démocratiques à « extrader vers Israël les tueurs afin qu’ils puissent être jugés et punis pour leurs actes ». Il avait également exhorté « tous les amis d’Israël à se rappeler que chaque fois qu’ils lèvent la main en faveur de l’OLP aux Nations unies ou ailleurs, c’est ça le résultat ».
Les FARL, jusque-là inconnus et basés à Beyrouth, ont alors revendiqué le meurtre de Bar-Simantov, affirmant qu’il s’agissait d’un acte « de vengeance pour l’agression sioniste-impérialiste contre le sud du Liban ».
Bar-Simantov fut le premier diplomate israélien assassiné en France. Des diplomates israéliens ont été tués par des terroristes palestiniens dans d’autres capitales d’Europe occidentale.
Le président François Mitterrand, dans un message adressé au président israélien Yitzhak Navon, a promis que la France « fera tout son possible » pour retrouver et traduire en justice le meurtrier.
La dépouille de Bar-Simantov a été exposée à l’ambassade d’Israël le 5 avril, où une petite foule s’est rassemblée pour les services commémoratifs. Le grand rabbin René Sirat de France avait récité le Kaddish.

Georges Ibrahim Abdallah est aussi impliqué dans la tentative d’assassinat du consul général des Etats-Unis, Robert Homme, à Strasbourg (Est), en 1984.
Georges Ibrahim Abdallah est libérable depuis 1999. La justice avait répondu favorablement à sa demande de libération en 2013, sous réserve qu’il fasse l’objet d’un arrêté d’expulsion du ministère français de l’Intérieur, que le ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls, n’a jamais pris.
Mi-novembre, la justice française a accepté sa libération à condition qu’il retourne au Liban, qui le réclame depuis des années, au vu de son âge et de la durée de détention « disproportionnée au regard des faits commis et de sa dangerosité actuelle ».
Les Etats-Unis, partie civile au procès de Georges Ibrahim Abdallah en 1987, ont écrit fin décembre à la cour d’appel de Paris pour « s’opposer vigoureusement » à la demande de libération conditionnelle du terroriste libanais pro-palestinien.