Les participants au programme Birthright ont quitté Israël en bateau
Environ 1 500 jeunes adultes ont embarqué pour un voyage secret vers Chypre après le début des hostilités entre Israël et l'Iran, qui a entraîné l'annulation de tous les vols

JTA — A une heure très matinale, mardi, les jeunes adultes qui séjournaient dans le pays sous les auspices de l’organisation Birthright Israel sont montés à bord de plusieurs bus. Pas de randonnée dans le désert, pas de visite historique au programme, mais une fuite du pays à bord d’un bateau de croisière à destination de Chypre.
Le début de la guerre entre Israël et l’Iran, dans la matinée de vendredi, a entraîné l’arrêt de tous les vols, bloquant les visiteurs en Israël et les Israéliens à l’étranger. Malgré les mises en garde émises par le gouvernement, certains touristes ont pris la décision de se rendre par voie terrestre ou par voie maritime dans les pays voisins, qui constituent des voies d’évasion potentielles.
Mais les remorqueurs et les bateaux à skipper sur lesquels d’autres ont pu embarquer n’ont pas été en mesure d’accueillir à leur bord les milliers de jeunes venus visiter Israël dans le cadre de programmes organisés. Quand la guerre a éclaté, il y avait 2800 participants au programme Birthright sur le sol israélien. 20 000 jeunes ont prévu de prendre part à ces voyages gratuits, cet été.
Dans un premier temps, l’organisation s’est attachée à garantir la sécurité des jeunes là où ils se trouvaient. Elle les a ensuite regroupés à plusieurs endroits où ils pourraient, malgré la crise, profiter du programme. Mais très vite, Birthright a commencé à planifier une évasion pleine d’audace par voie maritime, avec la collaboration du gouvernement israélien et avec celle du gouverneur de Floride, Ron DeSantis.
Mardi, ce sont ainsi 1 500 participants à Birthright qui ont pris la mer pour Chypre.
« Aujourd’hui, nous avons été témoins du véritable esprit de Birthright Israel, qui n’est pas seulement un voyage éducatif mais aussi une famille engagée dans le monde entier en faveur de la sécurité et du bien-être de chaque participant », a commenté Gidi Mark, le président directeur général de l’organisation, dans un communiqué. « Il s’agissait d’une opération complexe et difficile au niveau émotionnel, une opération qui menée sous des pressions immenses et nous sommes fiers d’avoir ramené 1 500 jeunes adultes en toute sécurité à Chypre. Notre équipe continue à œuvrer sans relâche à trouver des solutions pour les participants qui se trouvent encore en Israël ».
Noa Bauer, vice-présidente du marketing mondial au sein de Birthright Israel, déclare dans une interview que la logistique était plus complexe que tout ce à quoi l’organisation avait été confrontée auparavant.
« Nous avons déjà mené des opérations qui visaient à évacuer des personnes, et généralement, l’avion était une option. Il y avait également des options via la Jordanie, par exemple », explique Bauer. « Mais… nous avions beaucoup de monde ici et nous voulions les faire sortir de la manière la plus sûre possible. Après mûre réflexion, en concertation avec les autorités israéliennes et avec le Commandement du front intérieur, en coopération avec Mano Sfinot, la compagnie de croisière, nous avons décidé de suivre cette voie ».

Pour des raisons de sécurité, les participants au programme Birthright ont reçu pour consigne, de la part de leurs chefs de groupe, de conserver le voyage secret. Ce qui signifiait de garder le silence sur une opération de sauvetage surprise, non seulement pour des milliers de jeunes adultes, mais aussi pour leurs parents inquiets, dont beaucoup s’étaient tournés vers des groupes Facebook pour solliciter des idées sur la manière de faire revenir leurs enfants à la maison.
« Nous essayons d’être à la fois réactifs et prudents, tout en accordant la priorité à la sécurité. Et je pense que moins on en sait, mieux c’est », estime Bauer. « De nombreuses personnes sont impliquées. Il y a beaucoup de cercles autour de l’opération, et nous voulions qu’ils soient en mer avant que l’information ne soit rendue publique ».
Le navire transportant les participants, le Crown Iris, a été un paquebot de croisière israélien de luxe qui est exploité par Mano Maritime. Le navire de 11 étages a quitté le port d’Ashdod mardi à 14 heures et il devait arriver à Larnaca, à Chypre, après un voyage de 13 heures. Le paquebot a été escorté par la marine israélienne afin d’assurer sa sécurité.
À leur arrivée à Chypre, les participants américains ont embarqué à bord d’un vol à destination de Tampa, en Floride, à bord de quatre gros-porteurs affrétés par DeSantis.
« Je pense qu’il était important pour lui de ramener les Américains aux États-Unis, et nous avons donc accepté avec plaisir », explique Bauer. En plus de l’aide apportée par DeSantis, Birthright Israel prendra en charge les frais des autres bateaux, des vols et de l’hébergement, ajoute-t-il.
Après cette évacuation, il reste environ 1 300 participants au programme Birthright aujourd’hui en Israël, dit-elle. (Quatre mille autres participants qui n’étaient pas encore partis ont vu leur voyage annulé ou reporté, et un « méga-événement » prévu le 23 juin pour marquer le 25e anniversaire de l’organisation a également été annulé).
« Nous étudions toutes les options possibles, nous continuons à chercher des moyens maritimes ou aériens pour les faire sortir – et nous ferons partir tout le monde dans les prochains jours », affirme Bauer. Certaines compagnies aériennes israéliennes ont annoncé qu’elles commenceraient provisoirement à rapatrier les Israéliens bloqués à l’étranger – mais Bauer précise que les participants restants partiront très probablement par bateau.

Samantha Phillips raconte qu’il lui avait été dit qu’un bateau pourrait faire partie du plan visant à la rapatrier chez elle depuis Israël, où elle effectuait un stage dans une école dans le cadre du tout nouveau programme Onward de Birthright, à Tel Aviv. Ce programme de stages, qui avait recruté 4 400 jeunes adultes pour son premier été, a été entièrement annulé après le début de la guerre.
« Nous sommes évidemment très déçus », s’exclame Phillips, qui est originaire de la région de Chicago et qui fait ses études à l’université d’Elon. « Je me sens un peu coupable d’être déçue car il est évident que des gens perdent leur maison, qu’ils meurent tout près de nous, mais… nous venions enfin de nous habituer à la vie à Tel Aviv et le fait que tout cela nous ait été enlevé si rapidement est très difficile à accepter ».
Phillips et Shani Weisenberg, qui sont toutes les deux âgées de 21 ans, ont été évacuées vendredi dernier de l’appartement qu’elles partageaient à Tel Aviv. Elles ont été amenées à Eilat, une ville du sud d’Israël.
Weisenberg, étudiante à l’université du Vermont qui travaillait pour une organisation qui offre des opérations du cœur à des enfants de familles défavorisées, explique qu’elle est terrifiée mais qu’elle a également des sentiments mitigés à l’idée de rentrer chez elle.
Elle déclare « ressentir beaucoup d’anxiété pendant la nuit », ajoutant qu’elle veut rentrer chez elle et qu’elle a très peur face à tout ce qui se passe… « surtout [depuis] que nous sommes parties Tel Aviv, avec un sentiment de culpabilité parce que les gens ne peuvent pas quitter Tel Aviv et qu’ils vivent là-bas et avec, en même temps, l’angoisse de mourir ».
Anna Langer, vice-présidente de la Jewish Federations North American-Israel Strategy et directrice exécutive par intérim de l’Israel Educational Travel Alliance, un collectif qui représente 170 organisations et programmes de voyage en Israël, indique que son organisation conseille aux voyageurs de rester sur place pour l’instant.
« Il n’y a actuellement aucun avion en Israël, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les agences gouvernementales, avec nos partenaires de l’Agence juive pour Israël, ainsi que l’équipe de la Jewish Federations of North America basée en Israël dans le but d’examiner toutes les possibilités de départ et d’obtenir un accès prioritaire à ces options, qu’il s’agisse de transports terrestre, maritime, aérien ou de tout autre moyen disponible », explique-t-elle. « Notre recommandation, qui suit là encore les conseils du Commandement du front intérieur, est que les groupes restent où ils sont ».
Luca Sever, étudiante à l’université Elon, qui se trouvait en Israël pour un programme d’un mois destiné à apprendre à défendre le pays, se préparait à se coucher, aux toutes premières heures de la matinée de vendredi, quand elle a entendu pour la première fois les sirènes qui avertissaient les Israéliens d’une contre-attaque imminente de l’Iran.
« Nous étions seuls à Tel Aviv et nous n’avions aucune idée de ce qui se passait, alors nous avons couru vers l’abri de notre immeuble, en bas », raconte Sever, qui est âgée de 18 ans et qui est originaire du Maryland. « Nous n’avons vu personne là-bas. Nous avions très, très peur ».
Pour les petits groupes comme celui de Sever, qui prend part au programme Hasbara Fellowship, un programme géré par une organisation à but non-lucratif mais qui est en partie financé par le gouvernement israélien, la croisière de sauvetage de Birthright pourrait être une solution permettant de quitter le pays.
Bauer indique qu’une fois le plan d’évacuation des derniers participants à Birthright sera finalisé, Birthright proposera les places restantes sur le navire à d’autres organisations dont des touristes sont bloqués en Israël.
« Nous allons aider tout le monde autant que possible », dit-elle avec conviction. « Et je pense que la prochaine étape, si nous avons encore des places sur le navire, sera de les proposer à d’autres organisations ».