Liban : quatre mois de contestation
Le soulèvement populaire est érigé contre l'ensemble de la classe dirigeante, accusée de corruption et d'incompétence
Le Liban est secoué depuis près de quatre mois par un soulèvement populaire contre l’ensemble de la classe dirigeante accusée de corruption et d’incompétence.
L’étincelle WhatsApp
Le 17 octobre, le gouvernement annonce une taxe sur les appels effectués via WhatsApp. Cet impôt de plus dans un pays à l’économie exsangue fait exploser la colère des Libanais.
« Le peuple réclame la chute du régime », scandent les manifestants qui brûlent des pneus et bloquent plusieurs routes du pays.
Le gouvernement renonce aussitôt à la taxe, mais des milliers de personnes continuent à manifester.
Barricades
Le 18, écoles, banques et institutions publiques ferment.
Des forces de l’ordre interviennent à coup de gaz lacrymogènes pour disperser la foule à Beyrouth. Des dizaines de personnes sont arrêtées.
Le lendemain, des dizaines de milliers de Libanais se rassemblent à Beyrouth, Tripoli (nord), Tyr (sud) ou Baalbek (est). Plusieurs axes routiers sont bloqués par des barricades.
Le chef du Parti des Forces libanaises, Samir Geagea, annonce la démission de ses quatre ministres.
Mais le slogan « Tous veut dire tous » est aussitôt crié par les manifestants, qui dénoncent une classe politique quasi inchangée depuis des décennies.
Le 20, la mobilisation culmine avec des centaines de milliers de manifestants.
Le 25, des heurts éclatent à Beyrouth entre manifestants et partisans du groupe terroriste chiite du Hezbollah, excédés par les slogans visant leur leader Hassan Nasrallah, au même titre que les autres dirigeants.
Hariri démissionne
Le 29, Saad Hariri et son gouvernement démissionnent, déclenchant des scènes de liesse.
Deux jours plus tard, des centaines de contestataires reprennent leurs sit-in sur des grandes artères en faveur d’un renouvellement complet de la classe politique.
Le 3 novembre, plusieurs milliers de personnes envahissent les rues, quelques heures après un vaste rassemblement de partisans du président Michel Aoun.
Des administrations publiques sont bloquées, des stations-service à court d’essence ferment.
Le 12, le président Aoun propose un gouvernement formé d’experts et de représentants des partis, mais attise la colère en conseillant aux protestataires toujours mécontents « d’émigrer ».
Un manifestant est tué au sud de Beyrouth, deuxième décès en marge du soulèvement.
Le 19, Michel Aoun se dit ouvert à un cabinet incluant des représentants de la contestation.
Pas d’aide sans réformes
Le 11 décembre, les principaux soutiens internationaux du Liban réunis à Paris conditionnent leur aide financière à la mise en place d’un gouvernement « efficace et crédible » engageant des réformes « d’urgence ».
Le 12, Saad Hariri demande le soutien du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
La crise économique s’est aggravée avec des licenciements en masse, des restrictions bancaires drastiques et une forte dépréciation de la livre libanaise.
Hassan Diab, Premier ministre
Le 19, Hassan Diab, ex-ministre et universitaire, est désigné Premier ministre, mais l’appui apporté à sa nomination par le Hezbollah et ses alliés attise la colère d’une partie de la rue, notamment des sunnites pro-Hariri.
Le lendemain, il assure vouloir former un gouvernement de « technocrates indépendants ».
Pic des violences
Le 11 janvier 2020, les manifestations reprennent après une période d’essoufflement.
Les 14 et 15, la capitale est le théâtre de violences nocturnes et plusieurs banques sont vandalisées.
Les 18 et 19, au moins 546 personnes, des manifestants mais aussi des membres des forces de l’ordre, sont blessées dans des heurts dans le centre de Beyrouth. Human Rights Watch accuse les policiers d’avoir « tiré des balles en caoutchouc en visant les yeux ».
Les autorités dénoncent des « infiltrés » parmi les manifestants et dédouanent les forces de sécurité de toute responsabilité.
Nouveau gouvernement
Le 21, le Liban se dote d’un nouveau gouvernement, formé par un seul camp politique, celui du Hezbollah pro-iranien (la branche politique du groupe terroriste chitte) et ses alliés, majoritaires au Parlement.
Des manifestants incendient aussitôt des pneus et coupent plusieurs routes à travers le pays, notamment dans les villes majoritairement sunnites.
Le 11 février, le Parlement accorde sa confiance au nouveau gouvernement, en dépit de l’opposition de centaines de manifestants dispersés par les forces de l’ordre avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau.
Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont fait plus de 370 blessés, selon la Croix-Rouge libanaise.