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Likud : les luttes internes menacent la conduite du pays

Le Likud est aux prises avec des luttes internes pour le contrôle du parti. Des rivalités qui mettent en péril l'avenir politique du pays

Haviv Rettig Gur est l'analyste du Times of Israël

Un meeting du Likud après les élections de janvier 2013 (Crédit Miriam Alster Flash 90)
Un meeting du Likud après les élections de janvier 2013 (Crédit Miriam Alster Flash 90)

La bataille fait rage au sein du Likud, avec pour enjeu le contrôle des institutions et de l’agenda du parti au pouvoir.

Ces rivalités opposent un Premier ministre solidement ancré à l’aile dure du parti mais également à un jeune politicien ambitieux.

En effet, le vice-ministre de la Défense Danny Danon a menacé de démissionner si le gouvernement libérait ce weekend le quatrième contingent de prisonniers palestiniens dans le cadre des pourparlers de paix, placés sous l’égide américaine.

Le vice-ministre, numéro 9 sur la liste du parti, a pratiquement ouvertement menacé jeudi Benjamin Netanyahu de destitution, si ce dernier, également leader du parti au pouvoir, adoptait l’accord-cadre de paix proposé par les Etats-Unis.

Les fanfaronnades de Danon, répétées à outrance dimanche matin sur Radio Israël, ne sont pas uniquement le fruit de leur idéologie.

En effet, Netanyahu et Danon s’affrontent dans une bataille féroce pour le contrôle des principales institutions du Likud.

Une lutte dans les coulisses largement ignorée des médias et des citoyens.

Et compte tenu du fait que les règlements des partis politiques sont juridiquement contraignants pour les responsables de partis, – celui qui contrôle un parti exerce une grande influence sur les chefs de gouvernement.

« Danon, n’aurait-il pas remarqué les trois premières vagues de libération de prisonniers ? », lance une source proche de Netanyahu la semaine dernière.

Selon les adversaires de Danon, ses menaces de démission sont une tentative d’anticiper son éviction prévue par Netanyahu.

Si le vice-ministre nie en bloc ces allégations, des sources proches du Premier ministre ont confirmé à plusieurs reprises la rumeur, la semaine dernière.

Netanyahu a de nombreuses raisons de vouloir démettre Danon de son mandat politique.

En effet, ce dernier est le seul membre du gouvernement à ne pas avoir voté en faveur du projet de loi pour la conscription des ultra-orthodoxes, soumis à la Knesset il y a deux semaines.

En outre, selon le ministre de la Défense Moshe Yaalon, Danon est capable de gérer le portefeuille du commandement du Front intérieur.

Un soldat de Tsahal et un Haredi au mur des Lamentations (Crédit : Nati Shohat/FLASH90)
Un soldat de Tsahal et un Haredi au mur Occidental (Crédit : Nati Shohat/FLASH90)

Mais ces éléments restent secondaires par rapport au grief principal de Bibi à l’égard de son vice-ministre à la Défense.

En effet, ce dernier s’est drapé de l’habit d’agitateur le plus actif et le plus dangereux contre le Premier ministre au sein de son propre parti.

La bataille pour le droit de veto

 

 

Fraîchement élu au poste de président du puissant Comité central du Likud, Danon a commencé l’année dernière à mettre en place une coalition au sein même du parti afin de contester la règle précédemment inattaquable érigée par Netanyahu – celle du droit de veto.

Aux rênes de l’institution, Danon se met à réaffirmer le pouvoir dont jouissait naguère le comité central au sein du parti.

« Le Comité central a toujours été la principale institution du Likud responsable de la mise en œuvre de la politique du parti, et je souhaiterais que cela puisse continuer », a déclaré Danon dimanche au Times of Israel.

Et le vice-ministre de la Défense laboure sur un terrain fertile pour la formation d’une nouvelle coalition politique.

Face, d’un côté, aux nombreux militants du Likud inquiets quant à la volonté apparente de Netanyahu de céder des territoires pour la paix, et de l’autre, les militants chevronnés du Likud traditionnel opposés à un projet de fusion du parti avec Israël Beytenu, la formation du ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman.

Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Pour gagner le soutien des deux camps qui forment la grande majorité des 3 800 membres du Comité central du Likud, Danon et certains de ses partisans tentent d’apporter des modifications au règlement du parti, dont la plus notable serait l’institution d’un vote direct pour se prononcer sur une fusion avec Israël Beyteinu.

Cet amendement aurait évincé tout chef de parti qui agirait avec défiance à l’encontre des décisions politiques adoptées par le Comité central, et aurait augmenté le seuil électoral nécessaire pour qu’un chef de parti puisse mener un troisième mandat consécutif.

Ces mesures brandies par les différentes factions anti-Netanyahu constituent un défi flagrant pour l’autorité du Premier ministre qui achève son deuxième mandat consécutif.

Mais la revendication principale de la coalition Danon, c’est la remise en question du droit de veto dont jouit le chef du parti sur l’ordre du jour du Comité central. Un pouvoir acquis lors du premier mandat de Netanyahu en tant que Premier ministre à la fin des années 1990.

A cette époque déjà, il faisait face à une défiance similaire de la part du Comité central dirigé alors par Maxim Levy.

Le Comité central joue un rôle important au sein du parti

L’institution est chargée de définir les grandes lignes de la formation, de mettre en place les procédures, voire même de l’éviction de ses dirigeants.

Et, ces dernières années, Netanyahu a fourni de piètres efforts d’engagement auprès des militants et des institutions du parti.

En effet, la plupart des leaders politiques, une fois qu’ils atteignent le sommet de la hiérarchie du parti, ont souvent manifesté un intérêt à affaiblir et à ignorer les institutions de leur formation politique.

Ce fossé entre le leader et la base militante du parti a laissé le champ libre à Danon pour qu’il puisse exiger un fonctionnement plus « démocratique » pour le Likud.

« Comme je l’ai déjà dit, je suis extrêmement fier de la nature démocratique de notre parti », a-t-il déclaré dimanche au Times of Israel.

« Malheureusement, il s’agit d’un phénomène très rare sur la scène politique contemporaine », a-t-il ajouté. « J’espère continuer à travailler avec les nombreux membres du Likud en ce sens.»

L’erreur serait de sous-estimer l’importance de ces changements en apparence procéduraux.

Danny Danon dans son bureau de la Knesset (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Danny Danon dans son bureau de la Knesset (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Dans un parti dont les membres ont manifesté en majorité leur opposition de principe à tout retrait territorial, et dans un système politique comme Israël, où la constitution d’un parti est juridiquement contraignante pour ses hauts responsables, tout leader d’un parti idéologiquement divisé et qui perdrait le contrôle sur l’institution responsable de la mise en œuvre de la constitution serait dans l’incapacité de gouverner, autant son parti que la nation.

Mais parions qu’un leader de la trempe de Netanyahu ne se laissera pas abattre face à un tel défi.

Quand Danon a souhaité mettre à l’ordre du jour du Comité central, au mois de décembre, l’institution d’un vote pour se prononcer sur une fusion du Likud avec Yisrael Beitenu, le Premier ministre s’est pourvu au tribunal interne de son parti – quelques heures seulement avant le vote prévu – et fit valoir que ces amendements ne peuvent être adoptés par le Comité sans son consentement.

Et Netanyahu a emporté l’épreuve de force face à Danon.

Ce dernier s’est alors pourvu en cassation au tribunal de district qui a infirmé la décision du tribunal interne.

Netanyahu a de nombreuses raisons de vouloir démettre Danon de son mandat politique

Netanyahu se tourne ensuite vers la Cour suprême, qui a statué le mois dernier que le Premier ministre continuerait à définir l’ordre du jour du Comité central, mais que Danon pourrait présenter un programme alternatif.

La Haute Cour de justice n’a pas statué sur l’incontournable question procédurale – le diable est toujours dans les détails – au sujet de l’ordre dans lequel les différents programmes devraient être présentés.

Si Netanyahu peut présenter l’ordre du jour en premier au sujet du vote direct, Netanyahu pourra alors conserver le contrôle effectif de l’institution la plus puissante du parti.

Par contre, si différents points de l’ordre du jour sont présentés dans le même temps et soumis à un vote pour les départager, comme Danon l’espère, le Comité central aura alors l’opportunité de se positionner contre Netanyahu.

Dans ce cas de figure, il aura effectivement perdu le contrôle du Likud, en particulier sur la question la plus sensible et sur laquelle il peine à fédérer une majorité : les pourparlers de paix.

Ce défi mené contre l’autorité du Premier ministre est donc bien réel.

Et Netanyahu semble ainsi payer sa négligence vis-à-vis des fidèles du parti. Une négligence qui a permis à Danon de contester de façon éhontée le chef du parti.

Le retour de bâton anti-Danon

Mais Netanyahu conserve de puissants soutiens au sein de son parti. En janvier, le ministre des Transports Israël Katz, qui dirige le secrétariat du parti, a proposé d’adopter une nouvelle stratégie pour relever le défi Danon.

Le succès de Danon repose d’une part sur une coalition opposée à tout retrait territorial et d’autre part, sur des militants de la première heure réfractaire à une fusion avec Israel Beytenu. Accédez aux souhaits de chaque bloc, exhorte Katz, et la coalition de Danon s’effondrera.

Netanyahu abandonne alors rapidement son intention de fusionner avec le parti de Liberman.

Le ministre des Transports Yisrael Katz, lors de la réunion du comité des affaires économiques à la Knesset, le 3 mars 2014 (Crédit : FLASH90)
Le ministre des Transports Yisrael Katz, lors de la réunion du comité des affaires économiques à la Knesset, le 3 mars 2014 (Crédit : FLASH90)

Parallèlement, Netanyahu prévoit une conférence réservée aux membres du parti pour le 31 mars. Au menu des discussions, les questions diplomatiques. Bibi a l’intention de donner la parole à l’aile belliciste du Likud, tout en déplaçant le débat du Comité central sous l’égide de Danon au Bureau politique du parti, présidé par le vice-ministre des Affaires étrangères Zeev Elkin.

A l’instar de Danon, Elkin est considéré comme un membre de la jeune garde belliciste du Likud, mais apparaît comme le seul capable de brouiller les lignes entre les faucons et le camp Netanyahu.

Dans sa croisade contre le Premier ministre, si Danon a bien réussi à rallier de nombreux soutiens, il s’est également fait beaucoup d’adversaires.

Au cours des dernières semaines, Danon a compris qu’il était engagé dans une lutte pour sa survie politique. S’il perd la bataille, un Netanyahu victorieux aurait les moyens et la motivation de réclamer sa revanche.

Le vice-ministre travaille dur pour rebâtir sa coalition. Au cours des dernières semaines, il a demandé aux membres du comité de lui transmettre des suggestions pour implémenter des amendements constitutionnels, et commencer à construire un programme basé sur ces propositions.

Benjamin Netanyahu, Premier ministre, et Zeev Elkin, ministre délégué aux Affaires étrangères (Crédit : Flash 90)
Benjamin Netanyahu, Premier ministre, et Zeev Elkin, ministre délégué aux Affaires étrangères (Crédit : Flash 90)

Si Netanyahu promet de ne pas opérer de fusion avec Yisrael Beitenu, Danon propose désormais un vote direct pour se prononcer sur l’interdiction d’une liste commune avec le parti russophone, lors des futurs scrutins électoraux.

Danon exige également la mise en place d’un vote au sein du parti sur les pourparlers de paix. Un vote susceptible de désavouer Netanyahu, et dont les conséquences juridiques pourraient peser significativement sur sa capacité à mener les négociations.

Enfin, Danon a déployé ce que les initiés du parti appellent son « option nucléaire », à savoir une proposition de tenir un vote au sein du Comité central au sujet d’une modification du système des primaires du Likud.

Le Comité central du Likud, un symbole de la corruption endémique qui rongeait le système politique israélien, aurait de nouveau le pouvoir de désigner la liste des membres du Likud qui se présente à la Knesset.

Un pouvoir qui lui avait été retiré par le passé

Actuellement, la direction du parti est désignée par l’ensemble des militants du Likud durant les élections primaires qui attirent des dizaines de milliers de personnes.

Or, bon nombre de membres du Comité central rêvent de retourner à l’époque où ils étaient membres d’un club exclusif qui avaient le pouvoir de déterminer le sort des ministres les plus importants du pays.

« Le Comité central a toujours été la principale institution du Likud qui fixait les lignes politiques du parti et je souhaite que cela continue. C’est pourquoi il devrait y avoir un débat et un vote sur les propositions de Kerry qui semblent pour l’heure être en contradiction avec la politique actuelle du parti », affirme-t-il laconiquement, sans préciser les conséquences sur la marge de manœuvre de Netanyahu dans les négociations de paix.

Un dernier point soulevé par les vétérans du Likud. Si Netanyahu perd son droit de veto sur les institutions du parti au profit d’un faucon comme Danon, le Premier ministre en exercice pourrait prendre exemple sur Ariel Sharon et abandonner le navire.

Et les dommages d’un tel scénario sur l’avenir du Likud seraient immenses. Si Danon est populaire parmi les militants du parti, les jeunes faucons du Likud ne jouissent d’aucune popularité auprès du grand public, même celui classé à droite.

Or Netanyahu pourrait refuser de rester dans un parti qui fait barrage à sa capacité à gouverner et à prendre des décisions sur l’avenir du pays, y compris dans les pourparlers de paix avec les Palestiniens.

‘Vous ne pouvez pas me renvoyer, c’est moi qui pars !’

Le bureau du Premier ministre refuse de commenter les menaces de démission brandies par Danon. Mais, selon des sources très proches de Netanyahu, le Premier ministre avait l’intention de démettre Danon de ses fonctions, avant que ce dernier n’annonce son intention de démissionner.

Le militantisme soudain de Danon n’est une façade destinée à dissimuler son éviction, selon ces mêmes sources.

Le bref mandat de Danon au ministère de la Défense fut difficile. En effet, il n’aurait pas la confiance de Moshe Yaalon qui refuse de lui accorder tout pouvoir de décision ou une quelconque véritable responsabilité.

Netanyahu, de son côté, aurait exprimé sa frustration au sujet des refus répétés de son vice-ministre de suivre la ligne du gouvernement dont il est membre.

Toutefois, Danon préfère nier la réalité de ces tensions : « J’ai une très bonne relation de travail avec le ministre de la Défense et nous nous rencontrons régulièrement pour discuter de mes domaines de responsabilité au sein du ministère ».

Néanmoins, il avoue dimanche au Times of Israel : « Nous sommes en désaccord sur des sujets spécifiques, comme la libération des prisonniers. Contrairement au ministre de la Défense et au Premier ministre, je me suis prononcé contre ces libérations dès le départ ».

A l’évidence, nombreux sont les députés, à la droite du Likud, qui se sont élevés contre la politique de Netanyahu. On pourrait citer le président de la coalition Yariv Levin, la vice-ministre des Transports Tzipi Hotovely ou le vice-ministre des Affaires étrangères Zeev Elkin.

Mais aucun n’a provoqué une telle animosité de la part du Premier ministre. Et pour cause, Danon a mené bataille pour arracher des mains du chef du Likud le contrôle sur la plus importante institution du parti.

Ainsi, l’influence de Netanyahu sur le parti est mise à l’épreuve.

Et il s’agit bien du plus important test imposé au Premier ministre depuis son élection à la tête du Likud en 2005.

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