L’incident libyen nuira-t-il à une nouvelle convocation du Forum du Néguev ?
Selon des diplomates arabes, la révélation par le ministre de la Défense de sa réunion avec son homologue libyenne a encore davantage entamé la confiance dans le gouvernement Netanyahu
WASHINGTON — Les efforts visant à organiser la deuxième édition du Forum du Néguev historique ont pris un grave coup après la révélation par le ministre des Affaires étrangères israélien, Eli Cohen, d’une rencontre secrète avec son homologue libyenne, ont expliqué lundi au Times of Israel deux diplomates arabes de haut-rang.
Après plusieurs reports du sommet qui avaient été entraînés par le malaise face au gouvernement de la ligne dure du Premier ministre Benjamin Netanyahu et face à ses politiques à l’égard des Palestiniens, les organisateurs du Forum discutaient d’une éventuelle nouvelle édition pour la mi-octobre, avaient indiqué un diplomate israélien et un diplomate arabe, dimanche, quelques heures avant que Cohen ne lève le voile sur ses échanges avec la ministre des Affaires étrangères libyenne Najla Mangoush, la semaine dernière à Rome, provoquant l’indignation dans la rue libyenne et un torrent de critiques furieuses, en Israël, condamnant cette indiscrétion.
Mangoush a été renvoyée de son poste et elle a depuis fui la Libye pour la Turquie, selon un officiel du ministère libyen des Affaires étrangères.
Les deux diplomates avaient expliqué, dimanche, que cette réunion des chefs de la diplomatie israélienne, américaine, émiratie, bahreïnie, marocaine et égyptienne aurait lieu à Marrakech, au Maroc, et qu’elle inclurait les représentants d’autres pays qui n’avaient pas participé aux premières rencontres.
Le Forum du Néguev avait été établi au mois de mars 2022 avec pour objectif de faire avancer des projets multilatéraux dans les secteurs de l’éducation, de l’énergie, de la sécurité alimentaire, de l’eau, des soins de santé, de la sécurité régionale et du tourisme. Il y a eu depuis quelques entretiens de bas niveau entre les pays partenaires même si aucune initiative n’a été annoncée pour le moment.
Les diplomates arabe et israélien avaient expliqué que les États-Unis, une fois encore, avaient tenté de convaincre la Jordanie de rejoindre le sommet ministériel – le royaume hachémite avait été absent du Forum, l’année dernière, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ayant invité à Ramallah le roi Abdallah dans la même journée. Amman a depuis ouvertement insisté sur le fait que la Jordanie ne rejoindrait pas le Forum tant que les Palestiniens n’y prendraient pas eux-mêmes part.
Même le gouvernement israélien précédent, plus modéré, avait fait fi des propositions portant sur une adhésion pleine et entière des Palestiniens au Forum – et il est donc encore plus improbable que Netanyahu donne son aval à une telle demande.
Le diplomate israélien avait toutefois fait part de son optimisme, dimanche, sur la présence de la Jordanie lors de cette édition.
Mais il s’était exprimé avant la médiatisation de l’entretien survenu entre Cohen et Mangoush – et le diplomate arabe, pour sa part, a estimé que cette révélation pourrait bien entraîner de nouveaux retards dans la tenue du rassemblement régional.
« Cette fuite risque de nous ramener en arrière – en particulier s’agissant de convaincre de nouveaux membres à nous rejoindre parce que le gouvernement israélien et ses ministres ne semblent pas comprendre que la situation est délicate », a dit le diplomate arabe.
« Nous avons besoin d’un environnement apaisé pour pouvoir nous réunir et nous avons le sentiment que le gouvernement israélien en place ne peut pas garantir ce climat, même sur une période très courte », a commenté un autre responsable de la diplomatie arabe.
« Il m’est impossible d’imaginer que ce qui s’est passé puisse aider les efforts visant à négocier un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite », a-t-il ajouté.
Les deux diplomates ont indiqué que leurs capitales poussaient actuellement Israël et l’AP à se réunir au préalable lors d’un nouveau sommet à Aqaba avec la Jordanie, l’Égypte et les États-Unis – de manière à ce que Jérusalem soit en mesure de présenter des résultats à Ramallah avant la nouvelle rencontre du Forum du Néguev au Maroc.
Deux réunions de ce type avaient été organisées cette année en Jordanie et en Égypte, mais l’envie de renouveler l’expérience une troisième fois manque à Jérusalem comme à Ramallah dans un contexte de violences continues en Cisjordanie et d’un nombre-record d’approbations données à de nouvelles constructions dans les implantations.
Il y a aussi cette conscience que les autorisations que donnera le gouvernement de Netanyahu aux Palestiniens seront, quoi qu’il arrive, limitées, dit l’un des deux diplomates arabes, ajoutant que de son point de vue, les avancées réalisées dans le développement du Forum du Néguev resteront, elles aussi, modestes.
La frustration face à la conduite de Cohen est également ressentie à Washington, avec un officiel américain qui a indiqué qu’elle a « tué dans l’œuf » le canal naissant de communication entre Israël et la Libye – qui était un autre membre potentiel pour le Forum du Néguev.
Le ministère des Affaires étrangères, pour sa part, a affirmé avoir émis son communiqué annonçant la rencontre entre Cohen et Mangoush alors que l’information avait déjà fuité auprès des médias – même s’il est difficile de dire de quelle fuite a parlé Jérusalem.
La révélation de l’entretien entre les deux homologues a déclenché des manifestations spontanées à Tripoli et dans d’autres villes de l’Ouest de la Libye, dimanche soir. Lundi, le Premier ministre Abdul Hamid al-Dbeibeh a renvoyé Mangoush, disant qu’une enquête serait lancée sur la rencontre. Il n’a pas précisé sur quelle base serait menée l’enquête. En Libye, il est toutefois illégal, selon une loi qui avait été adoptée en 1957, de normaliser les liens avec Israël.
Lundi soir, Cohen s’en est pris à ses « adversaires politiques » qui, selon lui, l’ont attaqué sans connaître les détails de la situation.
Les organisateurs du Forum du Néguev avaient notamment prévu de se rassembler au mois de juillet – mais le Maroc avait annoncé avoir pris la décision d’ajourner l’événement suite à l’annonce, par Israël, de l’avancée de la construction de 4500 nouvelles habitations dans les implantations de Cisjordanie.
Il y avait eu, avant cela, des discussions sur l’organisation du sommet ministériel au mois de janvier – un projet qui n’avait pas vu le jour dans un contexte de fortes tensions entre les Israéliens et les Palestiniens et face à un certain malaise ressenti par les pays-membres, inquiets face au nouveau gouvernement de Netanyahu.
Depuis la rencontre inaugurale du Forum, au mois de mars 2022, son comité-directeur de moyen-rang s’est réuni à deux occasions et les groupes de travail de bas-niveau se sont entretenus à plusieurs occasions en distanciel et en présentiel. Un rassemblement de haut-rang reste toutefois nécessaire pour ratifier les projets actuellement en discussion.
Au mois de juin, Cohen avait dit devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense, à la Knesset, que deux pays n’entretenant aucun lien diplomatique avec Jérusalem devaient prendre part au sommet qui avait été reporté et qu’ils seraient toutefois présents lorsqu’il aurait enfin lieu. Il n’avait pas précisé quels étaient ces pays, mais des responsables proches du dossier avaient fait savoir, à ce moment-là, que les États-Unis étaient en négociations avec des pays d’Afrique susceptibles d’assister au Forum avec le statut d’observateur.
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