L’unité palestinienne : Abbas face à ses dilemmes
Le dirigeant palestinien est condamné s'il se réconcilie avec le Hamas, mais aussi s’il ne parvient pas à se positionner comme le chef de file de tous les Palestiniens grâce à des élections
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes
Alors que la poussière retombait sur l’annonce de la réconciliation palestinienne dans la bande de Gaza mercredi soir, deux camps ont émergé : celui qui prétend que l’unité avec le Hamas est un baiser de la mort pour les négociations avec Israël, l’autre faisant valoir qu’elle est le seul moyen pour que les discussions se poursuivent.
Le principal porte-parole du premier groupe est le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a déclaré mercredi au ministre autrichien des Affaires étrangères Sebastian Kurz, quelques heures avant l’annonce dans la bande de Gaza, que le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas devait choisir entre « la paix avec Israël et la paix avec le Hamas. »
La position de Netanyahu, réaffirmée après l’annonce du pacte, reflète celle de presque tous les membres de sa coalition, dont la négociatrice en chef pacifiste Tzipi Livni.
A la tête de l’autre groupe, se tient Abbas, qui a déclaré peu de temps après l’accord que l’unité intra-palestinienne « renforcerait la capacité du négociateur palestinien à réaliser la solution à deux Etats. »
Le chef de l’opposition israélienne Isaac Herzog a apparemment trouvé un certain mérite au raisonnement du président de l’AP, affirmant que la bande de Gaza serait désormais sous l’emprise du modéré Abbas.
Mais l’administration américaine semblait se ranger du côté de Netanyahu, la porte-parole du département d’Etat Jen Psaki, déclarant qu’on ne pouvait pas attendre d’Israël qu’il « s’asseye et négocie avec un groupe qui nie son droit à l’existence. »
Le fond du problème c’est qu’Abbas ne s’est pas tourné vers le Hamas pour le bien des négociations avec Israël, mais davantage en vue des élections nationales dans les Territoires palestiniens et afin de retrouver quelque chose dont le gouvernement israélien l’a longtemps accusé de manquer cruellement : la légitimité de gouverner.
Abbas se retrouve donc face à un double dilemme. Il sera critiqué s’il se réconcilie avec le Hamas alors que les Etats-Unis tentent désespérément de prolonger les négociations. Mais il sera tout autant attaqué s’il continue à négocier alors qu’un tiers de sa population est gouverné par le Hamas et que son mandat présidentiel a officiellement pris fin depuis quatre ans.
Les élections nationales étaient la demande centrale du Fatah dans les discussions avec le Hamas, dont la première condition était de reformer l’OLP afin de permettre sa participation.
Le Hamas a accepté à contrecœur la tenue d’élections six mois après la formation d’un gouvernement intérimaire de technocrates, qui statuera sur la bande de Gaza et la Cisjordanie. Le Fatah avait initialement exigé des élections dans les trois mois.
Abbas aurait-il pu agir différemment ? Peut-être. Jen Psaki du Département d’Etat a déclaré que le problème avec la réconciliation tenait autant à son contenu qu’à son calendrier.
Que l’accord de réconciliation se concrétise ou non sous la forme d’élections palestiniennes dans sept mois – ou même dans la formation d’un gouvernement provisoire dans cinq semaines – les dégâts causés à la relation de confiance avec Israël sont déjà faits.
En ce sens, Psaki a raison de dire que le moment auquel intervient l’accord est très problématique.
Mais qu’en est-il du contenu ? Abbas et d’autres responsables palestiniens ont affirmé à plusieurs reprises que le Hamas avait publiquement entériné les négociations avec Israël.
Cette bonne volonté n’a jamais été mise à l’épreuve par Israël ou par la communauté internationale.
En effet, Israël n’a jamais exigé que l’unité palestinienne soit une condition préalable à des discussions, mais cette unité, avec un mandat clair pour négocier avec Israël, reste un préalable à tout accord de paix crédible dans le futur.