Israël en guerre - Jour 434

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Mandats d’arrêt de la CPI contre les dirigeants israéliens. Et après ?

Les effets de la décision de la Cour restent flous mais Netanyahu et Gallant pourraient être arrêtés s'ils tentaient de se rendre dans l'un des 124 États membres de la CPI, UE et alliés compris

Des Palestiniens faisant la queue pour la distribution de nourriture, à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 17 octobre 2024. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)
Des Palestiniens faisant la queue pour la distribution de nourriture, à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 17 octobre 2024. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)

Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont émis, dans la journée de jeudi, des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant – ainsi qu’à l’encontre d’un dirigeant du Hamas assassiné – pour des crimes de guerre et pour des crimes contre l’Humanité qui auraient été commis pendant le conflit qui oppose actuellement Israël et le groupe terroriste palestinien dans la bande de Gaza.

Voici un aperçu de ce qui pourrait se passer dorénavant et de la manière dont la décision du procureur de la CPI pourrait affecter les relations diplomatiques qui unissent Israël et les États membres de la CPI :

Netanyahu et Gallant seront-ils arrêtés ?

Les 124 États membres de la CPI sont tenus – selon les statuts qui fondent la Cour – d’arrêter et de remettre toute personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI si elle met le pied sur leur territoire. Toutefois, la Cour n’a aucun moyen de faire appliquer une telle arrestation. Elle ne dispose d’aucune force de police – avec pour conséquence qu’appréhender des suspects ne peut se faire que par le biais d’un État membre ou d’un État coopérant.

La CPI compte parmi ses membres tous les pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, le Brésil et l’Australie. Dans la région du Moyen-Orient, l’Autorité palestinienne et la Jordanie sont membres de la Cour pénale internationale. Ce qui n’est pas le cas d’Israël et ce qui n’est pas non plus le cas des États-Unis.

La Hongrie a bien signé le Statut de Rome, un traité international ayant créé la CPI en 1999, ratifié deux ans plus tard, au cours du premier mandat de Viktor Orban. Mais elle n’a pas validé la convention associée pour des raisons de constitutionnalité et affirme donc ne pas être obligée de se conformer aux décisions de la juridiction basée à La Haye.

Plusieurs dirigeants d’États membres – y compris des alliés d’Israël comme la France, le Canada et les Pays-Bas – ont annoncé qu’ils respecteraient les mandats et qu’ils procéderaient donc aux arrestations si les dirigeants devaient s’aventurer sur leur sol.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le ministre de la Défense Yoav Gallant participant à une conférence de presse aux quartiers généraux de l’armée de la Kirya, à Tel Aviv, le 28 octobre 2023. (Crédit : Abir Sultan/Pool Photo via AP)

Le plus haut diplomate de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré que la décision de la Cour « doit être respectée et mise en œuvre », assurant aux journalistes alors qu’il se trouvait à Amman qu’elle était « contraignante » pour tous les États parties à la Cour, y compris tous les membres de l’UE.

La Cour fonde sa compétence à l’égard des responsables israéliens sur le fait que l’Autorité palestinienne a été admise en tant qu’État membre en 2015 et que les crimes présumés ont été commis sur un territoire que la Cour reconnaît comme appartenant à l’Autorité palestinienne – bien que celle-ci ne dirige plus Gaza depuis que le Hamas l’a écartée du pouvoir lors d’un coup d’État sanglant en 2007. La Cour est en droit de poursuivre les atrocités présumées qui sont commises par des ressortissants des États membres ainsi que les crimes commis par toute personne, quelle que soit sa nationalité, sur le territoire des États membres.

Quels sont les crimes présumés pour lesquels la Cour a délivré des mandats d’arrêt ?

Les juges de la Cour pénale internationale ont émis les mandats d’arrêt sur la base d’accusations laissant entendre qu’Israël aurait pris pour cible des civils à Gaza et que le pays aurait utilisé la famine comme méthode de guerre – deux accusations qu’Israël nie avec véhémence.

« La Chambre a considéré qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les deux personnes [Netanyahu et Gallant] ont intentionnellement et en toute connaissance de cause privé la population civile de Gaza d’objets indispensables à sa survie, notamment de nourriture, d’eau, de médicaments et d’approvisionnements médicaux, ainsi que de carburant et d’électricité », a écrit le panel de trois juges dans sa décision prise à l’unanimité d’émettre des mandats à l’encontre de Netanyahu et Gallant.

Des Palestiniens faisant la queue pour la distribution de nourriture, à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 17 octobre 2024. (Crédit : Abdel Kareem Hana/AP)

Israël rejette fermement ces accusations, soulignant le ratio relativement faible entre civils et combattants parmi les victimes à Gaza et l’utilisation par le groupe terroriste de civils comme boucliers humains, tout en mettant en avant les nombreux efforts livrés par l’État juif pour éviter de frapper des civils et pour élargir la distribution de l’aide humanitaire au sein de l’enclave, malgré les pillages réguliers qui sont effectués par des gangs et par des groupes terroristes.

Le tribunal a également délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du chef militaire du Hamas, Muhammed Deif, pour des crimes commis pendant et après le pogrom perpétré par le groupe terroriste sur le sol israélien, le 7 octobre 2023 – les hommes du Hamas et d’autres organisations armées ont massacré plus de 1 200 personnes et en ont kidnappé plus de 250, prises en otage dans la bande de Gaza. L’attaque, qui avait ouvertement visé des civils qui se trouvaient chez eux ou des festivaliers venus participer à une rave en plein air, avait été émaillée d’atrocités dont des preuves ont été recueillies.

« La Chambre a également conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que ces crimes contre l’humanité faisaient partie d’une attaque systématique dirigée par le Hamas et d’autres groupes armés contre la population civile d’Israël », peut-on lire dans le communiqué de la Cour.

Le procureur du tribunal avait initialement demandé des mandats d’arrêt contre les dirigeants du Hamas, Yahya Sinwar et Ismail Haniyeh, pour les mêmes charges. Il a retiré sa demande lorsque les deux hommes ont été tués et a concentré son action sur Deif, dont il doute qu’il soit vraiment mort.

Les mandats de la CPI pourraient-ils être suspendus ?

Le règlement de la Cour permet au Conseil de sécurité de l’ONU d’adopter une résolution ayant pour effet de suspendre ou de reporter d’un an une enquête ou des poursuites, procédure reconductible chaque année.

Suite à l’émission du mandat, le pays ou la personne concernée peut par ailleurs faire appel de la compétence du tribunal ou de la recevabilité de l’affaire.

Une affaire peut être jugée irrecevable par la CPI alors même qu’elle fait déjà l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence sur les crimes présumés.

Vue extérieure de la Cour pénale internationale, ou CPI, à La Haye, Pays-Bas, le 30 avril 2024. (Crédit : AP/Peter Dejong)

Toutefois, le tribunal a clairement indiqué par le passé que cette exemption ne pouvait s’appliquer que lorsqu’un État enquêtait ou poursuivait les mêmes personnes pour les mêmes crimes présumés. Une enquête sur les accusations de corruption, comme celles présentées dans le procès pour corruption de Netanyahu, ne serait, en cela, pas conforme à la règle « Même personne, mêmes faits ».

Dans la mesure où aucun tribunal, en Israël, n’enquête sur Netanyahu ou Gallant pour des accusations similaires à celles de la CPI, cette règle ne s’applique pas, du moins aux yeux de la Cour.

Le gouvernement de Netanyahu refuse obstinément d’accéder à la demande de l’opposition et d’autres de diligenter une commission d’enquête d’État sur les failles internes ayant permis au massacre du 7 octobre de se produire comme sur la guerre actuelle.

Si un tribunal israélien décidait d’ouvrir une enquête formelle contre Netanyahu et Gallant et demandait à la CPI de renoncer à son enquête en faveur de l’enquête nationale, le procureur devrait suspendre l’affaire et s’assurer que l’État mène effectivement l’enquête.

Si le procureur concluait au caractère insuffisant de l’enquête domestique, il pourrait demander aux juges de rouvrir l’enquête.

Netanyahu et Gallant peuvent-ils effectuer des déplacements à l’étranger et rencontrer d’autres dirigeants ?

Oui, ils le peuvent. L’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI n’équivaut pas à une interdiction formelle de voyager. Toutefois, ils courent le risque d’être interpelés s’ils se rendent dans un État signataire de la CPI, ce qui est susceptible d’influencer leurs décisions.

L’avocat Yuval Kaplinsky, ex-chef du service du droit international au cabinet du procureur de l’État, explique qu’avec ces mandats, si Netanyahu ou Gallant se rendent dans l’un des pays parties à la CPI, « il y a un risque qu’ils soient arrêtés et extradés [pour être jugés à La Haye]. Je suppose qu’ils agiront avec prudence et éviteront de se retrouver dans pareille situation. »

Pour la chaîne de télévision N12, Kaplinsky a déclaré que si le Premier ministre, par exemple, voulait se rendre dans un pays membre de la CPI, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, pour s’adresser à la communauté juive et « dire que le monde est antisémite », il n’aurait sans doute pas l’assurance de ne pas être arrêté.

Illustration : Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (au centre) rencontre les sénateurs américains Lindsey Graham (à droite) et Richard Blumenthal, à Jérusalem, le 7 octobre 2024. (Crédit : Amos Ben-Gershom/GPO)

« Mais s’il venait participer à un sommet avec des États arabes modérés dans le but de mettre en place une coalition internationale pour améliorer la situation au Moyen-Orient, il y aurait une chance qu’il puisse [obtenir de telles assurances]. »

Il ajoute que le Premier ministre peut continuer à se rentre aux États-Unis par des vols directs, « parce que là-bas, il n’y a pas de problème ».

Les dirigeants politiques, députés ou diplomates n’ont aucune interdiction de rencontrer des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI. D’un point de vue politique, toutefois, cela pourrait être mal perçu par la population de certains pays.

Ces mandats d’arrêt de la CPI auront-ils une influence sur d’autres affaires judiciaires internationales ?

Pas directement, mais indirectement, peut-être.

La demande de la CPI est distincte, par exemple, des affaires judiciaires exigeant un embargo sur les armes contre Israël ou de la plainte de l’Afrique du Sud devant la plus haute juridiction de l’ONU, la Cour internationale de justice, qui accuse Israël d’enfreindre la Convention sur le génocide à Gaza.

Toutefois, si une décision des juges de la CPI établissait qu’il existe des motifs raisonnables de croire que Netanyahu et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont commis des crimes de guerre et contre l’humanité à Gaza, cela pourrait donner davantage de poids à la plainte de l’Afrique du Sud devant la CIJ, car cette Cour tient compte des décisions d’autres tribunaux.

Des magistrats à la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cadre du recours déposé par l’Afrique du Sud sur un cessez-le-feu à Gaza, à La Haye, le 24 mai 2024. (Crédit : Nick Gammon/AFP)

La décision d’émettre un mandat d’arrêt peut également renforcer les recours juridiques portant demande d’embargo sur les armes, car nombre de pays ont des dispositions qui prohibent la vente d’armes à des États susceptibles de les utiliser d’une manière contraire au droit international humanitaire.

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