Menachem Begin a-t-il vraiment dit ‘Il y a des juges à Jérusalem’ ?
Avec le discours fébrile sur le système judiciaire, ces mots qui auraient été prononcés par l'ex-Premier ministre ont un écho sans précédent - même s'il ne les a jamais dits
« Il y a des juges à Jérusalem ! »
Cette citation qui a été attribuée au Premier ministre Menachem Begin est devenue un cri de ralliement souvent répété au cours des cinquante dernières années. Cette phrase est régulièrement utilisée par les politiciens de tout le spectre pour répondre aux jugements des tribunaux qui viennent soutenir leurs points de vue.
Ces dernières semaines, ces mots ont circulé plus que jamais dans un contexte de projet de refonte judiciaire de la part du gouvernement, un plan radical qui fait la Une des journaux et qui domine le discours national.
Il y a tout de même un problème : il n’existe aucune preuve que Begin ait réellement prononcé ces paroles.
« Nous ne savons pas s’il a dit que ‘il y a des juges à Jérusalem’, » note Dror Bar-Yosef, directeur du département de politique libérale-nationaliste au sein du Centre du patrimoine Menachem Begin. « Il a dit de nombreuses fois : ‘Il y a des juges en Israël’… ainsi que de nombreuses variations. Mais rien n’atteste qu’il ait vraiment dit : ‘Il y a des juges à Jérusalem’. »
Cette citation, aussi inexacte soit-elle, est entrée dans l’esprit collectif israélien sous la forme d’une sorte de feux souvenir commun.
Bar-Yosef déclare que les chercheurs estiment avoir remonté le fil pour trouver l’origine de cette citation erronée et cette origine pourrait bien être un article qui avait été écrit par l’ancien magistrat Haim Zadok, qui aurait cité inexactement Begin en lui faisant dire : « Il y a des juges à Jérusalem ».
« C’est la première trace écrite que j’ai pu voir de cette phrase », note Bar-Yosef.
Cette erreur faite par Zadok – qui semble être devenue une erreur collective – se réfère à un discours prononcé à la Knesset par Begin, en 1979, suite à un jugement rendu par la Haute Cour qui avait justifié les implantations israéliennes en disant qu’elles contribuaient aux besoins sécuritaires du pays.
« C’est un jugement intègre et qui établit un précédent », avait-il dit à la Knesset, interrompu par les membres de l’opposition. « Si quelqu’un se permet de me dire que les implantations juives sur la terre d’Israël sont illégales – et peu importe qui me le dit – voilà ce que je lui répondrai : ‘Il y a des juges en Israël’. »
Begin avait approuvé ce jugement de la Haute Cour de tout son être, explique Bar-Yosef, même si le leader de longue date du Likud parlait de manière positive du système judiciaire et de ses magistrats même lorsqu’il était en désaccord avec eux.
Begin avait parlé et écrit toute sa vie et de manière répétée au sujet de l’importance d’un système judiciaire fort et de la nécessité de respecter les jugements émis par la Haute cour. Il est néanmoins impossible, estime Bar-Yosef, de dire comment l’ancien Premier ministre aurait réagi face au plan de refonte prévu du système judiciaire.
« Tout ce que je peux vous dire, c’est ce qu’il avait dit à l’époque », a déclaré Bar-Yosef. « Mais toute utilisation de ses paroles en lien avec la politique actuelle change le contexte… Je ne peux pas vous dire ce qu’il déclarerait aujourd’hui ».
Toutefois, ajoute-t-il, au fil de décennies entières d’écriture, Begin semble ne jamais avoir renoncé à sa croyance dans un système judiciaire fort, à même de protéger les droits de tous les citoyens.
Begin a longtemps affirmé que ‘le système judiciaire doit être suprême par rapport au système de la législature’… C’est un principe qu’il rappelait constamment, qu’il a répété à de nombreuses occasions », dit-il.