Moshe Arbel, élu de Shas, affirme que certains haredim devraient être conscrits
Le parti ultra-orthodoxe rejette l'appel du ministre de l'Intérieur, affirmant que seuls les rabbins du Conseil des Sages de la Torah peuvent décider de la politique à suivre sur cette question épineuse
Un ministre israélien ultra-orthodoxe a brisé un tabou au sein de sa communauté jeudi en affirmant que les étudiants d’écoles talmudiques ne pouvaient plus justifier « moralement » d’être dispensés de service militaire après l’attaque du Hamas le 7 octobre.
La coalition au pouvoir en Israël peine à trouver un compromis sur la question de la conscription des hommes ultra-orthodoxes après une décision prise le mois dernier par la plus haute juridiction du pays, qui a révoqué l’exemption en vigueur depuis des dizaines d’années depuis le 1er avril..
« La réalité de l’après 7 octobre est que la communauté ultra-orthodoxe doit comprendre qu’il n’est plus possible moralement de continuer comme ça », a déclaré Moshé Arbel, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Benjamin Netanyahu, dans un entretien à un podcast.
Alors que le pays est en guerre depuis l’attaque meurtrière perpétrée par le groupe terroriste palestinien du Hamas. il y a plus de six mois, Arbel a affirmé que les dirigeants ultra-orthodoxes devaient faire preuve de « courage » et déclarer que « ceux dont le statut a été révoqué et qui sont éligibles à la conscription doivent faire partie de ceux qui portent le fardeau [du service] ».
Selon la chaîne publique Kan, Arbel parlait des étudiants de yeshivot qui se sont vu refuser le statut d’étudiants en Torah à temps plein par le Vaad HaYeshivot (Comité des Yeshivot), un organisme qui assure la coordination entre les yeshivot ultra-orthodoxes et le ministère de la Défense sur les questions de report d’incorporation.
Le service militaire est obligatoire en Israël, mais les ultra-orthodoxes peuvent être exemptés de conscription pour se consacrer à l’étude des textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée par David Ben Gurion, fondateur de l’Etat d’Israël en 1948.
Alors qu’elle n’affectait que 400 jeunes à l’époque, cette mesure concerne aujourd’hui 66 000 hommes âgés de 18 à 26 ans, une ressource précieuse pour l’armée dans sa guerre contre le Hamas.
La question divise depuis longtemps la société israélienne, dont une partie exige que la communauté ultra-orthodoxe contribue au même titre que toute autre à la sécurité du pays.
Après des années de reports, l’ordonnance du tribunal signifie que l’armée peut désormais appeler les hommes ultra-orthodoxes à servir sous les drapeaux, mais cela ne s’est pas encore produit. Les femmes pratiquantes ne sont pas soumises à l’ordre de conscription.
Le Shas, l’un des deux partis ultra-orthodoxes siégeant au gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ne partage pas la position d’Arbel et espère parvenir à un compromis sur cette question épineuse avec d’autres factions.
En réponse, Shas a fait savoir que « le sujet de la loi sur la conscription et du statut des étudiants de yeshivot est confié exclusivement aux rabbins du Conseil des Sages de la Torah et est géré par le président du mouvement, le rabbin Aryeh Deri, et son représentant aux négociations, le rabbin Ariel Atias. »
« Les représentants du mouvement ont reçu pour instruction de ne faire aucun commentaire sur la question », poursuit le communiqué, ajoutant que la position officielle du mouvement sera communiquée « exclusivement » par les canaux officiels du parti.
Les propos d’Arbel font écho à ceux de son collègue Yaakov Margi (Shas), qui a affirmé en février sur le site Internet Kikar Hashabbat que les membres de la communauté ultra-orthodoxe qui n’étudient pas la Torah à temps plein devraient être enrôlés « par la force ».
Le discours des deux ministres est toutefois en contradiction avec celui du rabbin Moshe Maya, membre éminent du Conseil des Sages de la Torah du Shas – l’organe qui dirige le parti – qui a récemment déclaré que même ceux qui n’étudient pas à plein temps en yeshiva ne devraient pas servir dans les Tsahal.
Des milliers de Juifs ultra-orthodoxes ont manifesté jeudi devant un bureau de conscription de Tsahal à Jérusalem, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Les autorités israéliennes persécutent les érudits de la Torah » et « En prison, mais pas à l’armée », criant qu’ils préféreraient mourir plutôt que de s’enrôler.
La plupart des hommes juifs israéliens sont tenus d’effectuer un service militaire de près de trois ans, suivi d’un service de réserve annuel pendant de longues années ; le service des femmes juives est de deux ans. Les Arabes israéliens ne sont pas obligés de servir, mais certains se portent volontaires.
Selon le site d’informations ultra-orthodoxe Kikar Hashabat, les partis Shass et Yahadout HaTorah négocient avec le Likud de Benjamin. Netanyahu pour un compromis sur 25 % des jeunes ultra-orthodoxes susceptibles de s’engager dès l’année prochaine.
Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d’Israël, selon l’Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes, et connaissent une croissance rapide avec des taux de natalité qui dépassent de loin la moyenne nationale.
S’il arrive à certains hommes ultra-orthodoxes, dont Arbel, de servir dans l’armée, la plupart des membres de cette communauté très unie y sont farouchement opposés.
Ils affirment que servir dans un environnement mixte ou avec des personnes non religieuses est incompatible avec leurs valeurs.