Netanyahu assure qu’Israël restera « démocratique », dénonce le refus de servir
Le Premier ministre a affirmé que c'est le refus de se présenter au service militaire de réserve qui met la démocratie en danger, pas la limitation du "caractère raisonnable"
Jeudi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a tenu une conférence de presse retransmise à la télévision. Il y a défendu la proposition de sa coalition de limiter l’examen du critère juridique du « caractère raisonnable » des décisions des politiciens et a affirmé que cela ne menacerait pas la démocratie, tout en ajoutant que des efforts sont faits pour parvenir à un large accord sur ce sujet.
Netanyahu a commencé par saluer l’unité du pays, affirmant que « nous voulons tous un État juif et une armée israélienne forte », tout en ajoutant qu’il existe des « désaccords naturels ».
« Nombreux pensent que l’équilibre des pouvoirs a été bouleversé et veulent que le gouvernement y remédie », a déclaré Netanyahu, ajoutant que d’autres sont légitimement préoccupés par les ramifications et que d’autres encore « veulent renverser le gouvernement ».
Quoi qu’il en soit, le Premier ministre a affirmé « qu’Israël restera une démocratie, ne deviendra pas un État halakhique et protégera les droits de l’Homme pour tous », en référence à la loi juive orthodoxe – ou halakha.
Il a assuré que son gouvernement souhaite trouver un consensus et a donc tenu des négociations de compromis avec l’opposition pendant trois mois, arguant que cette dernière a rejeté toutes les offres de la coalition, suggérant que cela pourrait être dû à la pression des manifestants « qui veulent renverser le gouvernement sans lien avec la refonte ».
Il a affirmé qu’il a encore élagué la réforme initialement prévue et qu’il ne fait actuellement avancer que la clause concernant le « caractère raisonnable », qui, selon lui, a été largement approuvée jusqu’à présent.
« Il s’agit d’une tentative de vous effrayer sans raison », a-t-il jugé, estimant que le projet de loi ne mettra pas en péril la démocratie.
« Ce qui mettra la démocratie en danger », a-t-il ajouté, « c’est le refus de se présenter au service militaire de réserve », comme bon nombre ont menacé de le faire si le projet de loi était adopté.
« Dans une démocratie éclairée, les militaires sont subordonnés à l’armée, ils ne sont pas subordonnés au gouvernement. Aucun État ne peut accepter cela. Le refus d’une partie entraînera le refus de l’autre, et où cela finira-t-il ? »
Les réservistes – qui occupent un rôle déterminant dans les activités de routine des unités les plus importantes de Tsahal – ont averti, ces derniers mois, qu’ils ne seraient pas en capacité de faire leur devoir militaire dans un Israël qui ne serait plus démocratique – ce qui sera le cas, accusent-ils, si le gouvernement menait à bien son projet de refonte radicale du système judiciaire.
Les appels à se soustraire au devoir de réserve avaient secoué l’armée au début de l’année, alors que la refonte venait d’être annoncée et avançait. Depuis, ils se sont multipliés malgré leur condamnation par de hauts responsables politiques de l’opposition et de la coalition. La menace s’est encore renforcée, ces dernières semaines, alors que la coalition a relancé son plan de réforme qui viendrait bouleverser le système judiciaire du pays, faisant avancer certains éléments du plan – un programme qui avait été longtemps mis en pause au mois de mars suite aux pressions exercées par les réservistes sur le ministre de la Défense Yoav Gallant.
Netanyahu a comparé cette réforme aux mesures controversées prises par les gouvernements précédents, affirmant qu’un refus généralisé de protester ne s’est jamais produit auparavant et ne devrait pas se produire aujourd’hui.
« Au cours de mes 16 années en tant que Premier ministre, je me suis toujours considéré comme le Premier ministre de chacun d’entre vous », a-t-il dit.
Il a affirmé que des efforts sont déployés pour parvenir à un accord sur le projet de loi sur le « caractère raisonnable », même si la loi doit être adoptée au début de la semaine prochaine, la commission de la Chambre de la Knesset ayant voté mercredi pour approuver le calendrier accéléré de l’adoption de la mesure avant la clôture de la session parlementaire, le 30 juillet.
« J’espère qu’ils aboutiront, mais même si ce n’est pas le cas, nous devons nous rappeler que nous sommes une seule et même nation, que nous sommes frères. »
Fin mars, Gallant avait publiquement averti que le désaccord sur la refonte provoquait des divisions dans l’armée qui constituaient une menace tangible pour la sécurité israélienne. En réponse à cet avertissement, Netanyahu avait ordonné le limogeage de Gallant, une décision qui avait déclenché une intensification des protestations nationales, conduisant à son tour Netanyahu à suspendre temporairement le processus législatif de la réforme pendant trois mois et à renoncer à limoger Gallant.
Au cours des dernières semaines, des centaines de réservistes du Corps Médical de Tsahal ont envoyé des lettres dans lesquelles ils menaçaient de ne pas se présenter au service de réserve volontaire pour protester contre la refonte judiciaire.
Les lettres des réservistes du Corps Médical suspendant officiellement leur service interviennent après que plus de 160 réservistes de l’armée de l’air israélienne ont fait de même la nuit précédente.
Plus tard dans la journée de mercredi, des centaines de réservistes ont également signé des lettres similaires devant le quartier général de Tsahal à Tel Aviv, annonçant qu’ils ne se présenteront plus au service de réserve volontaire pour protester contre l’avancée des plans du gouvernement visant à réformer le système judiciaire.
Plus tôt dans la journée, le groupe de protestation Frères d’armes, qui représente des milliers de réservistes, a déclaré qu’il réagissait à la proposition de loi du gouvernement visant à empêcher les tribunaux d’examiner les décisions du gouvernement et des ministres sur la base de leur « caractère raisonnable ».
Frères d’armes a déclaré avoir « un message clair » pour Netanyahu, Gallant et le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi.
« Vous êtes en train de rompre le contrat qui nous lie à vous. Nous avons mal au cœur et notre âme souffre, mais vous ne nous avez pas laissé le choix. Comme durant toutes nos années de réserve, nous nous présenterons maintenant pour défendre le pays avec nos âmes et nos corps. »
Les partis d’opposition ont critiqué le discours de Netanyahu, le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, affirmant que le Premier ministre mène Israël « au bord de la guerre civile ».
« Netanyahu parle de la nécessité d’unifier la nation et nous pousse en réalité vers une crise historique sans précédent, au bord de la guerre civile », a déploré le parti.
« Nous appelons à nouveau Netanyahu à accepter l’offre de Gantz et à revenir à des accords généraux qui mettront fin au chaos et remettront Israël sur la bonne voie pour faire face aux immenses défis auxquels il est confronté. L’histoire ne pardonnera pas à quelqu’un qui choisit la petite politique au détriment de l’intérêt de l’État d’Israël. »
Des sources anonymes du parti HaMahane HaMamlahti, citées par le site d’information Walla, réfutent les affirmations de Netanyahu selon lesquelles des pourparlers auraient eu lieu en vue d’un accord sur le projet de loi du « caractère raisonnable » de la coalition, affirmant qu’elles n’ont pas connaissance de tels pourparlers avec la coalition au cours des derniers jours.
Le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a déclaré que le discours de Netanyahu était « une pirouette visant à tromper le public et à détourner l’attention de l’opposition et des manifestants ».
Il a affirmé qu’il s’agit d’une tentative de gagner du temps et de calmer la colère contre le gouvernement jusqu’à ce qu’il puisse faire passer le reste de la réforme, déclarant que la seule solution est de « remplacer ce gouvernement messianique » et d’établir une constitution.
Les organisateurs de la manifestation ont jugé ce discours « plein de mensonges et d’incitations » et ont affirmé que Netanyahu, « au lieu de maintenir le pays intact, choisit la dictature ».
« C’est le moment pour les citoyens de sortir et de résister. »
Les manifestants anti-refonte qui ont organisé une marche de plusieurs jours vers Jérusalem ont atteint le kibboutz Nahshon, près de la capitale, après deux heures et demie de marche jeudi depuis la forêt de Lehi.
Le groupe, qui a atteint 10 000 personnes à son apogée, a été accueilli par les acclamations des organisateurs qui ont installé de la nourriture avant l’arrivée des marcheurs sur le vaste terrain du centre du kibboutz, où ils ont organisé le « festival de la démocratie ».
De petites tentes pour ceux qui passent la nuit au kibboutz ont été alignées une à une sur la pelouse.
Bien que la marche ait commencé à Tel Aviv – et se terminera à Jérusalem ce samedi soir – les manifestants viennent de tout le pays et beaucoup d’entre eux sont accompagnés de leurs enfants.
La marche a rencontré très peu d’opposition au cours du parcours de jeudi, à l’exception de quelques automobilistes mécontents qui sont passés à côté de la manifestation de l’autre côté de la Route 3.
Charlie Summers a contribué à cet article.