« Nous ne servirons pas une dictature » : des réservistes se rassembleront à 17h
Les membres de Frères d'armes signeront publiquement un document devant le QG de l'armée à Tel Aviv, alors que le gouvernement s'apprête à restreindre le réexamen judiciaire
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Mercredi après-midi, un nombre indéterminé de réservistes devaient signer publiquement un document devant le quartier général de l’armée annonçant la suspension de leur service de réserve volontaire, affirmant que les projets du gouvernement visant à réformer le système judiciaire transformaient le pays en une « dictature ».
Cette annonce est la dernière en date à avoir provoqué une onde de choc au sein de Tsahal, qui s’efforce d’endiguer un flot croissant de réservistes qui abandonnent leur service volontaire pour protester contre la réforme du système judiciaire.
Dans un communiqué, le groupe de protestation Frères d’armes, qui représente des milliers de réservistes, a déclaré qu’il réagissait à la proposition de loi du gouvernement visant à empêcher les tribunaux d’examiner les décisions du gouvernement et des ministres sur la base de leur « caractère raisonnable ».
« Nous ne servirons pas dans une dictature (…) Le projet de loi visant à annuler l’examen du ‘caractère raisonnable’ qui devrait être voté dans les prochains jours bafoue les valeurs de la Déclaration d’Indépendance et va à l’encontre de l’esprit de Tsahal, qui nous a élevés et sur lequel l’État a été fondé », a déclaré le groupe de protestation.
Frères d’armes a déclaré avoir « un message clair » pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi.
« Vous êtes en train de rompre le contrat qui nous lie à vous. Nous avons mal au cœur et notre âme souffre, mais vous ne nous avez pas laissé le choix. Comme durant toutes nos années de réserve, nous nous présenterons maintenant pour défendre le pays avec nos âmes et nos corps ».
Les réservistes ont prévu de se rassembler à 17h dans la zone commerciale du marché Sarona à Tel Aviv, et de marcher jusqu’à la porte Shaul du quartier général de Tsahal, près du Musée d’art de Tel Aviv, où ils devraient signer le document à 18h.
Le gouvernement souhaite adopter un projet de loi limitant l’utilisation de l’examen de la notion juridique du « caractère raisonnable » d’ici à la fin du mois, alors qu’il poursuit son projet largement controversé de refonte du système judiciaire.
Au cours des dernières semaines, les protestations contre la réforme judiciaire ont ébranlé Tsahal, les réservistes de dizaines d’unités menaçant de ne plus servir sur la base du volontariat. Selon une liste publiée dimanche, près de 4 000 réservistes ont signé des lettres menaçant de ne pas se présenter au service volontaire pour protester contre les changements prévus dans le système judiciaire.
Mardi soir, plus de 160 réservistes occupant des postes clés au sein de l’armée de l’air israélienne ont déclaré qu’ils suspendaient leur service de réserve volontaire, avec effet immédiat.
Les responsables de la Défense et les politiciens des deux bords ont averti que ces refus massifs pourraient rendre Israël plus vulnérable aux menaces extérieures.
Mardi, le chef d’état-major, le lieutenant-général Herzi Halevi, a déclaré que les appels des réservistes à refuser de servir pour protester contre les projets du gouvernement visant à réformer le système judiciaire nuisaient à l’armée israélienne.
Mercredi, Halevi s’est rendu à la base aérienne de Tel Nof de l’armée de l’air pour s’entretenir avec les commandants, à la suite de la lettre envoyée mardi par les réservistes.
הרמטכ״ל מבקר כעת בבסיס חיל האוויר תל נוף, מקיים שיח עם המפקדים, טס במסוק ״יסעור״ וצופה בתרגיל של יחידה 669 pic.twitter.com/p7LZs0IN7C
— צבא ההגנה לישראל (@idfonline) July 19, 2023
Contrairement à la plupart des réservistes qui sont appelés à servir sur ordre officiel de Tsahal, les pilotes et autres membres des forces spéciales se présentent beaucoup plus fréquemment et de manière volontaire, souvent en dehors des situations d’urgence, en raison de la nature de leur poste.
L’armée a déclaré qu’elle prendrait des mesures disciplinaires à l’encontre des soldats qui refuseraient de se présenter au travail lorsqu’on le leur ordonnerait, mais elle a souligné qu’aucune mesure ne serait prise à l’encontre des réservistes qui, à ce stade, ne font que menacer de ne pas se présenter au travail.
On ignore quelles mesures seraient prises à l’encontre des réservistes qui ne se présentent pas au service volontaire.
Les réservistes – qui occupent un rôle déterminant dans les activités de routine des unités les plus importantes de Tsahal – ont averti, ces derniers mois, qu’ils ne seraient pas en capacité de faire leur devoir militaire dans un Israël qui ne serait plus démocratique – ce qui sera le cas, accusent-ils, si le gouvernement doit mener à bien son plan de refonte radicale du système judiciaire.
Les appels à se soustraire au devoir de réserve avaient secoué l’armée au début de l’année, alors que la refonte venait d’être annoncée et avançait ; depuis, ils se sont multipliés malgré leur condamnation par de hauts responsables politiques de l’opposition et de la coalition. La menace s’est encore renforcée, ces dernières semaines, alors que la coalition a relancé son plan de réforme qui viendrait bouleverser le système judiciaire du pays, faisant avancer certains éléments du plan – un programme qui avait été longtemps mis en pause au mois de mars suite aux pressions exercées par les réservistes sur le ministre de la Défense Gallant.
Fin mars, Gallant avait publiquement averti que le désaccord sur la refonte provoquait des divisions dans l’armée qui constituaient une menace tangible pour la sécurité israélienne. En réponse à cet avertissement, Netanyahu avait ordonné le limogeage de Gallant, une décision qui avait déclenché une intensification des protestations nationales, conduisant à son tour Netanyahu à suspendre temporairement le processus législatif de la réforme pendant trois mois et à renoncer à limoger Gallant.