Netanyahu aurait présenté Abbas comme un meurtrier d’enfants à Trump – Woodward
Le livre "Rage", brûlot sur l'administration américaine, note aussi que le sénateur Lindsey Graham aurait tenté de convaincre Trump de ne pas éliminer le général iranien Soleimani

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait montré en 2017 au président américain Donald Trump une vidéo potentiellement trafiquée dans laquelle le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, semblait appeler au meurtre d’enfants, selon le livre explosif Rage, écrit par le journaliste Bob Woodward et consacré à l’administration américaine. Netanyahu aurait fait cela afin de conserver le soutien du leader américain aux Israéliens.
Evoquant des extraits de l’ouvrage – qui sort demain – le Jewish Insider et The Independent rapportent qu’au début de sa présidence, Trump avait commencé à vaciller dans son soutien offert à Netanyahu.
Le président américain avait « des doutes sur Netanyahu et se demandait si le Premier ministre israélien ne pourrait pas être le réel problème », selon Woodward. « Trump avait même précédemment dit à Netanyahu, lors d’une visite à Washington, qu’il pensait qu’il était lui-même le vrai obstacle à la paix – et non Abbas. »
Lorsque Trump était ensuite venu en Israël en 2017, Netanyahu lui avait présenté une vidéo d’Abbas dans laquelle « il semble qu’Abbas ordonne le meurtre d’enfants ».

Netanyahu lui avait demandé : « Et c’est lui, le gars que vous voulez aider ? »
Perturbé par ces images, Trump avait alors fait appel au secrétaire d’Etat de l’époque, Rex Tillerson, pour lui faire visionner le clip.
« Regardez cela ! C’est incroyable ! Il faut absolument que vous regardiez cela », avait-il dit.
Tillerson avait vu la vidéo, qui l’avait laissé hautement sceptique. Il devait ultérieurement déclarer qu’il croyait qu’elle avait été falsifiée et créée en utilisant des extraits de discours variés d’Abbas.
Après le départ de Netanyahu de la pièce, Tillerson avait dit à Trump : « Monsieur le président, réalisez-vous que tout cela a été entièrement fabriqué ? »
Trump n’avait pas été convaincu. « Eh bien non, ce n’est pas un trucage », avait-il riposté. « Ils ont réussi à l’enregistrer en train de prononcer ces mots. »

Il n’y a aucune vidéo connue où Abbas appelle à assassiner des enfants.
Lorsque Trump s’était rendu, le lendemain, à Bethléem, selon Woodward, il s’en était pris au leader palestinien, le qualifiant de « menteur » et de « meurtrier ». Des éléments de ces échanges avaient été rendus publics à l’époque.
Woodward semble insinuer dans le livre que cette vidéo a joué un rôle dans la décision prise par Trump, en 2018, de faire fermer les bureaux de représentation de l’Organisation de libération de la Palestine et dans celle de couper presque toutes les aides distribuées aux Palestiniens. Ces décisions ont été largement considérées comme des réactions à la rupture des liens des Palestiniens avec Washington après la reconnaissance par Trump, en 2017, de Jérusalem en tant que capitale d’Israël.

D’autres extraits du livre, rendus publics vendredi, affirment que le sénateur américain Lindsey Graham avait imploré Trump de ne pas assassiner le haut-général iranien Qassem Soleimani, avertissant qu’un tel événement pourrait entraîner « une guerre presque totale ».
Trump a ordonné cette frappe au drone en date du 3 janvier 2020, qui a également entraîné la mort du commandant irakien Abou Mahdi al-Muhandis, suite à une escalade des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran – pays auquel le président américain a imposé des sanctions unilatérales écrasantes.
Quatre jours avant l’attaque, Trump avait évoqué le sujet avec Graham alors qu’il faisait une partie de golfe en Floride.
Graham avait mis en garde Trump contre cette « initiative gigantesque », qu’il avait qualifiée « d’excessive ».

« C’est excessif », avait mis en garde Graham, selon The Guardian. « Que diriez-vous de frapper quelqu’un qui soit à un niveau inférieur à Soleimani, ce qui serait beaucoup plus facile à avaler pour tout le monde ? »
Ce sénateur républicain avait été chargé par le chef de cabinet de Trump de l’époque, Mick Mulvaney, de tenter de faire changer le président d’avis. Il ne s’était pas laissé convaincre et avait autorisé le raid.
Si l’attaque a renforcé les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran dans le Golfe, elle n’a finalement pas entraîné de guerre.