Netanyahu : « La couverture de Walla m’était hostile, pas favorable »
L'audience de mardi annulée pour "circonstances particulières" ; la défense conteste les accusations selon lesquelles le Premier ministre aurait bénéficié d'une couverture favorable
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Au troisième jour de son témoignage dans son procès pénal, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a répété à plusieurs reprises qu’il n’avait aucun lien avec les multiples demandes d’un ami de sa femme, visant à orienter la couverture médiatique du site Walla en sa faveur, et qu’au contraire, la couverture dudit site était particulièrement hostile à son égard ainsi qu’à l’égard de son parti, le Likud.
L’audience de lundi s’est concentrée exclusivement sur l’affaire 4000, la plus grave des trois accusations portées contre Netanyahu. Dans cette affaire, le parquet reproche au Premier ministre d’avoir accepté un avantage indu sous forme d’une couverture médiatique positive de la part du magnat des télécommunications Shaul Elovitch, propriétaire du site Walla, en échange de décisions réglementaires qui auraient bénéficié à Elovitch à hauteur de 1,8 milliard de shekels.
Au cours des six heures d’audience, l’avocat de Netanyahu, Maître Amit Hadad, a passé en revue, avec minutie, les exemples de couverture médiatique cités dans l’acte d’accusation. Il a cherché à démontrer que son client n’avait pas eu à intervenir, que le site d’information n’avait pas obtempéré aux sollicitations pour une couverture plus favorable, ou encore que la couverture n’était pas simplement défavorable mais ouvertement hostile, pire que celle d’autres organes de presse.
Me Hadad a souligné que, sur les 22 exemples énumérés par l’accusation en 2013, Netanyahu n’avait été ni interrogé ni invité à réagir lors des auditions menées par la police avant son inculpation.
À un moment de la procédure, après la présentation de plusieurs exemples cités par la défense, la juge principale Rivka Friedman-Feldman a exprimé son impatience face à la lenteur du questionnement de l’avocat. Elle lui a demandé s’il comptait aborder l’ensemble des 315 exemples mentionnés dans l’acte d’accusation.
Netanyahu a néanmoins insisté sur l’importance d’examiner ces exemples en détail, plutôt que de se contenter d’une simple dénégation. Il a affirmé qu’une telle analyse exhaustive constituait des « preuves contraires » de l’hostilité du site Walla à son encontre, et non d’un quelconque favoritisme.
Juste après midi, le tribunal a accepté de tenir une session à huis clos pour examiner la demande de Netanyahu d’annuler l’audience prévue ce mardi, une demande que les juges ont finalement acceptée.
Ce développement fait suite aux premiers signes d’impatience manifestés par l’État à l’égard des notes régulièrement remises au Premier ministre par son personnel pour des questions apparemment urgentes. À la suite du seul incident de ce type survenu lundi, le ministère public a déclaré qu’un mécanisme formel devrait être mis en place pour traiter de telles interruptions.
Un missile balistique lancé sur Israël depuis le Yémen dans l’après-midi n’a pas interrompu les débats, qui se déroulent dans une salle d’audience souterraine du tribunal de district de Tel Aviv, considérée comme un espace protégé.
Tout au long de la journée, Netanyahu a réitéré que les dizaines, voire les centaines de demandes adressées par l’ami de sa femme, Zeev Rubinstein, au PDG de Walla, Ilan Yeshua, pour modifier la couverture du site en sa faveur, étaient soit de la propre initiative de Rubinstein, soit émanaient de sa femme, Sara, par l’intermédiaire de Rubinstein, puis de Yeshua, à l’insu du Premier ministre.
Netanyahu a également affirmé à plusieurs reprises qu’il n’aurait pas eu besoin de faire des demandes par l’intermédiaire de Rubinstein, dans la mesure où il aurait pu s’adresser lui-même directement à Shaul Elovitch, comme il l’a fait avec le propriétaire d’Israel Hayom, Sheldon Adelson, et le rédacteur en chef du journal, Amos Regev, à de nombreuses reprises durant la période couverte par l’acte d’accusation.
Le Premier ministre a également insisté sur le fait que sa femme n’avait pas discuté des demandes qu’elle aurait pu formuler par l’intermédiaire de Rubinstein.
« Ma femme est une personne indépendante ; elle a ses propres opinions. J’imagine que Rubinstein a parlé avec elle », a déclaré Netanyahu lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité qu’il ait discuté de ces questions avec elle.
Me Hadad s’est concentré sur la période précédant l’élection de 2013 ; à ce moment-là, selon l’accusation, Netanyahu aurait déjà conclu un accord illicite de quid pro quo avec Elovitch. Le Premier ministre a fermement nié l’existence d’un tel accord, qu’il a encore qualifié devant le tribunal, avec sarcasme, « d’accord télépathique ».
Il a également détaillé plusieurs articles publiés par Walla au cours de cette période, qui étaient soit hostiles à Netanyahu, soit favorables à son rival de droite, Naftali Bennett, notamment une interview flatteuse dans laquelle Bennett s’était vu poser des questions faciles sur son engagement envers la patrie.
« Cela contredit ce que Rubinstein demandait », a affirmé Netanyahu, alléguant que la couverture de Walla était en réalité biaisée en faveur de Bennett, et non en sa faveur. « Cela prouve ce que j’ai dit : Walla servait la campagne de Bennett. C’était un effort discipliné de Walla pour la campagne de Bennett. »
Me Hadad a également mis l’accent sur un incident survenu pendant la campagne électorale, au cours duquel le parti HaBayit HaYehudi avait publié des affiches de campagne à travers le pays, affichant une photo de Netanyahu et de Bennett.
Le Likud avait alors saisi la commission centrale électorale (CEC), demandant le retrait des affiches, une demande que la CEC avait confirmée.
L’acte d’accusation affirme que Netanyahu aurait personnellement sollicité une couverture médiatique de cette décision par Walla et qu’Elovitch s’en serait occupé directement. Cependant, Netanyahu a précisé que la décision avait été largement couverte par tous les médias grand public, car elle constituait un événement important de la campagne.
Me Hadad a également souligné que l’article de Walla avait été publié après minuit, bien après les autres médias. Il avait été mis en ligne comme une simple mise à jour, et non comme un article détaillé, et retiré de la page d’accueil du site peu de temps après.
« Tout le monde l’a publié. Prétendre que la publication de cet article par Walla constitue un ‘traitement spécial’ est absurde », a poursuivi Netanyahu.
« Pourquoi n’ont-ils pas vérifié ? Est-ce de la corruption ? », a-t-il fulminé, accusant les enquêteurs et l’accusation de « négligence ou de malveillance » pour une telle allégation.
Netanyahu a souligné que l’incident avait eu lieu quatre jours avant le scrutin du 22 janvier 2013. Il a affirmé que, s’il avait réellement conclu un accord de couverture favorable avec Walla, le moment aurait été idéal pour publier un article complet détaillant le revers subi par son rival.
« Est-ce que c’est de la corruption ? C’est avec cette absurdité qu’ils ont trollé tout un pays ? C’est ça leur preuve ? » a-t-il lancé directement aux juges.
Me Hadad et Netanyahu ont procédé de la même manière pour un autre motif invoqué dans l’acte d’accusation, selon lequel le Premier ministre aurait personnellement demandé à Walla de couvrir sa visite à Jérusalem la veille de l’élection, au cours de laquelle le maire de la ville, Nir Barkat, avait exprimé publiquement son soutien à Netanyahu.
Bien que l’accusation affirme que la demande, qui serait venue de Rubinstein, avait été « acceptée », Walla n’a publié qu’un bref flash d’information, alors que d’autres sites ont couvert l’événement de manière plus détaillée, a souligné Me Hadad.
« Présenter ceci comme un traitement spécial ne correspond pas à la réalité », a déclaré Netanyahu.
« Vos honneurs, c’est pathétique. C’est absurde », a-t-il ajouté, s’adressant directement aux juges, une pratique qu’il a adoptée à plusieurs reprises au cours des audiences.
Netanyahu a également insisté sur le fait que les demandes transmises par Rubinstein à Ilan Yeshua, PDG de Walla, portaient sur des questions insignifiantes, sans rapport avec les enjeux centraux de la campagne du Likud.
« Peut-être qu’elles intéressaient ma femme, peut-être qu’il [Rubinstein] pensait qu’elles intéressaient ma femme », a-t-il spéculé.
Me Hadad a aussi mis en évidence que, durant l’année 2013, Netanyahu a tenu deux réunions et trois appels téléphoniques avec Elovitch, mais 126 appels téléphoniques au total avec Sheldon Adelson et Amos Regev, propriétaires et rédacteurs d’Israel Hayom.
« Cela montre un lien [avec Elovitch] qui est inhabituel dans la mesure où il est négligeable, et un lien fort avec Israel Hayom parce que [ce média] reflète véritablement l’idéologie de ses propriétaires », a argumenté Netanyahu.
Un autre incident clé soulevé par Me Hadad concerne les allégations selon lesquelles Netanyahu aurait été directement impliqué dans une demande visant à modifier la couverture médiatique de sa cérémonie de prestation de serment à la Knesset après le scrutin. Lors de cet événement, Sara Netanyahu portait une robe considérée comme quelque peu transparente.
Walla a publié un article critique affirmant que les alliés politiques ultra-orthodoxes de Netanyahu avaient été contrariés par la robe de sa femme et l’avaient accusée d’avoir « déshonoré » l’événement.
Netanyahu a décrit l’article comme « l’angle le plus négatif possible » et a ajouté que Ynet, Globes et d’autres médias avaient couvert la cérémonie « convenablement et même favorablement. »
Me Hadad a également fait remarquer aux juges que lorsque le chef du parti ultra-orthodoxe Shas, Aryeh Deri, a ouvertement dénoncé les attaques contre Sara Netanyahu au sujet de sa robe, Ynet n’a pas publié d’article sur les commentaires de Deri, malgré une demande de Rubinstein à Ynet pour qu’il le fasse.
« Presque tous les exemples de l’accusation témoignent non pas d’un traitement spécial, mais d’une hostilité spéciale », a insisté Netanyahu.
Des semaines de témoignages prévues
Dans les semaines à venir, sauf exceptions telles que l’annulation de la séance de mardi, Netanyahu devrait témoigner tous les lundis, mardis et mercredis, les séances du tribunal étant prévues jusqu’à la fin du mois de décembre. Les séances d’audience se tiendront de 10h00 à 16h00 tous les jours, avec une pause pour le déjeuner.
Les avocats de la défense de Netanyahu interrogeront d’abord le Premier ministre pendant plusieurs jours. Une fois que la défense aura interrogé le témoin, les avocats de l’accusation du bureau de la procureure générale pourront procéder à son contre-interrogatoire, ce qui devrait durer la majeure partie du temps où le Premier ministre sera à la barre.
Les chefs d’accusation
Netanyahu est jugé dans trois affaires de corruption. Il est accusé de fraude et d’abus de confiance dans les affaires 1 000 et 2 000, ainsi que de corruption, de fraude et d’abus de confiance dans l’Affaire 4 000.
L’Affaire 1 000 porte sur des allégations selon lesquelles Netanyahu et son épouse Sara auraient reçu de manière illicite des cadeaux onéreux du magnat des médias hollywoodien Arnon Milchan, d’une valeur d’environ 700 000 shekels, et que Netanyahu aurait violé les lois sur les conflits d’intérêts en aidant Milchan à renouveler son visa de résidence longue durée aux États-Unis, et en cherchant à l’aider sur le plan fiscal.
Dans l’Affaire 2 000, le Premier ministre est accusé de fraude et d’abus de confiance pour avoir prétendument tenté de conclure un accord avec Arnon (Noni) Mozes, l’éditeur du journal Yedioth Aharonot. Selon cet accord, le journal accorderait au Premier ministre une couverture médiatique plus positive en échange d’une réglementation qui affaiblirait son principal rival, le quotidien gratuit Israel Hayom.
L’Affaire 4 000, également connue sous le nom d’Affaire Bezeq-Walla, est la plus grave à laquelle le Premier ministre ait jamais été confronté. Il est accusé d’avoir autorisé des décisions réglementaires qui ont bénéficié financièrement à Shaul Elovitch, actionnaire du géant des télécommunications Bezeq, à hauteur de plusieurs centaines de millions de shekels. En retour, Netanyahu aurait bénéficié d’une couverture médiatique favorable de la part du site d’information Walla, dont Elovitch est également propriétaire.
Netanyahu dément avoir commis des actes répréhensibles et affirme que les accusations ont été forgées de toutes pièces dans le cadre d’un coup d’État politique mené par la police et le ministère public.